Oulougbek Esdaouletov
D'Oulougbek Esdaouletov, je sais peu de
choses, je l'ai croisé à l'UNESCO le 17 octobre 2017, il m'a fait cadeau de son
recueil et d'une dombra en plastique, projetant des lumières façon boîte de
nuit, qu'une amie a refilé pour Noël à l'enfant de quelqu'un du voisinage. Plus
je lis ses vers, plus j'y trouve nourriture. Et c'est l'homme dont Bakhytjan
Kanapianov (auteur de «Perspective inversée» SL publications) m'a dit: «Voici
le seul poète kazakh dont je t'autorise à traduire les vers», le matin où nous
nous sommes quittés au rez-de-chaussée d'un hôtel de luxe — Kanapianov avait
acheté pour l'occasion ces petites bouteilles remplies de Chivas Regal pour nos
adieux, vidées d'un trait tous les trois. Et il m'a fallu retourner dormir,
parce que le scotch à dix heures du mat', j'ai pas l'habitude. Le poème
ci-dessous, d'inspiration moins légère qu'il ne semble, ne comblera sûrement
pas le fossé des générations, mais il en présente une métaphore assez drôle.
СКОРОСТЬ,
ИЛИ ДВОЕ НА МОТОЦИКЛЕ
Трехколесный мотоцикл
Парень за рулем.
А старик сидит в коляске,
Голова трясется в каске.
Ох, не доживем !
Как несется мотоцикл !
Только ветра свист,
Только слезы даль закрыли,
И навстречу в клубах пыли
Пролетает лист.
–Ты убить меня решил ?!
Скорость
сбавь скорей!
Это причуды ветра
Девяноста километров –
Пустяки, ей-ей.
Парень дальше жмет на газ.
Побелел старик.
Стоит
кеклику с утеса
Прыгнут с ходу под колеса –
Сгинет в тот миг !
Надоело, верно, жить ?
Ты с ума сошел !
Парень, знай себе, хохочет,
А старик смотреть не хочет.
Ох, нехорошо…
За волками он скакал,
Не жалел коней.
Мог ли кто за ним угнаться ?
Стыдно так ему бояться
На закате дней.
Скорость –
Молодости крылья
Старикам страшна не ты ли
Дерзостью своей ?
Улугбек
ЕСДАУЛЕТОВ, обрывок из сборника НЕ СПРАШИВАЙТЕ ВРЕМЯ У ПОЭТОВ…
(Vers traduits du russe par TM)
LA VITESSE, OU DEUX SUR UNE MOTO
Une
moto à trois roues,
Un
gars au guidon, à la barre.
Un
vieillard assis dans le side-car,
Sa
tête sous le casque secouée par des remous,
Oh,
on vivra pas jusqu’au soir !
Oh,
la moto est à fond !
Juste,
le sifflement du vent,
Les
larmes dans les yeux ont fermé l’horizon,
Dans
les nuages de poussière devant,
Des
feuilles défilent en volant.
—Tu
as décidé de me tuer ?!
Réduis
vite fait la vitesse !
—Ce
ne sont que du vent les hardiesses,
Quatre-vingt-dix
à l’heure sans tricher
Vétilles,
eh, eh.
Le
gars met les gaz plus avant.
Le
vieillard est devenu tout blanc.
Une
perdrix sur la côte se dressant
Se
jette sous les roues en avançant
Et
elle crève à l’instant !
—Tu
es sûrement de vivre fatigué ?
Tu
es complètement cinglé !
Le
gars, qui s’en tamponne, se met à rigoler,
Et
le vieillard ne veut même pas regarder.
Oh,
c’est très mauvais…
Après
les loups, il galopait,
Ses
chevaux, il ne ménageait jamais.
Qui
pouvait donc à lui se mesurer ?
Comme
il a honte de s’effrayer
Maintenant
que ses jours sont comptés.
La
vitesse —
Voilà
les ailes de la jeunesse.
N’effraies-tu
pas les vieillards décatis
Par
ton effronterie ?
Oulougbek ESDAOULETOV, tiré du recueil :
Ne demandez pas l’heure aux poètes…
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