27.2.12

l'âme aristocrate

traduit par V.Deyveaux

Il me faut une femme-appart',
-Lorsque j'ai l'âme aristocrate-
Pour que les toiles d'araignées
Ne viennent abimer sa toilette...
Je ne vois pas où est le mal
Dans cette exquise rêverie,
Mais le proprio du bonheur
M'a dit :
- garçon, vous êtes saoul ?...


Мне нужна женщина-квартира,
Коль я душой аристократ, -
Что б никакая паутина
Не повредила б ей наряд...
В своих мечтаниях прекрасных
Не вижу я своей вины,
Но обладатель сего счастъя
Сказал мне : -
Вы, мой друг, пьяны ?..


Vladimir Kiriliouk 2002


traduction et photos : Vincent Deyveaux

26.2.12

Électoral (d'agonie)

Un des rares philosophes présents dignes de ce nom galvaudé

"L'intégrisme est à l'œuvre du côté du savoir sur le pouvoir dans la société prétendue transparente : décerveler en proposant la politique comme un produit, et la pensée comme une cuisine sans mystère. Prenez les ingrédients, économiques et financiers, démographiques, psycho-religieux, militaro-stratégiques, etc ; ajoutez les parfums culturels ; passez au four sociologique après avoir remué en agitant le fouet de la démocratie individualiste. Cela doit donner un état, tarte à la crème que vendront les démarcheurs du marketing politique planétaire, conservateur ou progressiste, au choix"

Miroir d'une Nation (l'ENA) (Éditions Mille et Une Nuits, 1999)
Pierre Legendre.

25.2.12

la Rous* qui boit

traduit par V.Deyveaux

Que tu partages ou rien ne donnes,
Qu'importe...fâneront les roses.
Alors à quoi bon cette prose
D'un vieil amour qui se flétrit ?

Autant m'acheter un litron
Que je sifflerai jusqu'au bout,
Rapporterai à la consigne,
Et l'argent ira au cochon.

Puis quand j'aurai assez de flouze,
Je m'achèterai la voiture,
Je surveillerai mon langage,
Me dénicherai une épouse.

Mais pour l'instant célibataire,
J'ai rédigé ces quelques lignes,
Je suis tout seul avec deux verres,
Voilà c'est toute ma famille.

Dans le ciel flottent les nuages,
Leur ombre flotte sur la terre.
Un coup à droite un coup à gauche,
Je traine ivre tout le jour.

La vie plus âcre que vodka
Pourtant me berce, attire à elle,
Mais partout je vois des bouchons,
De vin de bière et de vodka.

La planète tourne, se tord,
Tout comme vacille ma vie.
Oh là...mais que ce vent est fort,
Encore un pas, et puis je tombe...


*la Rous : berceau de la Russie


Русь пьющая

Все равно завянут розы,
Что дари, что не дари,-
Так зачем мне эта проза
Увядающей любви.

Лучше я куплю бутылку,
Выпью всю ее до дна.
Деньги положжу в копилку,
Когда сдам бутылку я.

А потом куплю машину,
Когда денег накоплю,
Позабуду матерщину
И жену себе найду.

Но пока я одинокий,
Написал я эти строки.
Два стакана, - один я -
Вот и вся моя семья.

Облака плывут по небу,
По земле плывет их тень.
То направо, то налево
Хожу пьяный целый день.

Вкус у жизни горше водки,
Но пьянит, манит она,
И повсюду только пробки
Пива, водки и вина.

Земной шарик крутит, вертит,
Так качает жизнь мою.
Эх, какой же сильный ветер,
Еще шаг, я упаду...

Vladimir Kiriliouk
2002

24.2.12

Soif













traduit par V.Deyveaux

Vous frapperez, m'assommerez,
Vous me noierez dans le tonneau,
Mais c'est ma soif que vous calmez,
Moi je boierai tout le tonneau.

L'envie de vivre a d
épéri,
Et ma conscience s'est tarie,
Au Casino du carburant,
Mais pas un rond, j'ai pas un franc,

J'ai que des miettes dans les poches,
Et si je trouve la monnaie,
Mon
âme, russe, me provoque :
Allez vas-y, mets ta tourn
é
e !


Жажда


Вы убейте меня, утопите,
Утопите в бочке вина.
Только жажду мою утолите, -
Я всю бочку выпью до дна.

Жажда жизни замучила,
Пересохла душа.
Есть в сельмаге “горючее”,
Денег нет ни гроша.

А в карманах моих только мусор,
Когда ж бывает копейка,
Душа заиграет русская -
А ну стаканчик налей-ка !
Vladimir Kiriliouk, 2002
peinture de Philip Guston

21.2.12

Le plus punk des auteurs russes (4) :Provocation inaugurale

Ménestrel, par Franz Hals

Bagues de cigare sur des mains de pianiste
Si je devais établir un lien entre Vladimir Kozlov et moi, il serait étrange, parce que constitué par une absence : ni lui, ni moi ne brandissons de banderoles, persuadés l’un comme l’autre qu’il est plus fort de ne pas annoncer la couleur. Sans compter la vanité inhérente, contraire à notre orgueil d’anti-artistes, de prendre un roman pour un tract. C’est l’anti-œuvre elle-même qui doit contenir sa subversion, par la corrosion du fond par la forme, et vice-versa. Celle-ci est d’essence éphémère et circonstancielle. Breton remarquait (dans Nadja), il n’y a pas loin d’un siècle, qu’il préférait, au théâtre, les actrices sans maquillage, et les femmes, dans la rue, maquillées outrageusement — la transgression ici se révélant conformisme ailleurs — provoquer le public, ou vivre en fille perdue. De même peut-on assurer — et nous ne reviendrons pas là-dessus — que les déclarations d’appartenance, d’amour aux opprimés en général, sont plus destinées à s’assurer une clientèle, à mettre en œuvre la plus inutile (sauf en termes fond de commerce) et mesquine opération de cire-pompes d’un public acquis d'avance, qu’à porter le fer au cœur de l’ennemi. Je n’en veux pour exemple que cet auteur de romans noirs (ah, la détestable appellation contrôlée !…), plat imitateur de Léo Malet — qui l’aurait décoré de la croix des vaches avec sa pipe à cornes de taureau — citant le devoir de mémoire, pour vendre son copiage rétro ; sa soupe, en d’autres termes, sans la moindre considération, la moindre pudeur, pour une souffrance réelle, vécue réellement il y a 70 ans par des gens réels, dans leur chair réelle. Quand polar rime — pauvrement — avec épicemard.

Mimétique du ghetto planétaire
Comment ai-je su que Vlad Kozlov était un frère… Je ne peux remercier que la muse,pourtant si sujette à éclipses (Il ne faut pas attendre l’inspiration, disait Erskine Caldwell, auteur« sudiste » de La Route au tabac, best-seller mondial des années 1930, parce qu’il se peutqu’elle ne vienne jamais). J’ai raconté ailleurs que la couverture de son premier roman (Racailles, MoissonRouge, 2010) où figurait un skin-head bas du front, œil bleu porcelaine sur fonds de toilettes publiques, mégot bas sur la commissure de lèvres dédaigneuses et bretelles, avait été un élément déterminant. Et comment, dans les bas-fonds noirs américains où j’avais échoué, sa chronique des cités d’urgence soviets avait pris tout son sens quand j’ai fini par lire son bouquin— mimétique du ghetto planétaire. En effet, la limitation volontaire du vocabulaire (Kozlov l’expliqua lui-même dans la revue russe ex-libris : Dans cet univers, ce qui ne peut être exprimé dans cette langue de 300mots n’existe pas) était un tel reflet des conditions Blaxploitation dans lesquelles j’évoluais, que la similitude sautait aux yeux, le communisme pérestroïké des oubliés du paradis soviet soudain miroir du dollar dévalué des parias de la Ville Noire, défonce et baston partout. Kozlov n’éprouvait le besoin d’aucun commentaire, brut de décoffrage,il estimait assez son lecteur, et lui-même, pour se passer de conclusions ronflantes visant à s’attirer la vénération des convertis (travers français par excellence, alimentation des pétainismes du jour, dont ce fameux roman noir— aïe, aïe, le label de tartuffes — est si friand).


L’errance qui sert de destin
Et puis, dans l’errance qui me sert de destin, je rencontrai Kozlov à Moscou, ce même été 2009 où, par un hasard curieux, je refilai involontairement à mon vieux copain Limonov le titre de son dernier recueil de poésie (А старыи пират, ou, Mais, le vieux pirate, éditions Ad Marginem, 2010 ) en lui tapant sur l’épaule, Comment ça va, vieux pirate ? Le physique à la Iggy Pop de Kozlov, son laconisme en tous points exemplaire, me furent aussitôt familiers,complices. Nous fîmes bombance dans un restau ukrainien en plein air, où,échauffé par l’alcool, je lui parlais de mes démêlés avec l’édition parisienne, depuis mon roman délictueux — le premier — Fasciste (Payot, 1988).Évidemment, en fan des Sex Pistols, ça lui plaisait, l’idée de la provocation inaugurale.
Je le revis à Paris, avec sa femme, dont la réserve slave —je l’ai écrit ailleurs, frappé — se teintait d’un écho infiniment répercuté,infiniment tendre. Ensuite vint ce Retourà la case départ ((éditions Moisson Rouge, février 2012, traduit par votre bien obligé), dont Pierric Guittaut (auteur du percutant Beyrouth-sur-Loire, éditions Papier Libre, collection Polars en poche) parle dans sa chronique de Éléments, mieux que votre serviteur, traducteur de Kozlov, et donc suspect. Pierric Guittaut, un autre petit frère lapidaire dans son constat. En tous points une confirmation de ce que je savais déjà : au-delà de la bestialité des propagandes, au-delà de tout prêchi-prêcha, Kozlov savait décrire les conditions dans lesquelles L’homo soviéticus avait ressenti de plein fouet les conséquences de la Défaite.Il n’en tirait une fois de plus aucune conclusion et s’abstenait de tout plan sur la comète critique sociale à vocation humanitaire. La saisie des ressources vitales du pays par la pègre dans le capitalisme sauvage initié par les années Yeltsine et encouragé par l’administration Clinton, le malheur de tout un chacun dans ce paradis des seigneurs de la guerre. The cold Fax, disait Greg Tate, un auteur «libérationniste » noir américain, à propos de Jean-Michel Basquiat, artiste étatsunien d'origine haïtienne mort d’overdose.
Thierry Marignac, 2012.

13.2.12

Le poète Lermontov crachait sur la gloire des médiocres ( Quel "Niagara dans cette salivation"!…)


LE CRITIQUE, LE LECTEUR ET L'AUTEUR
De Mikhaïl Lermontov.
(traduit du russe par TM)
Les poètes ressemblent aux ours, qui se nourrissent en suçant leur patte.
Inédit.

1.
(Une chambre d’écrivain aux stores baissés. Il est assis dans un grand fauteuil devant la cheminée. Le lecteur, cigare au bec, y est adossé. Le critique entre dans la pièce).
Le Critique :
Vous êtes disponible, vous m’en voyez ravi
Dans le vacarme du monde, les soucis de la vie
Le poète a tôt fait de perdre l’esprit en vain
Oubliant complètement ses rêves divins.
Parmi tant d’impressions variées
L’âme se disperse en des futilités,
Et il périt victime des lieux communs.
Quand donc dans une poussière de distractions
Concevoir et mûrir une quelconque création ?
En revanche quelle bénédiction
Que le ciel pense à lui dispenser
L’exil et la distance, l’acuité
Ou même une maladie de longue durée :
Aussitôt dans son éloignement
Retentit la volupté des chants !
Par moments il s’amourache passionnément
De son cafard si élégant…
Qu’écrivez-vous pour l’instant ?
Est-il permis d’en savoir les rudiments ?

L’Auteur :
Non, pour l’instant, rien de rien je n’écris…
Le Critique :
Quel gâchis !
L’Auteur :
Écrire sur quel sujet ? Le midi et l’Orient
Ont été dépeints, chantés depuis longtemps ;
Tous les poètes la foule ont vilipendé
Et le cercle familial, ils ont tous louangé ;
Leurs âmes à tous aux cieux ont aspiré
Appelant d’une prière secrète
Vers N.N.[1] l’insolite beauté
Et tout un chacun est lassé des poètes.

Le Lecteur
Moi, je vous dirai qu’il faut de la hardiesse
Pour ouvrir… votre revue de presse
(Personnellement, les doigts, je m’y suis coupé)
Tout d’abord, la grisaille du papier,
Elle est, peut-être, signe de propreté ;
On n’ose s’y risquer sans enfiler des gants…
Des centaines de coquilles dès qu’on se met à lire !
Des vers d’une vacuité à faire défaillir ;
Des mots sans aucun sens, et pas de sentiment,
Des tournants dramatiques sans discernement ;
De plus, le dirai-je discrètement ?
Les rimes font défaut très souvent.
Se tourne-t-on vers la prose ? C’est de la traduction.
Si par quelque prodige, on parle de la patrie —
C’est presque toujours de Moscou que l’on rit
Ou des agents d’État on critique la fonction.
De qui donc sont tirés ces portraits ?
Où peut-on bien entendre, les dialogues cités ?
Et si d’aventure on les entendait,
On ne souhaite en aucun cas les écouter…
Quand donc, en Russie désincarnée,
S’étant débarrassé du clinquant mensonger,
Trouvera-t-on langue simple pour exprimer l’idée
La voix de décence de la passion bien née ?

Le Critique :
C’est précisément de cela, que je vous entretenais.
Comme vous, tout cela me déplait.
La muse russe, je contemple, caustique.
Il vous faut décidément, lire ma critique.

Le Lecteur :
Je l’ai lue. Des attaques légères
Sur les vignettes, coquilles, et caractères,
Subtiles allusions sur des sujets,
Qui pas âme qui vive de rien n’éclairait.
Que pour le monde au moins ce soit distrayant !…
 Votre encre, Monsieur, brille par son absence,
 D’une corrosion d’acide virulent —
Eau sale ordinaire de fosse d’aisance.

Le Critique :
Et même contre ceci, je ne peux faire dissidence,
Mais croyez-moi, ce serait pour mon cœur réjouissance
Si point n’était besoin de ferrailler —
Mais comment le pourrais-je — constamment critiquaillé !
Rendez-vous compte de notre situation !
Je ne suis lu que dans les cercles des plus communs :
L’effrontée insolence de l’expression
Est loin d’offenser l’oreille de tout un chacun ;
La décence et le goût de condition sont affaire ;
Mais on vous versera le même salaire !
Croyez-moi encore, le destin qui nous est donné
De lourdes chaînes nous a accablé.
Dites-moi donc dans quel but s’infliger
De lire tous ces livres, toutes ces billevesées —
Et tout cela pourquoi, dans le but de vous dire,
Qu’il est absolument inutile de les lire !…

Le Lecteur :
Pourtant, quelle joie, quelle volupté,
Quel repos du cœur et de l’esprit,
Lorsque par un prodige quelconque nous est accordé
Une œuvre vivante qui nous rafraîchit !
Voici, par exemple, un camarade d’antan :
Il possède d’un beau brin de plume le raffinement,
Idée et sentiment dans leur sonorité alto
Le don qu’accorde Notre Seigneur le Très-Haut.

Le Critique :
En effet c’est ainsi — mais quelle malchance :
Ces messieurs n’écrivent plus — nous laissent en déshérence.

L’Auteur :
Écrire sur quel sujet ? Il peut arriver,
Que ce souci allège le fardeau
Lorsque cœur et esprit sont tout à coup chargés
Les rimes amicales, les vagues portant beau,
Froufroutent successivement,
Chacune à son tour se soulève librement.
S’élève un astre prodigieux
Dans une âme à peine éveillée :
Sur l’idée de force inspirée
Comme des perles s’enfilent les mots radieux…
Alors son courage libéré,
Le poète l’avenir va contempler,
Et le monde de son rêve bienfaisant
S’étale devant ses yeux, lavé, purifié.
Mais ces œuvres étranges,
Il y pense seul dans sa grange,
Et après, sans même les regarder,
Les brûlera dans la cheminée.
Se peut-il que ces juvéniles sensations,
Ces errements aériens, inconscients,
Deviennent la raison d’un art digne de ce nom ?
Le monde les oubliera en riant…

Les nuits s’appesantissent dans les veilles,
Les yeux brûlent et pleurent, privés de sommeil,
Au cœur, un cafard dévorant
La main glaciale en tremblant
Écrase l’oreiller brûlant
Une peur involontaire dresse les cheveux
Un cri maladif et dément
La poitrine se déchire — et la langue se meut
Balbutiant malgré elle bruyamment
Des noms oubliés depuis longtemps
Des traits enfouis dans les replis du temps
Dans l’éclat de la beauté d’avant
La mémoire dessine le portrait d’antan
Dans les yeux de l’amour, sur les lèvres trompeuses —
Et l’on y croit encore involontairement,
L’humeur est gaie et douloureuse
Des blessures anciennes, l’ulcère et le tourment,
Alors j’écris, comme dicte ma conscience,
La plume enragée menée par un cerveau prescience :
Un récit séduisant
D’affaires enfouies profond et de pensées secrètes ;
Le tableau des perversions glaciales,
Le lot des jours d’une jeunesse bête
Depuis longtemps absurde, sans retour, sépulcral,
Mort et enterré dans le brouillard passionnel
Dans d’invisibles combats, pourtant acharnés
L’ignorance et la tromperie artificielle,
Parmi les doutes, noirs et mensongers
Des espoirs affabulés d’arc-en-ciel.
Juge sans conscience et fortuit
Sans respect pour le secret d’autrui,
Vice paré de la décence
La honte effrontément je trahis,
Je suis inexorable et sans aucune clémence…
Mais ces strophes amères, il est vrai
Pour la lecture ne furent pas composées
Et à les montrer, je ne me suis pas décidé
Dites-moi donc, écrire, sur quel sujet ?

Pourquoi vers une foule ingrate
M’ont poussé la méchanceté, la haine
Pour que la calomnie appelle scélérate
Mon prophétique discours, ma peine,
Pour que le poison secret des pages de luxures
Tourmente le repos calme de la progéniture
Et entraîne les cœurs de faiblesse
Dans son courant impossible à mettre en laisse ?
Ô non ! Ce rêve délictueux
N’aveugla jamais ma pensée,
Un tel prix faramineux
À Votre gloire je n’ai jamais voulu payer.
Mikhaïl Lermontov.


145
Les poètes ressemblent aux ours, qui se nourrissent en suçant leur patte.
Inédit.[2]
1
(Комната писателя; опущенные шторы. Он сидит в больших креслах перед камином. Читатель, с сигарой, стоит спиной к камину. Журналист входит.)
Журналист
Я очень рад, что вы больны:
В заботах жизни, в шуме света
Теряет скоро ум поэта
Свои божественные сны.
5 Среди различных впечатлений
На мелочь душу разменяв,
Он гибнет жертвой общих мнений.
Когда ему в пылу забав
Обдумать зрелое творенье?..
10 Зато, какая благодать,
Коль небо вздумает послать
Ему изгнанье, заточенье,
Иль даже долгую болезнь:
Тотчас в его уединеньи
15Раздастся сладостная песнь!
146
Порой влюбляется он страстно
В свою нарядную печаль...
Ну, что́ вы пишете? нельзя ль
Узнать?
Писатель
            Да ничего...
Журналист
                                         Напрасно!
Писатель
 чем писать? Восток и юг
Давно описаны, воспеты;
Толпу ругали все поэты,
Хвалили все семейный круг;
Все в небеса неслись душою,
25 Взывали с тайною мольбою
К N. N., неведомой красе, —
И страшно надоели все.
Читатель
И я скажу — нужна отвага,
Чтобы открыть... хоть ваш журнал
30(Он мне уж руки обломал):
Во-первых, серая бумага,
Она, быть может, и чиста;
Да как-то страшно без перчаток...
Читаешь — сотни опечаток!
35Стихи — такая пустота;
Слова без смысла, чувства нету,
Натянут каждый оборот;
Притом — сказать ли по секрету?
И в рифмах часто недочет.
147
40 Возьмешь ли прозу? перевод.
А если вам и попадутся
Рассказы на родимый лад —
То верно над Москвой смеются
Или чиновников бранят.
45 С кого они портреты пишут?
Где разговоры эти слышат?
А если и случалось им,
Так мы их слышать не хотим...
Когда же на Руси бесплодной,
50 Расставшись с ложной мишурой,
Мысль обретет язык простой
И страсти голос благородный?
Журналист
Я точно то же говорю.
Как вы, открыто негодуя,
55 На музу русскую смотрю я.
Прочтите критику мою.
Читатель
Читал я. Мелкие нападки
На шрифт, виньетки, опечатки,
Намеки тонкие на то,
60 Чего не ведает никто.
Хотя б забавно было свету!..
В чернилах ваших, господа,
И желчи едкой даже нету —
А просто грязная вода.
Журналист
65 И с этим надо согласиться,
Но верьте мне, душевно рад
Я был бы вовсе не браниться —
Да как же быть?.. меня бранят!
148
Войдите в наше положенье!
70 Читает нас и низший круг:
Нагая резкость выраженья
Не всякий оскорбляет слух;
Приличье, вкус — всё так условно;
А деньги все ведь платят ровно!
75 Поверьте мне: судьбою несть
Даны нам тяжкие вериги.
Скажите, каково прочесть
Весь этот вздор, все эти книги, —
И всё зачем? чтоб вам сказать,
80 Что их не надобно читать!..
Читатель
Зато какое наслажденье,
Как отдыхает ум и грудь,
Коль попадется как-нибудь
Живое, свежее творенье!
85 Вот, например, приятель мой:
Владеет он изрядным слогом,
И чувств и мыслей полнотой
Он одарен всевышним богом.
Журналист
Всё это так, — да вот беда:
90 Не пишут эти господа.
Писатель
О чем писать?.. Бывает время,
Когда забот спадает бремя,
Дни вдохновенного труда,
Когда и ум и сердце полны,
95 И рифмы дружные, как волны,
Журча, одна во след другой
Несутся вольной чередой.
149
Восходит чудное светило
В душе проснувшейся едва:
100 На мысли, дышащие силой,
Как жемчуг нижутся слова...
Тогда с отвагою свободной
Поэт на будущность глядит,
И мир мечтою благородной
105 Пред ним очищен и обмыт.
Но эти странные творенья
Читает дома он один,
И ими после без зазренья
Он затопляет свой камин.
110 Ужель ребяческие чувства,
Воздушный, безотчетный бред
Достойны строгого искусства?
Их осмеет, забудет свет...
     Бывают тягостные ночи :
115 Без сна, горят и плачут очи,
На сердце — жадная тоска;
Дрожа, холодная рука
Подушку жаркую объемлет;
Невольный страх власы подъемлет;
120 Болезненный, безумный крик
Из груди рвется — и язык
Лепечет громко, без сознанья,
Давно забытые названья;
Давно забытые черты
125 В сияньи прежней красоты
Рисует память своевольно:
В очах любовь, в устах обман —
И веришь снова им невольно,
И как-то весело и больно
130 Тревожить язвы старых ран...
Тогда пишу. Диктует совесть,
Пером сердитый водит ум:
150
То соблазнительная повесть
Сокрытых дел и тайных дум;
135 Картины хладные разврата,
Преданья глупых юных дней,
Давно без пользы и возврата
Погибших в омуте страстей,
Средь битв незримых, но упорных,
140 Среди обманщиц и невежд,
Среди сомнений ложно черных
И ложно радужных надежд.
Судья безвестный и случайный,
Не дорожа чужою тайной,
145 Приличьем скрашенный порок
Я смело предаю позору;
Неумолим я и жесток...
Но, право, этих горьких строк
Неприготовленному взору
150 Я не решуся показать...
Скажите ж мне, о чем писать?
     К чему толпы неблагодарной
Мне злость и ненависть навлечь,
Чтоб бранью назвали коварной
155 Мою пророческую речь?
Чтоб тайный яд страницы знойной
Смутил ребенка сон покойный
И сердце слабое увлек
В свой необузданный поток?
160 О нет! преступною мечтою
Не ослепляя мысль мою,
Такой тяжелою ценою
Я вашей славы не куплю...



[1] En français dans le texte original.
[2] En français dans le texte original.

10.2.12

petite veine


Du sang dans le nez un peu,
petite veine à bout pouf pouf..
Elle veut en sortir, en finir de la nuit
blanche
Levé tu marches, rougis les murs
toute une histoire..
Petite globule vers le jour
gris


V.Deyveaux.2012

5.2.12

Le plus punk des auteurs russes (3) V. Kozlov : la vie à bout touchant.

Vlad Kozlov, écrivain punk de Russie contemporaine


MANDARINES
De Vladimir Kozlov
(traduit du russe par TM)
Courbé, j’ai avancé vers les sièges vacants à l’arrière du taxi collectif, prenant place dans un coin. Disposition idiote, à l’arrière, trois sièges qui se faisaient face. Autrefois, c’était pas comme ça.
Il y avait un certain temps que je n’avais pas fréquenté les taxis collectifs. Trois ou quatre ans.
Quelques personnes sont montées et ont occupé toutes les places disponibles. Le véhicule a démarré, et roulé dans un micro quartier dortoir déprimant. Une fille d’environ dix-huit ans était assise en face de moi. J’ai regardé ses genoux dans des collants couleur chair.Elle a pris une mandarine dans le sachet, a planté ses ongles dans le fruit et s’est mise à lâcher les épluchures dans le sachet.
Bien sûr, j’avais fait une bêtise,et Olga était furieuse à cause de cette affaire. Bien qu’elle n’ait pas besoin de me faire une gueule pareille. Comme si l’accident était de ma faute, ou quelque chose dans ce goût-là. Bon, de toute façon, il ne fallait pas laisser la bagnole, là-bas, où elle risquait de partir à la fourrière. Résultat des courses, Olga et la petite Natacha avaient du rentrer en métro, et il fallait que j’aille à Petchatnik pour remplir les formulaires « récupérer la bagnole ».
—Arrêtez-vous au bout de la palissade, a dit la fille aux mandarines.
Le chauffeur, qui n’avait pas l’air russe, a hoché la tête.
La fille a pris son sac et le sachet de mandarines où il y avait les épluchures. Le taxi s’est arrêté. Elle est descendue. Je suis descendu derrière elle, refermant la portière du taxi collectif .Le véhicule s’est éloigné.

N’IMPORTE LEQUEL MAIS DU DEMI-SEC
La fille a dépassé les cahutes métalliques servant de garages, se dirigeant vers un immeuble de neuf étages pas tout neuf.
Je l’ai rattrapée. Elle m’ a remarqué, s’est retournée et m’a contemplé.
—Tu as du pognon ? a-t-elle demandé. Chez moi, il n’y a rien à boire…
J’ai hoché la tête. Elle a obliqué vers le magasin de l’immeuble. Un berger allemand était attaché à la rampe de l’escalier. Appuyé contre le mur deux ados buvaient de la bière. Elle leur afait un signe de tête, les gars ont dit :
—Salut.
On est descendu dans le semi-sous-sol du magasin.
—Qu’est-ce que tu bois, d’habitude, a-t-elle demandé.
J’ai haussé les épaules.
—Tout ce qu’on veut.
—Alors achète deux bouteilles de vin. N’importe lequel, mais du demi-sec. J’ai de la bouffe à la maison.

On est sorti de l’ascenseur. Elle a sorti les clés et déverrouillé la porte métallique recouverte de skaï matelassé marron éculé — bon marché, comme partout. Je suis entré derrière elle,incertain. Elle a allumé la lumière. Les portes à double-battants de toutes les pièces étaient ouvertes. J’ai posé le sac contenant les deux bouteilles de vin par terre et j’ai fermé la porte d’entrée. Elle a enlevé son manteau, l’a suspendu à un crochet, elle est restée comme ça, dans sa jupe marron descendant un peu au-dessous du genou et dans son corsage bleu au décolleté plongeant. Au fond de l’échancrure, on distinguait un soutien-gorge blanc. Elle a fait un demi pas en arrière, s’est appuyée contre le mur, et m’a contemplé. Je me suis souvenu que son visage ressemblait beaucoup à celui d’une actrice populaire dans les années 1990. Elle avait joué dans quelques films avant de disparaître.Juliet Lewis.
—On va pas rester là comme ça.Allons boire du vin.

CASSER LA CARTE SIM DU PORTABLE
Elle fumait une cigarette à la fenêtre de la cuisine. Devant la fenêtre s’élevait un immeuble de neuf étages en tous points semblable à celui dans lequel nous étions. Les fenêtres étaient illuminées. Des silhouettes se découpaient à quelques-unes d’entre elles. J’ai enlevé la carte SIM de mon téléphone portable, je l’ai cassée en deux, je me suis approché d’elle. Elle a écrasé sa cigarette dans le cendrier de verre sur le rebord de la fenêtre. On s’est embrassé. Il y avait de nombreuses années que je n’avais pas senti le goût d’une cigarette dans la bouche d’une fille. Olga ne fumait jamais, et ne faisait jamais rien de « malsain » d’une manière générale.
J’ai ouvert son corsage et j’ai pris sa poitrine à deux mains, sous le soutien-gorge. Elle a appuyé son derrière sur le rebord de la fenêtre, auquel elle s’est accrochée à deux mains. J’ai mis une main sous sa jupe et j’ai baissé son collant et sa culotte.
Pussy whipped, or pistol whipped ?


Allongé dans un lit à deux places,j’étais sous la couverture. Je me foutais de qui avait dormi avant dans ce lit,ces draps pas très frais. Elle était assise à proximité, appuyée sur la moquette qui recouvrait le mur, elle fumait. La lumière de la chambre était éteinte, les réverbères de la rue l’éclairaient. Elle a jeté sa cigarette dans un verre, et s’est levée du lit. J’ai dit :
—Apporte- moi ce qui reste dans la bouteille.
Elle a hoché la tête, et elle est sortie de la pièce. Appuyé sur l’interrupteur. La porte des toilettes s’est ouverte et refermée. J’ai pensé qu’Olga était plus jolie — plus mince, sa silhouette avait plus d’allure, bien qu’elle ait déjà trente-deux ans et qu’elle ait accouché. La chasse d’eau a retenti dans les toilettes. Elle est revenue avec la bouteille — il en restait encore la moitié. Je l’ai empoignée et j’ai avalé une longue gorgée. Elle s’est glissée près de moi, sous les couvertures. J’ai dit :
—C’est bizarre tout ça… On vit sur un modèle, un format. L’école, après, la fac, après, le boulot… Pour avoir une carrière, du pognon… Après on se marie, on a une famille… L’engueulade est inévitable, beau-père, belle-mère. Tu ne les aimes pas, ils ne t’aiment pas non plus… Après tu t’habitues, ou bien ça ne t’atteint même pas, si t’as un gamin…Appartement, hypothèque, nouvelle bagnole, partir en vacances… Et tu vois pas le temps passer… un, deux, trois ans…
—Pourquoi est-ce que tu me racontes tout ça ?
—Je sais pas… Pour…
—C’est mieux de rien dire,d’accord ? Tu n’as rien dit en sortant du taxi collectif… J’aime pas qu’on me baratine ces salades : « Comment vous appelez-vous mademoiselle… ». Bon, t’as compris…
—Et tu ne me diras rien sur toi ?
—Je n’ai rien de particulier à raconter… J’ai fini l’école l’année dernière. Je voulais pas aller à la fac.Jai travaillé comme vendeuse. Ça m’a pas plu…
—Tu ne fais que ce qui te plait ?
—J’essaie… Non, ç’est pas possible,évidemment… Mais on peut au moins se passer de faire ce qu’on aime pas…
—Tu vis avec tes parents ?
—Oui, mais ils sont à la campagne jusqu’à cet hiver. Là-bas, ils sont plus près de leur boulot… Et je suis ici,je fais ce que je veux…
—Ils t’ont laissé de l’argent ?
—Un peu, mais pas beaucoup. Surtout de la nourriture…
Elle a souri. J’ai ramassé la bouteille par terre, j’ai bu une gorgée, je lui ai tendue. Elle a bu un coup à son tour et reposé la bouteille par terre. Je me suis rapproché d’elle et on s’est embrassé.

UNE QUINZAINE DE BOUTEILLES DE BIÈRE
J’ai ouvert les yeux. Il faisait jour. Sur le mur, l’horloge marquait onze heures moins vingt. Je ne me souvenais pas de la dernière fois où je m’étais réveillé si tard en semaine,vacances exceptées, bien sûr. Elle dormait encore. Je me suis levé, approché de la fenêtre, j’ai regardé la cour jonchée de feuilles mortes, l’immeuble de neuf étages voisin, les gardiens en gilets orange. Le lit a grincé. Je me suis retourné. Elle me regardait en souriant.
—S’il te reste de l’argent on peut descendre au magasin acheter de la bière et des crevettes, a-t-elle dit.
—C’est notre petit-déjeuner ?
—Ah, j’y pensais pas spécialement…petit-déjeuner, déjeuner. Si tu veux manger, mangeons… Ça ne va pas ?
J’ai haussé les épaules, j’ai ricané.

Il faisait nuit à la fenêtre de la cuisine. J’ai regardé l’heure : une heure et demie. Deux ou trois fenêtres seulement étaient illuminées dans l’immeuble d’en face. Il traînait une quinzaine de bouteilles de bière par terre… Ce qu’on avait bu dans la journée.J’ai ramassé une bouteille par terre, bu une gorgée, reposé la bouteille, je l’ai regardée. Elle a dit :
—En général, je n’aime pas boire beaucoup… J’aime bien quand ça grise, et après, entretenir…
—Et ça marche ?
—Pas toujours.
Elle a souri, soufflé de la fumée.
—…Parfois, j’en suis pas loin…
J’ai rebu une gorgée de bière. Elle a jeté son mégot dans une bouteille vide. Je me suis approché d’elle et j’ai glissé les mains sous sa robe de chambre. On s’est embrassé. Une voiture est passée dans la rue, ses feux de signalisation ont brillé un instant.
Photo © Vincent Deyveaux, poète et photographe, Moscovite de cœur et d'adoption.


Elle fumait à la fenêtre de la cuisine. J’ai redressé l’oreiller, rabattu la couverture sur mes jambes.
—Il faut que tu t’en ailles,a-t-elle dit, en regardant par la fenêtre.
—Tes parents vont revenir ?
—Qu’est-ce que ça peut faire ?
Je me suis levé du lit, je me suis enroulé dans la couverture, et je suis allé dans la salle de bains pieds nus.J’ai pris mon caleçon et mes chaussettes sur le radiateur.

La porte cochère s’est refermée dans mon dos en claquant. J’ai obliqué vers l’arrêt du taxi collectif, et en chemin j’ai sorti mon porte-monnaie et compté le pognon qui me restait. Il ne m’en restait sans doute pas assez pour récupérer ma bagnole. J’avais une carte de crédit aussi, mais est-ce qu’il y avait un distributeur dans le coin ?
Près du magasin de l’immeuble était garée une fourgonnette avec des barriques crasseuses. Un homme y a pris une caisse de bière.
Le taxi collectif, est arrivé. J’ai ouvert la portière avant, et suis monté. Encore un coup, le chauffeur n’avait pas l’air russe. C’était peut-être le même. La voiture a démarré.
V. KOZLOV © 2011

BANDE-ANNONCE DU ROMAN "RETOUR À LA CASE DÉPART", PRODUCTION V. KOZLOV:
http://www.youtube.com/watch?v=bMwxAvlr2CE&list=UUPZGA-4OpHQz78Mcekz4xqA&index=1&feature=plcp