27.9.23

L'ultime livre d'Édouard Limonov: Poèmes.

    À Moscou, où la vie continue malgré tout, le 10 septembre s’est déroulée une soirée pour la publication de ce qui sera en effet l’ultime livre d’Édouard Limonov. Un recueil de poèmes intitulé « Carte verte », qu'on aurait pu croire rattaché à sa période new-yorkaise en partie, mais erreur de notre part! Selon la rumeur, le recueil comporterait des poèmes inédits, puisque d’après les échos Édouard aurait été en « forme créatrice » quasiment jusqu’au dernier jour de sa vie. Le titre du recueil serait dû à une coïncidence, un rêve du poète à la recherche d'un papier d'identité "épiscopal" de couleur verte…Tous les poèmes du recueil auraient été écrits en 2019.

    L’évènement s’est déroulé en présence de Daniil Doubschine, ami et factotum d’Édouard pour les affaires littéraires, de Sergueï Chargounov, écrivain et député, du propre fils d’Édouard, Bogdan — un colosse d’à peine seize ans. Bogdan a lu les vers de son père. L’évènement avait lieu à la Maison des éditeurs et auteurs, près de l’Arbat. Pour l’occasion, nous présentons un poème de la période américaine — fin des années 1970. 

 (Vers traduits du russe par Thierry Marignac) 

 De gauche à droite:Tatiana Solovieva, directrice de collection, Sergueï Chargounov, écrivain et député, Bogdan, fils de Limonov, Daniil Doubschine, ami et secrétaire de Limonov, Pavel Podkossov, directeur des éditions Alpina où est paru le recueil.



Cher Édouard ! Les gens tournent en rond 
Ils reviennent vers les leurs dans les cercles. Et là où sont les noms, au cimetière, 
De nos ancêtres. Vers ce visage en sueur, vers cette antique Russie, cette manifestation
 Célébrant ta fête carnivore — la guerre ! 

 Cher Édouard ! Avec nous cette rudesse et ces églises 
L’Europe  d'un costume ridicule ne pourra nous habiller 
Notre châssis slavo-mongol enserrer 
Dans des pyjamas pour nous coller aux murailles grises 

 Comme un nouvel océan inconnu au-dessous contemplant 
Pour la première fois. D’anciennes et pesantes terres découvreurs, 
Nous nous dressons — d’enfer et de paradis chercheurs 
Par les fines balançoires de ses bretelles d’épaule, Hélène étreignant 




 Ô Hélène-Europe ! Les genoux nus de leurs femmes 
Tout ce qu’ont vu nos pères, grands-pères — des paysans et moi 
Ainsi mes blessures sont profondes de la divine Hélène, pour ça 
Plus brûlantes, effrayantes que celles que j’aurais pu subir à la guerre je proclame 

 Déjà plus rien dans cette vie, je ne crains 
Ni les gens, ni les machines ni les dieux — rien 
Joyeux comme un Scythe, riant aux éclats au funèbre banquet 
Enterrant les jeunes. Je serais ravi si la mort des vieillards s’emparait ! 

 Empare-toi, débarrasse notre pièce — monde capiteux 
Des corps fatigués, des yeux tourmentés 
Lorsque je mourrai — mauvais, vil, dément, amoureux 
Je vous laisserai seuls — peu fiables, égarés 

Édouard Limonov



 

Дорогой Эдуард! На круги возвращаются люди 
На свои на круги. И на кладбища где имена 
Наших предков. К той потной мордве, к той руси или чуди 
Отмечая твой мясовый праздник — война! 

 Дорогой Эдуард! С нами грубая сила и храмы 
Не одеть нас Европе в костюмчик смешной
 И не втиснуть монгольско-славянские рамы 
Под пижамы и не положить под стеной

 Как другой океан неизвестный внизу созерцая 
Первый раз. Открыватели старых тяжелых земель 
Мы стоим — соискатели ада и рая  
Обнимая Елену за плечиков тонких качель 

 О Елена-Европа! Их женщин нагие коленки 
Все что виделось деду, прадеду — крестьянам, и мне 
Потому глубоки мои раны от сказочной Ленки 
Горячей и страшней тех что мог получить на войне

 Я уже ничего не боюсь в этой жизни 
Ничего — ни людей, ни машин, ни богов 
И я весел как скиф, хохоча громогласно на тризне
 Хороня молодых.Я в восторге коль смерть прибрала стариков! 
 
Прибирай, убирай нашу горницу — мир благовонный 
От усталых телес, от измученных глаз 
А когда я умру — гадкий, подлый, безумный, влюбленный 
Я оставлю одних — ненадежных, растерянных вас

Эдуард Лимонов