traduit par Vincent Deyveaux
Fleurit mon âme dans les vers,
Nature chantait la Beauté,
Je m'élançais l'allure fière,
Embrassant mes tendres années.
L'astre du jour brillait si haut,
Le vent mes boucles dénouait,
Je prenais la vie en cadeau
Car le Bon Dieu tant promettait...
Brille, petite baie vermeille,
Et la gorgée brûle au dedans,
Car la vie belle est à présent
Quand le vin remplit la bouteille.
Tombent les feuilles en murmurant,
Le blizzard vient à ma rencontre...
Blizzard, mon doux soulagement,
Réchauffe, réchauffe mon coeur !
rives de la Iena, Russie
Метель
Моя душа цвела стихами,
Природа пела красотой, -
В обнимку с юными годами
Я шел походкой разбитной.
И солнце мне светило ярко,
И ветер кудри развивал,
И жизнь казалась мне подарком,
А Бог так много обещал...
Гори, кудрявая рябина,
Глоток-другой пусть жжет нутро,
Теперь мне жизнь тогда красива,
Когда в бутылке есть вино.
Шумит пусть вьюга листопада,
Навстречу мне метель, метель...
Моя любимая отрада,-
Согрей же серце мне, согрей !
Vladimir Kiriliouk, 2001
traduction et photos: Vincent Deyveaux
23.4.12
16.4.12
Charlatan comme un politicien en mal d'élection
RASPOUTINE
— C’EST MOI !
(Kira Sapguir, traduit du russe par TM)
Il
arrive qu’on soit envahi par une sorte de fébrilité : on a envie de
changer de monde, ou du moins de changer de chapeau, de profession. C’est ainsi
qu’un jour je décidai de devenir voyante. Avec une boule de cristal, des
cartes, et des châles bariolés. En effet, écrivain et devin — sont deux
professions voisines. Elles exigent toutes deux de l’imagination, de
l’inventivité, une certaine connaissance de l’âme humaine — toutes deux ont
facilement des relents de charlatanisme. D’autant plus que la rumeur confirme
les conditions d’existence sans contraintes des marchands de bonheur, qui sont
légion en notre siècle éclairé.
Donc, je
passai une annonce dans la petite revue « La Magie et nous » :
Chamane
féminine, disciple de Raspoutine, célèbre par son expérience parapsychologique
dans les cercles occultes de Moscou et St-Pétersbourg. Tire les cartes, lit
dans les lignes de la main, le destin dans sa boule de cristal, et guérit les
souffrances physiques.
Ma
chiromancie fut couronnée de succès. Inattendu, et sans l’avoir lu dans les
cartes, je me retrouvais même dans l’annuaire des quatre cents meilleurs
oracles d’Europe francophone. Décidément,
écrivain et devin étaient des professions voisines… d’ailleurs j’en ai
déjà parlé.
Bientôt
le mage Dessoires me passa un coup de fil.
SYNDICAT DES MAGES
« Je
m’intéresses à Raspoutine, entendis-je. Serait-il possible de se rencontrer
pour en parler ? ». Je frissonnai : mon grossier truc
publicitaire ne signifiait en aucune manière que j’en sache plus sur Raspoutine
que Dessoires.
Mais
j’en savais plus long sur Dessoires que sur Raspoutine. Dans l’annuaire des
devins et des voyants, on précisait que ce mage était un véritable sorcier en
matière d’autopromotion ! On savait aussi que Dessoires avait un penchant
pour les activités sociales : il organisait sans arrêts divers colloques,
réunions professionnelles, festivals de devins — il avait même tenté de monter
un syndicat… Est-ce qu’on ce rend compte ce qu’il en eut été d’un tel syndicat,
si la tentative ne s’était éteinte d’elle-même, victime de son insuccès ?
Alors
que faire ? Tout avouer ? J’aurais perdu tout respect de moi-même. Me
cacher derrière un rideau de fumée ? C’était une autre façon de cracher le
morceau. Pourquoi s’intéressait-il à Raspoutine ? Je n’avais pas besoin de
ma boule de cristal pour le deviner. Je fus alors inspirée par la muse — et en
deux minutes le scénario était prêt dans mon cerveau.
J’avais
tout à coup compris, j’allais participer à un concours de baratineurs et
emporter la victoire était une question d’honneur. Réfléchis bien, le
mage ! Et moi ? Capable ou non d’écrire un best-seller ?
CAGLIOSTRO RUE DE PONTHIEU
Le
cabinet du mage Dessoires était situé rue de Ponthieu, en face du bar
« Chez Tania »[1]. À mon
coup de sonnette, une physionomie levantine très avenante, couverte jusqu’aux
yeux de poils de barbe ondulés, me considéra.
« Bonjour,
monsieur Raspoutine ! » J’articulais soigneusement cette phrase
préparée à l’avance. Mon hôte fut pris au dépourvu — et je compris que j’avais
touché en plein dans le mille du premier coup !
« Comment
avez-vous su ? Oui, Raspoutine, c’est moi ! Dans une nouvelle
incarnation ! ». Sur ces paroles, Dessoires m’emmena précipitamment
dans son cabinet et me fit asseoir sur un fauteuil de cuir noir devant une
table basse, véritablement digne de
Cagliostro : une lourde plaque de verre soutenue par des pieds de
porcelaine noire : un cône, une pyramide, un cube, une sphère.
« Racontez-moi »,
dit le mage Dessoires, en tentant un regard hypnotique avec ses yeux ronds.
« C’est
une longue histoire », répondis-je énigmatiquement, en observant la pièce
autour de moi : les mages se débrouillaient pas mal ! Ordinateur PC
dernier modèle, vaste cabinet près des Champs-Élysées !
J’entamais
mon récit :
« Je
suis originaire de l’Oural, de Tobola, lieu de naissance de Raspoutine. Comme
vous le savez, l’Oural regorge de métaux dont les émanations sourdent de la
terre… C’est ce qui nous confère le don de clairvoyance. Comme à Delphes où les
sybilles donnaient l’oracle, respirant les vapeurs de roches fendues…
(Évidemment ce dernier détail était de mon invention ; mais j’eus par la
suite l’occasion de voir ces fariboles présentées comme un fait scientifiquement
établi dans la revue « La Magie et nous »). « J’ai passé mon
enfance en famille à St-Pétersbourg, continuai-je. Ma maman était dame de
compagnie au palais de l’empereur… »
« Permettez,
permettez… Quel âge avez-vous ?! »
« Devinez ! »
« Vous
n’avez pas quatre-vingt-dix- ans, c’est impossible ! »
« Précisément
quatre-vingt-dix ! répondis-je d’une voix triomphante. Mais cessez de
m’interrompre ! À St-Pétersbourg, à l’âge de sept ans, Raspoutine m’est
apparu en rêve. Prie, me dit-il et tous tes désirs seront exaucés. Je me
suis mise à prier et mes désirs se réalisèrent. Un jour, il m’accorda la
jeunesse éternelle et l’immortalité… »
« Bravo ! »
parvint-il à grommeler.
TU SERAS PROPHÉTESSE
Mon
récit m’emportait, comme une voile se gonfle de vent. «Quand il apparut
Raspoutine déclara : tu seras prophétesse et il m’enseigna l’art des
chamans et celui des guérisseurs. Et malgré tout… (je marquai une pause
douloureuse), Il aurait mieux fait de ne pas apparaître… »
« Mais
pourquoi ? Il a été votre bienfaiteur ! »
« Qu’est-ce
ça pouvait bien me faire ! En effet, à la suite de cela, on m’a arraché
les trois choses que j’avais de plus chères au monde ! »
Je parlais
d’une voix tremblante, j’entrais à fond dans le rôle.
« …Un
jour, j’ai cassé le manche du stylo à bille Parker en or de mon père, qui lui
était très précieux… »
« Une
seconde ! À cette époque, il n’ y
avait pas de stylo à bille ! »
« Cessez
de m’interrompre ! Je priai pour que père ne me punisse pas. Et il ne m’a
certes pas punie… Parce qu’on l’a arrêté et en envoyé dans un camp
pénitentiaire pendant dix ans[2]. Oh,
comme j’ai détesté ce scélérat ! Ce Raspoutine ! »
« Pour
quelle raison Raspoutine était-il un scélérat ? »
« Parce
que… (mon récit s’essoufflait), à chaque fois, Raspoutine… me faisait
l’amour ! »
« Quoi ?
Ouais, du reste, en cette matière… il était doué ! » remarqua le
mage, soudain juvénile.
« C’est
écœurant, espèce de soudard ! m’écriai-je, furieuse. Cet homme ! Ce
moujik foulant aux pieds ma vertu de jeune fille ! Un jour, continuai-je,
je n’ai pas pu le supporter plus avant : je me suis jeté à ses genoux et me suis
mis à le supplier de me rendre à la foule ordinaire et de ne plus m’apparaître
pour me couvrir de ses dons non désirés. Très
bien, m’a répondu Raspoutine. Je vais
te laisser en paix. Mais n’oublie pas d’être pieuse. Et voilà qu’il m’est à
nouveau apparu ici, à Paris. Tu dois déclarer
ma présence au monde, m’a-t-il dit. J’ai passé une annonce et me
voici ! »
« Cependant,
il aurait fallu un peu creuser vos incarnations passées ! » grommela
le mage d’un ton morne de fonctionnaire du bureau du destin.
En guise
d’adieu, Dessoires, plutôt un brave type, au fond, me donna les conseils aux
débutants dans la profession ; par exemple être modeste dans ses annonces
publicitaires, donner la préférence au bouche à oreille. Ne pas passer plus
d’une demi heure en consultation et ne pas demander moins de deux cents euros.
Nous nous embrassâmes de bon cœur et je quittai le cabinet du mage et de
l’enchanteur de la rue de Ponthieu.
En
descendant vers le Pont de l’Alma, je commandai un sorbet à la cerise dans un
café, heureuse comme je ne l’avais jamais été.
Je revis
bientôt mon mage à la télé. Il venait de publier un livre « Raspoutine, c’est
moi ! »
« Dans
la chaleur de Tunis où j’ai grandi, déclarait Dessoires, plein d’élan, depuis
mon enfance je rêvais des steppes enneigées. La Taïga ! Un jour, j’eus la
révélation : Je suis Raspoutine ! dans une nouvelle incarnation !
J’ai été une fois invité à déjeuner chez un ami, oligarque russe milliardaire, à Moscou, un de
mes intimes. Tout était comme d’habitude, nous mangions, nous buvions, dans une
vaisselle d’or et d’argent. Je compris brusquement :ce milliardaire — c’était
Nicolas Deux ! Sa fille — la réincarnation d’Alexeïa l’héritière du trône !
Raspoutine, c‘est moi ! répétait Dessoires sur un ton pathologique.
Je m’efforce de servir l’humanité sans relâche. Servir le Bien avec un grand B,
de façon désintéressée ! »
Je me
souvins alors des deux cents euros par demi heure de consultation. Au concours
des menteurs, aucune fable d’auteur de best-seller ne pouvait se comparer à un tel
sens de la publicité !
Kira Sapguir, avril 2012
Kira Sapguir, avril 2012
[1] Bordel
parisien célèbre dont le « personnel » était russe.
[2] C’est un
fait authentique de ma biographie. J’ai cassé le stylo Parker de mon père, j’ai
prié, il est allé dans un camp et a passé dix ans au cercle polaire, emprisonné
comme ennemi du peuple.
6.4.12
Tord-boyau mondialisé
Libellule de la Dive Bouteille |
WIFE BEATER
Dans les années 1990, je fréquentais Carl
Watson, que je tiens aujourd’hui encore pour le plus grand écrivain qu’il m’ait
été donné de rencontrer (Hôtel des Actes
Irrévocables, Gallimard, 1997, Sous l’Empire des Oiseaux, Vagabonde,
2006, Une Vie Psychosomatique, Vagabonde, 2009). Ses envolées prouvaient que le lyrisme remis à l’honneur
par Annie Le Brun dans Appel d’air —Sous
les sciences humaines et la prétention de littérature, toujours les mêmes
vieilles foutaises — est bien une façon de se réapproprier le sensible,
fût-ce dans des conditions effroyables, pour défaire le complot. Bref, à cette
époque où je traînais avec l’oiseau maigre, je ne l’ai jamais vu boire de Wife Beater, ces vins cuits affectionnés
dans les bas-fonds, bourrés de sucre et titrant 18°. Pourtant dans les récits
hallucinatoires de Carl Watson, chaque fois qu’un forfait défrayait la chronique, c’était sous
l’effet du Thunderbird, du Night Train, si populaires à Uptown Chicago. Et son physique
décharné, malsain, évoquait des nuits froides passées à s'abreuver du suc
nourricier de diabète et de cirrhose dans les quartiers quadrillages de la
déchéance, son obsession. Mais non, Carl buvait de la bière et du bourbon, avec
un goût pour ce dernier qui trahissait l’obsession du sucre — I like that corn taste… disait-il d’une
voix éraillée. Au point que nous lui offrîmes, moi et Daniel Bismuth, l’autre
traducteur de L’Empire, deux
bouteilles de sa gnôle sudiste, hors d’âge vieillis en fûts de chêne, distillé
quatre fois, un poison exquis qui n’aurait pas déparé la table du Général Lee,
se remontant le moral après la reddition confédérée… Mais je n’ai jamais vu Watson
boire de Wife Beater. Le concept même
me sortit de la mémoire.
Toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, chatoiement des gueules de bois |
Une douzaine d’années plus tard — je ne voyais plus Watson,
hélas, que de loin en loin — j’invitai Big
Steve Felton, mon alter ego, coach de boxe dans la Ville Noire de Jersey City à
dîner un soir, pour un repas que je confectionnais moi-même avec un soin
franchouillard et qui tomba tout faux. Il fallut lui donner cinq côtes d’agneau — je me souviens
encore du rire de sa femme quand elle aperçut la bidoche, minuscule, dit-elle seulement — et le bordeaux super-classe que je
m’étais procuré, était selon mon ami : amer.
Steve s’enfila quand même la bouteille, ce qui me rassura un peu, s’y habituant
au fur et à mesure. Mais, pour le convaincre d’en boire, il me fallut jurer que
je boirai de son poison à lui : Wild
Irish Rose. Une immondice pour les clodos. Mais Steve, qui ne crachait pas
sur l’alcool, et à qui ça avait coûté sa carrière chez les professionnels, ne
tarissait pas d’éloges : c’est bon, c’est sucré, c’est pas cher, and you get a nice buzz, time to get
laid !… J’essayais de contrer en répondant que le sucre fait les
gueules de bois morbides, et qu’on économisait chez le docteur en buvant de
l’alcool qui sait se tenir en société.
Rien n’y faisait, je finis par promettre. Steve s’envoya le bordeaux —
un Graves de bonne tenue, nom de Dieu— d’un air dédaigneux, en me vantant le Wild Irish Rose. Sa femme, Marylin — comme Monroe, disait-elle, pas
mécontente que son teint d’ébène rivalise avec la blonde d’entre les blondes —
finit par le réprimander : Si
t’aimes pas ça reste pas croché au goulot de ce vin français. Elle, au
moins, elle avait des manières. Je la bénissais, mais il était trop tard, j’avais promis de goûter à sa saloperie.
Le lendemain, j’appelais Watson — dont j’avais encore, à
cette heureuse époque, le numéro — et il me confirma ce que je savais
déjà : Wild Irish Rose ? That’s
a wife beater all right, lowest of the low…
Poésie spéciale du poivrot: prendre le Train de Nuit Express, s'envoler sur l'Oiseau-Tonnerre… |
Puis, c’était en juillet, dans une chaleur d’étuve, on
perdait trois kilos à chaque séance en tapant dans le sac dans la cave de Steve
— son anniversaire. Tout le quartier débarque, les balaises, les grosses, une
ribambelle de marmaille, quelques jolies filles de moins de vingt-cinq ans, les
boxeurs et les gangsters, à entendre au sens littéral — membres des gangs locaux.
Fête et barbecue dans la cour de chez Steve. Pas gigantesque, c’est pas le
Palais-Royal. Mais le maître des lieux se fait attendre. Et Marylin — comme
Monroe — finit par me dire : Thierry,
va le chercher. Il t’écoutera, toi. Je monte au premier, Steve est devant
son ordi en train de jouer aux échecs. Quasi analphabète, incapable d’écrire une
lettre, mais assez doué en stratégie. Laisse tomber, dis-je, t’es
pas Kasparov, tu battras jamais ta machine, il est temps d’être un peu sociable,
tout le monde t’attend. Steve se rebiffe : Si, si, je l’ai presque eu la
dernière fois, regarde. Trois parties d’affilée, et l’ordi le met échec et
mat. Des voix s’élèvent, dans la cour : Steve !!! Sois raisonnable, tu vois bien qu’il est plus fort
que toi, cet ordi. Piqué au vif, Steve se tourne vers moi : Let’s go get a pint of Wild Irish Rose, tu m’as promis que tu y
goûterais, l’autre jour. Panique sous mon crâne de Blanc, j’avais déjà
abusé de la Heineken dark, de la
brune, non que ce soit si bon que ça, mais ça n’existe pas en Europe alors j’ai
développé une faiblesse. Du vin cuit par là-dessus, je vais gerber toute la
nuit. Non Steve, descends, on enverra un
môme en chercher, si t’insistes. J’insiste, dit-il, mais il consent à
descendre. Ensuite, il était submergé, la Heineken
dark coulait à flots, entrecoupée de
cognac Hennessy, et il lui fallait tenir son rang de caïd dans le machisme du
quartier. Juste au moment où, dans sa rancune, il repensait au Wild Irish Rose, il était déjà tard et
j’ai profité de la bagnole de son fils pour filer à l’anglaise — ce qui se dit,
curieusement, en anglais : Take the French leave…
Trois doses de ce truc à 75,5° et tous les décolletés sont vertigineux |
Quelques années plus tôt, Limonov, à Moscou, avait méprisé
un Armagnac très convenable que je lui rapportais de France— non,
je suis un gueux moi, j’ai des goûts prolétariens — parce qu’un ami à lui s’était
pointé avec l’équivalent soviet de Wife
beater, appelé sous les latitudes de l’Est : portveïn, ou vin de Porto, tu parles, ça venait d’Azerbaïdjan, et
plongeait notre écrivain maudit dans un attendrissement ineffable, avant l'ivresse de brute, parce qu’il
avait bu ce tord-boyau toute sa jeunesse. Le leader des Nationaux-Bolcheviques
chercha à toute force, lui aussi, à me faire goûter cette liqueur de sauvages.
Devant mon refus obstiné, il me déclara définitivement petit-bourgeois : Tu ne veux pas travailler avec des salauds,
ni boire les breuvages du peuple, tu n’iras pas loin.
Dolce Vita sur la Mer Noire |
Nonobstant, je réussis à préserver ces amitiés, jusqu’au jour d’aujourd’hui, sans — mon foie m’en est reconnaissant — jamais toucher au Wife beater.
TM, avril 2012.
4.4.12
Le complot existe
« Conspirationnisme » ou lucidité ?…
L’américanisme d’importation récente — dans
la novlangue tutélaire d’Internet qui nous sert à présent de cerveau —
« théorie du complot » (platement tiré comme le reste de ces termes à
la mode servile franco-française d’une expression télévisuelle étatzunienne :
conspiracy theory) vise à renforcer
l’esprit de « transparence » et de « divulgation » de Mondeparfait qui a remplacé Mondelibre dans la représentation du consommateur universel, après
la fin de la Guerre Froide. Donc, quiconque soupçonne complot est un
paranoïaque à placer sous neuroleptiques (est-ce que ça s’appelle encore comme
ça ? On doit avoir découvert des drogues psychotropes plus décervelantes
encore, je date certainement, dans ce domaine), dans notre univers
« transparent » le complot est impossible. Le bombardement
d’informations-minute suffirait à le prouver — s’il ne conduisait à une opacité
par surcharge qui éveille les soupçons, tout de même… On doit tirer certaines ficelles quelque part, non ?… Le choix
omniprésent dans la production, disait Debord.
Bref, je ne croyais pas si bien dire, dans un texte à
paraître au sein d’un livre recueil de poésies russes, et qui lui sert
d’introduction, intitulé, Des Chansons
pour les sirènes (Éditions Écarlate, à paraître cette année). Voici l’extrait :
Plus tard les Américains devaient en faire
une science — il est plus malin de séduire que de soumettre — et ils
concoctèrent la contreculture, qui s’avéra finalement l’arme la plus puissante
de la Guerre Froide, désintégrant des Armées Rouges entières. Le réalisme
socialiste n’était pas de taille !…
Je n’avais du reste aucun
mérite. Ayant fréquenté Limonov bien avant Carrière d’Encaustique, le fils à sa
mère, je savais quel rôle le rock’n’roll,
la Beat Generation, et l’art abstrait, grands vents d’Occident, avaient joué dans la décomposition du système soviet. Ensuite, pour rédiger Vint, le roman noir des drogues en Ukraine,
j’eus la chance de fréquenter Volodiya Moysseev, du club Narcotiques Anonymes
de Kiev. Or, il était rentré dans la Réduction des Méfaits, comme on dit au Canada,
parce qu’ancien trafiquant de levi’s, de disques des Beatles, et de devises (sous les soviets, bien entendu), il
lui fallait se racheter des péchés d’autrefois — nul bandit n’est Robin des
Bois — comme on rentre dans les ordres après une vie de tumulte. Il avait de
près participé à la décomposition du système soviétique, pourri par les
termites et la désillusion, le mépris de la propagande et les drogues, de plus
en plus populaires, grâce à leur attrait contreculturel !…
Or, aujourd’hui
même, paraît l’information suivante, au lien ci-dessous :
http://bigbrowser.blog. lemonde.fr/2012/04/04/pinceau- arme-lexpressionnisme- abstrait-comme-propagande-de- la-cia/#xtor=RSS-3208
Quand il ne tue pas — en général par marionnette interposée — l'impérialisme est impayable : La CIA tablait sur Jackson Pollock et l'art trotskiste !…
Quand il ne tue pas — en général par marionnette interposée — l'impérialisme est impayable : La CIA tablait sur Jackson Pollock et l'art trotskiste !…
Mais,
bien entendu, ce genre de conspiration — les expériences de la CIA avec le LSD
figurent au catalogue — ne serait certainement plus possible à notre époque.
Soyons sérieux. La novlangue en usage de nos jours ne nous laisse pas d’autre
choix de toute façon. Pressentir les calculs du pouvoir et ses noirs desseins
machiavéliques est dorénavant signe de schizophrénie paranoïde, très
dommageable à ce que Debord (encore !) appelait : Le mouvement autonome du non-vivant.
Ce n’est pas du tout le genre de
Mondeparfait, déontologique, durable,
équitable, démocratique. C’est mal le connaître.
TM, avril 2012
TM, avril 2012
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