21.2.25

800 feuillets en deux ans

 

     Cracher seulement cracher

         

L'Histoire derrière l'Histoire

     Avec quatre bouquins en deux ans, si je ne peux encore me targuer du fameux « 10 000 mots minute » de Norman Mailer, j’ai craché 800 feuillets au moins (ensuite publiés en volumes brochés par des éditeurs respectables), sans accuser ni le coup, ni le contrecoup. Bien sûr, on pourra m’objecter que 400 d’entre eux appartiennent à mon « journalisme de romancier », et 200 sont autobiographiques, exigeant un moindre effort de création ex nihilo fusionnant imagination, style, cohérence et intrigue dans un effort global, comme c’est le cas avec un roman. Voire…Parce qu’à moins d’être strictement chronologique et mon cerveau s’y refuse, tous les aspects de mise en scène, de relief, d’ombre et d’ellipse, de montage enfin, sont convoqués avec autant d’effervescence que pour une œuvre de fiction. Faute de quoi, on obtient un ouvrage insipide, une banque de données, se succédant l’une après l’autre au même rythme, musique d’ascenseur, vite évacuées par l’esprit du lecteur qui ne retient qu’un magma d’informations indifférenciées. Sachant que chaque lecteur diffère de son voisin, il faut lui ménager de multiples issues vers ce qu’il attend ou ce qui le désarçonne. Garder le sens de la symphonie globale en louvoyant dans les accidents du reportage ou du récit, forcément chaotiques, et le sens du fracas nécessaire, distiller la dissonance en harmonie sans déperdition de force ni de rugosité du réel, comme un de ces grands alcools dont le feu brûle tout d’abord mais sans calciner, dont les vapeurs et parfums finissent par s’unir au firmament du goût. Un art délicat d’équilibre et de brutalité où l’adhésion aux normes narratives sert à créer les surprises. 

Traître à mon amie Kira Sapguir qui disait: "Il ne faut jamais écrire ses mémoires"

    Au titre des contraintes, on citera la tension de traiter d’une actualité brûlante sans la trahir, « l’atroce et vivante réalité » dans un paysage moderne uniformisé où les tabous foisonnent, écueils au ras des vagues, peser chaque mot sans en mâcher aucun, lâcher ses coups sans cesser d’esquiver. En abordant dans mes ouvrages l’Ukraine et la Russie, chaque minute d’écriture était chargée d’adrénaline. Cette tension ne le cède que de très peu à la tension imaginative du roman qui réclame un effort sur tous les fronts simultanément. Objectivité, mon beau souci. Je ne t’arrive pas à la cheville, Norman, mais j’ai pondu au moins 800 feuillets en deux ans.

Roman sur la désinformation, à paraître le 12 mars 2025.


         Inversons le miroir. 200 feuillets sur ces 800 appartiennent à la fiction, un drame surgi de l’imagination. Gros chantier : tout concevoir à la fois, la lumière du néon sur le chapeau de cette femme, la voix qui s’étrangle dans la gorge du traître, le brouillard sur l’aéroport, les statistiques de meurtres dans la capitale nordique, le style soutenu ou le style souteneur, le suspense dans la phrase, le mot de trop qui tombe juste. Comme on ne va pas s’embarrasser des foutaises de « l’inspiration », je suis un romancier réaliste, bricoleur éclairant d’un faux jour des faits avérés, insérés dans la trame. L’économie est instable dans cette entreprise, il faut trahir les faits en projetant sur eux une lueur révélatrice. C’est le travail inverse du précédent, où l’on colorait le réel d’une poésie étrangère. Jusqu’où aller trop loin en déformant l’Histoire pour en extraire la moelle ? 200 feuillets placés dans le cadre d’une affaire qui défraya la chronique, éminemment romanesque, puisqu’il s’agissait de désinformation. Celle-ci exige des talents d’auteur. Subjectivité, mon beau souci. Elle doit évoluer dans les contraintes du vraisemblable — mais celui-ci peut être absurde. C’est la mécanique des coups de théâtre, la dialectique des errements humains et « des eaux glacées du calcul égoïste ». J’ai pissé au moins 800 feuillets en deux ans, Norman, sous le coup d’émotions ne le cédant qu’à peine à celle de la mort de Benny Paret sur le ring en 1962, sous les coups d’Emil Griffith. J'avais serré sa meurtrière main droite un soir dans un bar appelé « Dix » du Times Square crapuleux d’alors (1994), où déambulaient des gouapes portoricaines tout juste sorties de taule, présenté au boxeur par l'écrivain Bruce Benderson dont c'était l'Eldorado. Au moins 800 feuillets en deux ans, j’ai craché.

À paraître au joli mois de mai 2025: in vivo, au pays de l'hiver


         Bon, on est loin des « 10 000 mots minute » — un titre que j’envierai jusqu’à mon dernier souffle. Dans les théories productivistes de ma jeunesse, il s’agissait de balancer du feuillet à tour de bras et foin de la « littérature ». Elle viendrait tôt ou tard. À flux tendus, c’était inévitable, croyait-on chez nous autres, stakhanovistes.

         800 feuillets en deux ans.

         Thierry Marignac, février 2025.

20.2.25

Critique littéraire 2

    SUITE ET FIN 


    Voici la 2e partie de la flatteuse critique de l'homme qui fut mon premier éditeur et reste un ami fidèle. On la reprend ici notamment parce qu'elle est exhaustive et dépasse le simple cadre du livre "La Guerre avant la guerre" et aborde d'autres aspects de mon travail. À la veille de publier "L'Interprète" au mois de mars, chez Konfident, un roman para-espionnage lié à l'actualité, puis au début mai "Vu de Russie" à la Manufacture de Livres, reportage effectué durant tout l'automne 2024 en Fédération Russe et d'un bout à l'autre du pays, le récapitulatif de Daniel Mallerin sur mes 40 ans de carrière n'est pas tout à fait inutile…


    

    (Au sujet de Vint, le roman noir des drogues en Ukraine):

    L’ONU et les organisations internationales s’étant engouffrées dans la brèche de la pauvreté et de la corruption, le levier financier et législatif de la lutte contre l’usage des drogues devenait inévitablement un instrument de transformation politique, au gré des ordres du jour et des volontés de puissance, un instrument de pénétration des structures… si l’on ne pouvait nier une certaine amélioration et un ralentissement des épidémies, le pays s’enfermait dans les cycles infernaux de la dépendance aux institutions internationales et leurs diktats. Une bonne partie des conditions présentes de l’affrontement en cours en découle directement.

La coïncidence de l’enquête et de la révolution orange avait donné au projet de livre-reportage une structure inattendue semblable à une coupe longitudinale de la situation du pays. En marge de ses activités au sein des Narcotiques anonymes à l’Hôpital N°5 de Kiev, au contact des damnés de la terre – surveillés, instrumentalisés, brutalisés et rackettés par la police –, Thierry Marignac avait rencontré et interrogé grâce à son statut officiel un large éventail d’acteurs de la santé publique, jusqu’aux plus typiques poissons politiques. Un reportage à hauteur d’épaules avec beaucoup de portraits, d’observations dans des situations parfois dramatiques ou torves, beaucoup de détails relevant l’écart entre les multiples formes de ressentiment populaire et les discours de façade, entre la multiplicité des conflits divisant les ukrainiens et son habillage idéologique. La réalité se loge dans les interstices des propagandes – telle est l’antienne de l’écrivain.

De la misère en milieu littéraire

Vint, le roman noir des drogues en Ukraine parait en 2006. Personne n’en perçoit le signal d’alerte : le milieu culturel ne sait alors à peu près rien de ce pays que beaucoup prennent encore comme une province de Russie... Pour tout dire, malgré la révolution orange, personne n’en a rien à secouer de l’Ukraine et de ses westerns politiques, et encore moins des pandémies de drogues et des politiques de « réduction des risques ». Le mépris qu’inspirent les camés et leur foutue conscience de classe explique certainement l’indifférence, mais que par un phénomène d’agrégation le rejet englobe l’auteur, que « l’ignorance volontaire » entraîne la conjuration du silence, voilà qui est stupéfiant !

Thierry Marignac étant résolument incapable de jouer le vrp de son propre livre et encore moins de se prêter aux rites de cour de l’édition parisienne, et puisqu’il a choisi l’exil, j’ai vainement tenté, avec quelques amis réfléchissant aux politiques de réduction des risques, de proposer ici ou là, au gré des circonstances, une réédition du bouquin – avant et après l’invasion russe en Ukraine. Je me suis bien entendu servi de l’argument Georges Orwell, Albert Londres, Ryszard Kapuscinski, etc. parfaitement orthodoxe.  Rien que de plus sincère, donc aussi épuisant que la loi de Brandolini. Je me suis abstenu d’avancer celui de la came, pourtant tout autant assuré de la place unique, et dialectique, de Vint, le roman des drogues en Ukraine dans la passionnante histoire de la « littérature » qui lui est attachée…

Photo© Daniil Doubschine, 2016, Moscou.


Un air de Dziga Vertov

Même s’il en est le prolongement 20 ans plus tard, La guerre avant la guerre est un ouvrage bien différent de Vint et de ses impératifs de récit d’immersion ; il faut avant tout le voir comme une forme « d’agitprop » occidentale visant à rétablir un certain équilibre de l’information face à la bestialité des propagandes. Pour ce faire, Thierry Marignac a choisi la voie qui s’offrait à lui par l’expérience, à savoir remonter le cours de ces deux décennies de luttes internes acharnées pour la conquête du pouvoir central en Ukraine ayant abouti au conflit actuel, et donc rassembler, traduire et ordonner des informations publiques à la portée de tout journaliste patenté – un travail élémentaire qu’aucun n’avait pourtant encore entrepris avant lui.

La guerre avant la guerre n’est pas une thèse pontifiante, ni une spéculation littéraire, seulement le témoignage d’un écrivain mordu de journalisme, irréductiblement indépendant et scrupuleusement neutre sous le feu des propagandes de chacun des deux camps. Parce qu’il combine travail d’archives et récits d’expériences personnelles, le bouquin a des allures de cinéma documentaire. En somme un petit goût de Kino-pravda. Sa forme de montage, sous une charpente didactique de quatre grands chapitres, est d’ailleurs originale : une myriade de tiroirs enchâssés les uns dans les autres, séquences brèves, parfois sèches, où se succèdent péripéties politiques, hauts faits criminels, batailles géopolitiques, mises en scènes idéologiques, etc. Une pléthore de biographies ou portraits, un fourmillement d’histoires captivantes mêlées aux souvenirs de scènes vécues – torves, oppressantes et souvent comiques – touchant des vérités indémêlables, la marque des fictions de Thierry Marignac.

L’artiste de la vanne

Sobre et parfois même crû, le style des Chroniques ukrainienes répond avant tout à l’impératif de la clarté –l’équilibre de l’information – sous l’effet du temps – 20 ans de l’histoire ukrainienne, 20 ans de relation personnelle avec le pays –,  qui n’ôte rien à l’engagement du témoignage : la soif des échanges, la curiosité franche, la neutralité et le respect dans toute rencontre – jusqu’à celle des toxico-damnés de la terre – et par-dessus tout l’amitié portée à Volodia Moseïev, l’artiste de la vanne, comme disait Céline, repenti aux manettes des Narcotiques Anonymes de Kiev, un curieux mélange de dureté acquise dans les bas-fonds d’URSS et de générosité totale.

Lorsque le Maïdan éclate : Au registre des sources officielles, je ne croyais personne, ni Berlin, ni Moscou. Nous communiquions par Skype tous les deux jours. Il me racontait l’émeute, radicalisée par la brutalité policière. Il me parlait des gens simples et des mecs comme lui, protestant contre l’arbitraire d’un pouvoir qui les dépouillait de tout. Russe ethnique, natif de Rostov-sur-le-Don, Volodia n’avait pas la fibre nationaliste. Il me raconta s’être interposé alors que des militants du Secteur droit tabassaient un Noir dans les rues de Kiev. Nulle vantardise dans ses propos : en 2004, je l’avais vu chasser un dealer en 4x4 des allées de l’hôpital au prix d’un coup de démonte-pneus qui lui avait ouvert le haut du crâne. Mais Volodia aimait l’Ukraine où il vivait depuis si longtemps. Et cette fois, alors qu’il était si sceptique sur la révolution orange dix ans plus tôt, il prenait le parti du peuple dans la rue.

Carte verte, recueil posthume de poésie d'Edouard Limovov


Edouard Limonov, aux origines de l’aventure russophone

C’est avec cette simplicité rugueuse que l’on s’approche singulièrement du vécu ukrainien en même temps que de la trame mentale des entreprises et aventures de l’auteur, toujours déterminées par une infatigable culture de l’amitié,  modelant d’indéfectibles attaches sentimentales tant en Ukraine qu’en Russie. Thierry Marignac y rapporte que son reportage de 2004 sur le Far-Est des drogues était déjà le fruit d’une longue histoire avec le monde russophone dont l’Ukraine fait partie dans une large mesure, quelles que soient les dénégations présentes. Une histoire ayant pour origine l’amitié hors du commun qui s’était nouée avec Edouard Limonov aux débuts des années 80 à Paris et qui ne s’est interrompue qu’à sa mort en mars 2020. Pour rester sur le terrain de l’équilibre de l’information, on note avec intérêt que les deux écrivains s’étaient retrouvés moins d’un an plus tôt pour la dernière fois à Paris, dans un défilé des Gilets jaunes dont Limonov avait tenu la chronique moscovite grâce aux informations fournies par l’exilé Marignac et ses amis GJ.

La rencontre avec Limonov avait fait basculer le destin du jeune écrivain français, vivant alors entre Paris et New York, traduisant à tour de bras de la littérature américaine, dont quelques auteurs cultes de l’underground à l’instar de Jim Carroll (Baskett ball diaries), Philipp Baker (Rasta Gang), Bruce Benderson (Toxico) ou encore Richard Stratton (L’idole des camés) – ceci pour les érudits et fétichistes en la matière. Suite à d’épiques retrouvailles à New York avec l’auteur du Journal d’un raté, Thierry Marignac décida de troquer la langue anglaise contre la langue russe, New York contre Moscou.

Après un passage obligé – héroïque pour un autodidacte – à l’Institut des Langues Orientales de Paris, il avait relancé en Russie ses audacieuses entreprises de traducteur, d’éditeur et même de reporter au sein d’une une équipe de journalistes gonzo qui aura publié durant 10 ans, jusqu’en 2008, le tabloïd moscovite The eXile qui avait pour spécialité de mêler provocation et journalisme d’investigation – aventure risquée au pays des soviets, inenvisageable aux Etats Unis avec ses incontournables lois sur la  diffamation.


Directive stalinienne


L’art de la guerre documentaire

Thierry Marignac a tiré de ces expériences et vagabondages en Russie plusieurs romans – sa corde de funambule – comme de solides amitiés tant avec les dissidents planétaires d’eXile qu’avec un certain nombre d’écrivains russes – subtile richesse qui, dans les vingt ans à rebours de ses Chroniques ukrainiennes, affleure ici et là, toujours pour des raisons explicites d’information. Il en est ainsi de la seule et brève référence à Edouard Limonov donnant, avec une efficacité saisissante,  la mesure de l’ingérence russe en Ukraine… Les fins connaisseurs apprécieront le laconisme tandis que les fanatiques habituels auront tôt fait de brandir l’épouvantail rouge-brun sachant (vaguement) les positions d’Edouard Limonov sur la guerre de 2014 au Donbass. Or, il faut préciser que si Marignac partageait avec son grand ami nombre d’intérêts – chacun reconnaissait l’influence littéraire de l’un sur l’autre – comme nombre de points de vue sur l’état du monde, l’écrivain français a toujours gardé une position d’observateur dans le domaine politique tandis que le russe – une enfance ukrainienne – avait choisi d’y mettre le pied, jusque dans la guerre.

Cependant d’autres écrivains actuels, associés au mouvement punk, dont la singularité et la longévité en Russie sont bien entendu méconnues ici,  prennent dans La guerre avant la guerre un relief aussi frappant. Évoquant l’expropriation western, fin 2014, d’une chaîne de supermarchés ukrainiens dans le plus pur style  russe des années 90, Thierry Marignac rapporte un long extrait de Retour à la case départ du romancier d’origine biélorusse Vladimir Kozlov, « archéologue des soviets » selon ses propres termes, décrivant en détail  la mise en scène d’un raid semblable et sa foudroyante brutalité dans un chapitre superbement intitulé « Querelle de gestionnaire ». Miracle de la fiction dans son insertion documentaire : accéder à toute vitesse au fantastique social, à la concrétion de la prédation – ce grand étouffement – et piger la pertinence de la perle littéraire dans la minutieuse composition des informations.


De la russophobie en milieu littéraire

Une parenthèse qui n’en est pas : Thierry Marignac a traduit et publié en France trois romans époustouflants de Vladimir Kozlov qui s’insèrent parfaitement dans le genre à succès des romans noirs. Le truc de Kozlov, sa virtuosité, c’est de dépeindre la société contemporaine russe sans jugement ni compromis dans un style minimaliste en s’appuyant sur un scénario haletant, une histoire implacable. L’auteur dispose donc en principe de beaucoup d’atouts permettant à un éditeur de tracer la voie d’une aventure littéraire franco-russe marquante avec la publication du quatrième – A Babylone – roman dans la pure lignée de 1984 mais ancré dans le réel de la société russe actuelle, précisément sous le joug de la Covid, soit un an avant le déclenchement de « l’opération militaire spéciale ». Que pensez-vous qu’il advint ? Aucun des quelques éditeurs à qui le livre a été proposé n’a accepté de prendre le risque. Mes propres tentatives – pour l’honneur, pour la fraternité littéraire – ont été jusqu’ici vaines. Il n’est pas encore interdit de se taire.

Un sourcil se soulève :

-       Hum, et l’auteur où en est-il ?

-       Il s’est délocalisé à Istanbul…

Le roman de Vladimir Kozlov dérange parce qu’il est russe. Au secours Stéfan Zweig ! La russophobie infuse jusque dans le milieu littéraire… Probable que l’accueil fait à La guerre avant la guerre en ait également pâti. De toute façon, Thierry Marignac en a déjà fait les frais depuis un bail, mais sous sa forme précédente : cette sorte d’ignorance volontaire que l’on peut voir tout bêtement comme la conséquence de la colonisation culturelle américaine. Elle est criante pour la littérature et la culture russe actuelles. Ajoutons à cela son amitié avec Limonov dont seul notre « Carrère d’encaustique », qui lui doit son succès mercantile, est habilité à parler – on ne prête qu’aux riches. Thierry Marignac a su préserver sa dignité et sa liberté, notamment en s’exilant. Il a fui le milieu parisien, ses petits rois soleils et ses commissaires du peuple sournois.

Dans l'oblast de Tchelyabinsk, une Tour Eiffel et une pancarte "Paris"
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La fiction en liberté surveillée

Rappelons au passage que l’écrivain est victime d’une cabale depuis l’année 1988 où paraissait son premier roman, dont le parti pris esthétique collait à l’esprit du temps, imprimé dans le creuset de la « dictature graphique » du groupe Bazooka. Son crime ? Le dit roman, écrit à la première personne, est intitulé Fasciste[1]. La seule consolation que l’on puisse espérer à revenir sur cette histoire pourrie, qui dure et perdure, est d’imaginer la réaction des lecteurs, libres ou sains d’esprit, qui la découvriront. Que le niveau intellectuel soit si bas, le comportement du milieu littéraire si grotesque est, en effet, difficilement concevable. De mille manières, on a sommé Marignac de se justifier et bien-sûr il s’y est toujours refusé se contentant d’y répondre par une succession de romans aux thèmes politiques, inspirés par des faits réels, qui ont franchement démontré la nature anti-idéologique de ses paris littéraires.

L’écrivain a toujours chèrement payé son coup d’avance. L’assertion peut être solidement étayée, même hors de la question ukrainienne.  Elle crève les yeux avec le recul. On se contentera cependant – pour la force du symbole – de citer seulement ce « roman noir », datant 2006, qui dépeignait le cynisme et l’hypocrisie avec lesquels la forteresse européenne se blinde contre l’immigration : A quai, fiction mémorable dont le « fantastique social », la rudesse et la beauté atteignent la force d’America, America, chef d’œuvre réalisé par Elia Kazan en 1963. On peut d’autant plus en saisir aujourd’hui le caractère prophétique que, simple polar, le roman échappe à la confusion pesamment entretenue en France entre discours et littérature, cette enflure qu’incarnent, Houellebec en tête, les bourrins à succès dont on vante probablement le pouvoir de « déranger ».

Il est pénible de ressusciter de vieilles et méprisables polémiques, surtout s’agissant de la guerre en Ukraine, mais en évoquant l’ensemble de l’œuvre de Thierry Marignac, et pour aller jusqu’au bout de l’interrogation subliminale initiale – qui l’écrivain dérange et pourquoi ? –, on ne peut s’empêcher de relever avec force l’ignorance et la méfiance confondues dont elle fait toujours aujourd’hui l’objet fumeux – symptôme probable de l’esprit rétrograde et moutonnier sévissant en France sous un habillage soixante-huitard usé jusqu’à la corde, mais aussi conséquences du traitement réservé à cette génération d’artistes nés dans les années 60 qui a été systématiquement écrasée, assouvie, instrumentalisée par les générations précédentes.

Un peu de sociologie ne nuit point mais ne suffit pas à expliquer, au-delà de l’incompétence de la critique littéraire, les raisons pour lesquelles l’époustouflante trajectoire de Thierry Marignac – ses aventures d’un continent à l’autre, d’une langue à l’autre, ses liens avec les écrivains les plus singuliers du monde, sa fréquentation des classes dangereuses, son travail opiniâtre d’éditeur et de traducteur – ait été délibérément oblitérée. Tant qu’à faire, après Orwell et Albert Londres, ajoutons le nom de Jack London pour la communauté du destin d’écrivain-aventurier-autodidacte…   Le romancier Pierre-François Moreau évoque, quant à lui, celui d’Arthur Cravan – deux boxeurs irréductibles à toute obédience – mais il est un rapprochement encore plus étonnant que l’on peut faire : celui avec Dominique de Roux.

Thierry Marignac « héritier de DDR » : aucun des connaisseurs des deux œuvres ne peut en disconvenir. Ils sont non seulement tous les deux de brillants et invétérés stylistes, des observateurs aigus des transformations politiques du monde mais aussi de grands aventuriers de l’édition littéraire internationale. Il faut le dire pour conclure. On se rappellera que DDR avait défendu successivement Céline, Gombrowitz, Michaux, Abellio, etc. en même temps que Burroughs et les écrivains de la Beat Generation, mais qui connaît le travail d’éditeur accompli par Thierry Marignac dans le champ de la littérature américaine underground – les Kathy Acker, Sarah Schulman, Bruce Benderson, Carl Watson, John Farris, Darius James, etc. – comme dans celui de la littérature russe ? On s’abstiendra ici de citer les noms de ces stupéfiants inconnus mais on conseillera au lecteur arrivé au bout de cet article de se reporter au Blog Antifixion[2] réalisé par l’auteur, une sorte de déclinaison numérique du pauvre des Cahiers de l’Herne brassant les auteurs internationaux  les plus rares – un labyrinthe fou. Tu t’y perdras, c’est certain, sa richesse est vertigineuse, mais tu pourras y découvrir le travail stupéfiant du traducteur de poésie et, par exemple, la poésie cinglante de Sergueï Tchoudakov, un Villon russe contemporain disparu sans laisser d’adresse, dont le poème qui suit – Comme il nous est facile (1970) -, publié sur Antifixion, offre à ce propos une juste conclusion.

Sergueï Tchoudakov, dit" Le Villon russe"


Comme il nous est facile de nous vêtir de haillons

Et d’un frac redressant l’épine dorsale

Comme aisément les bobards on avale

Admis comme moulage d’une vulgaire contrefaçon

 

Les portes des bordels et celles de la prison

J’ouvre à coups de talons

Comme repérer les traîtres nous est facile

Et comme parfois ils peuvent nous être utiles

 

Restant coincés à deux nez à nez

Comme des enfants en plein bras de fer

Nous vivons dans un climat qui désespère

La mort de la russe poupée

 

La carte de bibliothèque les clés de l’appartement

Les préservatifs et la monnaie

Notre univers est étroit étonnamment

En détails il est laid

 

Ils t’attirent, ils te paient, te collent dos à la muraille

Plains-toi au Seigneur, priez dans vos bènes et pissez

O mon frère vois en moi vaille que vaille

Le tueur et le cadavre en petites quantités

©Sergueï Tchoudakov, 7 mars 1970

 

Daniel Mallerin



[1] Rappelons que Le Bloc de Jérôme Leroy, publié à la Série Noire une vingtaine d’années après Fasciste, empruntait à Thierry Marignac l’idée d’illustrer dans le style du roman noir les stratégies du Front National pour la conquête du pouvoir. L’un obtint de toute la presse les honneurs, et l’autre l’omerta.

[2] https://antifixion.blogspot.com/

16.2.25

Critique littéraire 1

 Il y a deux ans, je publiais "Guerre avant la guerre" (Éditions Konfident), dans un esprit d'honnêteté journalistique, de retour aux fondamentaux devant la déferlante propagandiste de l'époque.

Mon ami Daniel Mallerin avait alors entrepris une exégèse de mon travail à partir de ce bouquin, destinée à une publication qui ne donna jamais suite.

Nous le publierons en deux épisodes!…

 

Quand l’information tue l’information

La coïncidence de la publication du Hors Série du Monde consacré à Georges Orwell et de l’essai documentaire de Thierry Marignac, La guerre avant la guerre – Chroniques ukrainiennes, a créé un court-jus dans la tête de Daniel Mallerin, ex éditeur de l’écrivain, qui a jugé indispensable de pointer les raisons pour lesquelles le milieu littéraire français joue aux trois singes avec ce singulier personnage à la fois essayiste, romancier, traducteur et éditeur.



Georges Orwell dérange toujours… Disons-le, la manchette du Hors Série d’été du Monde prêtait à sourire – mais qui ce bon vieux Georges peut-il bien déranger ? – mais, néanmoins, à l’heure de la littérature à la plage et de la guerre en Ukraine, elle a le mérite de nous pousser à nous interroger logiquement sur le sort actuel de ses héritiers, et ceci en considérant que toute volonté d’informer / interpeller se voit aujourd’hui neutralisée par le trop plein exponentiel du système d’information, là où prospère l’ignorance – forme de plus en plus banale de servitude volontaire –, là où l’écrit revêt une quantité d’importance quasiment nulle.

L’écrivain Thierry Marignac en a fait il y a quelques mois les frais d’expérience en publiant ses Chroniques ukrainennes, sur-titrées La guerre avant la guerre, dont les vérités incommodantes se sont dissoutes en un clin d’œil dans l’hystérie propagandiste, quand elles n’ont pas été délibérément ignorées. Et pour cause : l’écrivain fustige pour leur incompétence la myriade soudaine de spécialistes autoproclamés, experts de plateaux télé, n’ayant jamais mis les pieds en Ukraine autrement qu’étroitement encadrés et ne comprenant aucune langue locale. C’est précisément cette rage contre l’ignorance butée, la trahison du réel, qui est à l’origine de ce livre.

Les décennies de guerre ignorées

Entretenant des liens étroits avec le pays depuis 2004 (la révolution orange s’est ébranlée sous son balcon ) – il y a vécu, réalisé des reportages et des travaux « d’intelligence économique » en tant que traducteur grâce à sa connaissance exigeante, passionnelle, de la langue russe –, Thierry Marignac s’est donc trouvé en situation d’observer la réalité politique ukrainienne sous d’inhabituelles facettes dont la plus saillante est d’avoir été modelée par la guerre que se sont livrés les clans oligarchiques depuis plus de vingt ans et qui a été passée sous silence jusqu’aujourd’hui.

L’écrivain en retrace nombre d’épisodes dont la violence et le cynisme pulvérisent nos chères fictions américanophiles – romans et films noirs, d’espionnage, science-fiction, westerns, etc. Agrégées à leurs ressorts ethnico-idéologiques, seuls à occuper nos systèmes d’information, ces séquences criminelles ont joué dans le conflit actuel un rôle capital qu’aucun journaliste autre que Thierry Marignac n’a osé prendre en compte. Et même si on entend souvent dire (en sourdine) que l’Ukraine est un des pays les plus corrompus d’Europe, constatons que sa réalité n’est jamais définie. Quant à ses facteurs, ils sont trop nombreux et trop complexes pour intéresser la presse.  A-t-on déjà entendu dire, par exemple, que la Russie s’est conduite en Ukraine à la manière de la France en Afrique ? Une telle remarque aurait pourtant suffi à nous donner, nous français, une meilleure mesure du conflit, à nous ouvrir les yeux sur la prédation sans limites dont a été victime le pays sous le joug des seigneurs de la guerre – « chefs de gangs » ou « oligarques » selon les aires géographiques.  

Pourquoi est-il si difficile de différencier les oligarques des truands ? Le « voleur dans la loi » devenu homme d’affaires réfugié en France, Lev Bilounov, surnommé Lev Macintosh pour avoir braqué un train d’ordinateurs Apple pendant la Perestroika, répondait ainsi : « Derrière chaque oligarque, il y a un mec comme moi ». Bilounov, veston de smoking et foulard de soie, fine moustache sur un visage en lame de couteau, donnait cette interview dans un palace parisien.



L’oligarque shakespearien, créateur de Zélensky, dans le jeu des influences

Les formes de spoliation, d’expropriation et d’extorsion en tous genre pratiquées dans l’ex empire soviétique au cours des « sauvages années 1990 » semblent avoir servi de modèle aux deux dernières décennies de corruption & haut banditisme en Ukraine sous le couvert du théâtre démocratique. Un certain nombre de figures de l’oligarchie – un bassin aux murènes – évoquées dans ces chroniques peuvent en effet largement en remontrer à notre Macintosh. Il en est ainsi de celle, particulièrement retorse de Kolomoïsky, cet homme d’affaires juif, à triple nationalité (ukrainen, israélien et chypriote),  entretenant des bataillons nationalistes  qui fut – sait-on vaguement – le  créateur de Zélensky via ses chaînes de télévision, puis l’artisan de sa candidature et le bailleur de fonds de sa campagne électorale…

Un soir de l’hiver 2015, on m’avertit à Kiev de ne pas foutre le nez dehors. Kolomoïsky, avec 40 volontaires des bataillons du Donbass transférés spécialement pour l’occasion, venait de s’emparer du siège de Transnaft, l’entreprise gérant l’acheminement du gaz russe vers l’Europe. Les règlements de compte entre oligarques soutenus par la pègre ont toujours pour enjeu principal le loyer du gaz, de loin, on l’a dit, l’entreprise la plus profitable du pays. Il s’agissait d’une sorte de coup d’État et l’ambiance en ville, où se multipliaient les troupes de diverses obédiences, était très tendue. Kolomoïsky, dans son style tonitruant, avait déclaré aux journalistes massés devant le bâtiment qu’il venait de libérer la principale entreprise du pays aux mains d’un groupe de diversion russe. En réalité, le Président Porochenko venait de nommer un directeur qui déplaisait à l’oligarque, grand fauve dont le pouvoir égalait ou presque celui du président.

Le surlendemain pourtant, Kolomoïsky fait évacuer le siège de l’entreprise, remet au Président Porochenko sa démission de son poste de gouverneur en direct à la télé – il a pris conscience du « conflit d’intérêts » entre sa fonction et ses activités d’homme d’affaires – et subit enfin une séance d’humiliation face aux journalistes et caméras de télévision en faisant des excuses publiques. Entre temps, Kolomoïsky – oligarque shakespearien – avait été convoqué à l’ambassade des États Unis…



L’ingérence américaine dans les affaires de l’ex colonie soviétique et le coutumier « spectacle de masques » de la Russie s’interpénètrent dans les rets des règlements de compte entre les trois grands groupes criminels régionaux du pays pour la conquête du pouvoir central et le contrôle du riche Donbass – là-même  où eurent lieu les premiers règlements de compte entre bandes rivales et parfois entre anciens membres des mêmes gangs dissimulés sous des étiquettes ethno-idéologiques.

La guerre qui s’ensuivit à partir de 2014 et dure jusqu’au jour où j’écris ces lignes, en est une suite directe, bien au-delà des fractures « idéologiques » et ethniques, toutefois non négligeables.

L’internationale sera le genre gangster

C’est d’ailleurs seulement à la fin de cette année 2014 que l’on peut entrapercevoir la dimension transnationale de la saga criminelle – Russie-Ukraine-États Unis – et ceci grâce aux révélations d’un truand notoire de Brighton Beach originaire d’Odessa, Léonid Roïtman, dit Leonid le long, libéré d’un pénitencier fédéral américain après avoir purgé sept ans de prison pour avoir commandité l’assassinat d’un député ukrainien et de son frère jumeau, oligarques et patriotes férocement engagés dans la première guerre du Donbass. Leonid le long avait balancé le passé new yorkais des frangins, surnommés « les frères Karamazov » dans le milieu,  qui  avaient été ses associés au sein d’un gang redoutable agissant à New York comme à Kiev ou Moscou, et il avait balancé en même temps le nom de leurs protecteurs situés au plus haut niveau de l’appareil d’état ukrainien.

« L’affaire Roïtman »[1], si elle peut paraître datée, est très révélatrice par ses suites et par les liens consanguins entre la pègre ukrainienne et la pègre russe, l’une et l’autre parfois très proches des pouvoirs en place dans leurs pays respectifs.

Si Thierry Marignac insiste sur son importance dans le plus long chapitre de son livre – L’empire décomposé –c’est d’abord parce qu’elle n’est connue en Europe que des seuls russophones mais aussi pour indiquer, au-delà de la circonspection obligée envers les vérités calculées de Roïtman, le cadre de l’imbrication des milieux russes et ukrainiens aux États-Unis et leurs conséquences sur la dite « guerre avant la guerre ». La paranoïa-critique rentra dans le bal :

le conflit présent opposant, au-delà de l’Ukraine, l’OTAN à la Russie viendrait en partie d’une guerre des gangs prenant des proportions incontrôlables. Les clans de Kiev se seraient ralliés à ceux des Carpates et leur idéologie radicale pour défaire les clans de l’Est, reprendre mainmise sur une région bourrée de matières premières.

S’emparer d’un pays en s’appuyant sur le milieu, on a maintes fois constaté cette logique à l’œuvre dans la politique US mais la Russie entre à peu près dans la même configuration, et l’écrivain de conclure : Il ne s’agit plus de l’affrontement de deux systèmes différents, mais de la concurrence planétaire de deux systèmes identiques.



Restreindre les limites de la pensée, tuer l’information

A chaque système sa façon de désamorcer le journalisme d’investigation, ruiner sa nécessité. Les réactions à la publication du samizdat de Thierry Marignac soulignent la quasi impossibilité d’infléchir la logique de l’information sur la guerre en Ukraine et sa perception fanatique. Ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? (G. Orwell, 1984)

Retour à la case départ : le monde orwellien d’aujourd’hui différant de celui prophétisé par l’auteur anglais, ne serait-ce qu’en raison du développement infini de la dictature des images, force est de constater qu’on est à peu près incapables de reconnaître en France – au moment crucial – un écrivain dans la lignée de La vache enragée ou, si le titre n’avait été labellisé par les caciques du journalisme officiel, un « héritier d’Albert Londres » dont Thierry Marignac partage incontestablement le modeste et digne sens du devoir.

Cependant c’est à une toute autre espèce de romancier anglais que l’auteur de La guerre avant la guerre a choisi d’entrée de rendre un hommage symbolique : l’ancien membre du Secret Intelligence Service John Le Carré qui, dans son dernier livre (posthume) – Silverview[2] – règle ses comptes avec l’Angleterre de Tony Blair et la guerre d’Irak. Le Carré s’y était violemment opposé à l’époque, dénonçant la manipulation des services secrets, parmi les plus efficaces au monde, lancés dans une guerre de l’information qui impliquait de tuer l’information.

Curieux renversement de l’histoire, l’information occidentale est devenue « soviétique » à tous les échelons, du public au confidentiel, c'est-à-dire l’information d’un bloc.



Le roman noir des drogues en Ukraine

La guerre de l’information à laquelle se livrent les deux blocs en Ukraine a pris évidemment beaucoup plus d’ampleur depuis la révolution orange de 2004. Or, le « hasard » a voulu que Thierry Marignac en ait été témoin aux premières heures, aux premières loges, ayant débarqué à Kiev au même moment pour une mission journalistique n’ayant rien à voir avec les événements. Il s’agissait d’enquêter sur le fléau des drogues qui se propageait comme un incendie de forêt dans ce pays comme dans tous ceux de l’ex-empire soviet, la chute du rideau de fer ayant ouvert une voie royale pour les trafiquants. L’écrivain en avait préparé secrètement le projet durant deux ans – j’avais un vieux compte à régler avec la toxicomanie, maladie de ma jeunesse dissipée. L’Union européenne ayant fait la sourde oreille, il avait fini par s’adresser à l’organisation Soros à New York et décrocher une subvention de la Renaissance Society et un contrat de livre chez Payot.

Les ravages du raz-de-marée de drogues étaient partout visibles en Ukraine. Un véritable ferment de décomposition du corps social… la toxicomanie, avec le déferlement du VIH et de l’hépatite C, avait favorisé l’ingérence internationale dans les affaires intérieures du pays, jusque-là resté largement un territoire sous la coupe de cliques de truands et de tyranneaux post-soviets à la main lourde…



[1] Un extrait de l’interview de Roïtman par Kozlovski, journaliste à la Nouvelle Parole Russe, pour la Radio Narodny Volna (Les Ondes populaires) en 2014, a été traduit par l’auteur et figure en annexe de La guerre avant la guerre.

[2] L’espion qui aimait les livres. Seuil


(À SUIVRE)