17.2.20

Le voyou s'adresse à la légende

Depuis quelques jours, les artistes russes défraient la chronique… Tant à Paris qu'à Dublin… moment idéal, pour rappeler que leur ancêtre Essenine l'Imaginiste, fit l'objet de pas moins de treize affaires judiciaires — classées sans suite grâce entre autres à Trotsky — dont les procès-verbaux précisent tous qu'il ne reconnait pas avoir "résisté" à son arrestation… ni même insulté les tchékistes… dans ces cabarets où il provoquait des rixes en improvisant des vers satiriques sur les clients assis aux tables, dans la Russie de la Guerre Civile: trafiquants en tous genre, caïds du marché noir…
Dans un esprit de contraste et d'apaisement, nous présentons ici son hommage à Pouchkine.


Photo© Catherine Dô-Duc (le bureau d'Ho Chi Minh).

À POUCHKINE
(Vers traduits par TM)
Du don tout-puissant, me prenant à rêver
De celui, qui est devenu la russe destinée,
Debout, sur la Tverskaïa
Debout, pour me parler à moi.

Blondissîme, les cheveux presque blancs,
Dans les légendes, brume devenant,
Ô Alexandre ! Tu étais un vaurien,
Comme je suis un voyou plébéien.

Mais ces divertissements chéris
Ton image n’ont pas assombri,
Et dans le bronze de ta gloire forgée
Une tête orgueilleuse tu sais secouer.



Je me dresse, comme devant l’Eucharistie
Et pour te répondre je te dis :
Je mourrai sur le champ d’une joie sans frein
S’il m’était échu un tel destin.

Mais condamné à la persécution
Je chanterai encore longtemps…
Pour que né des steppes, mon chant
Puisse du bronze rendre le son.
Sergueï Essenine, 1924.

Мечтая о могучем даре
Того, кто русской стал судьбой,
Стою я на Тверском бульваре,
Стою и говорю с собой.

Блондинистый, почти белесый,
В легендах ставший как туман,
О Александр! Ты был повеса,
Как я сегодня хулиган.

Но эти милые забавы
Не затемнили образ твой,
И в бронзе выкованной славы
Трясешь ты гордой головой.

А я стою, как пред причастьем,
И говорю в ответ тебе:
 Я умер бы сейчас от счастья,
Сподобленный такой судьбе.

Но, обреченный на гоненье,
Еще я долго буду петь... Чтоб и мое степное пенье
Сумело бронзой прозвенеть.
Сергей Есенин