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11.1.24

Poésie pétrolière


 


    La vie offre parfois — rarement — des surprises. L’ami Bakhytjan Kanapianov, poète auteur du recueil "Perspective inversée", traduit par votre serviteur, vient de m’envoyer les poèmes d’un ami à lui de… Alma-Aty. Outre le défi que présente une telle traduction, on retrouve chez lui peut-être pas par hasard, un fil conducteur de la poésie soviet quand elle exaltait l’effort et le travail d’équipe, la fraternité du labeur, une sonorité qu’on n’avait entendue depuis très longtemps… Le futur ministre avait séjourné au Yémen entre 1983 et 1987, dans une équipe soviétique de forage… 


 BAKTYKOJA IZMOUKHAMBETOV (POÈTE) 
 Originaire du Kazakhstan occidental, président du conseil des vétérans, scientifique, un des fondateurs du secteur pétrolier du Kazakhstan indépendant, Baktykoja Salakhatdinovitch Ismoukhambetov continue en la renouvelant l’antique tradition des steppes selon laquelle l’apparition d’un individu doté de dons multiples était un phénomène habituel. 
 (Vers traduits par Thierry Marignac) 



 
Aïad, Seyoun, El-Moukalla, 
 Alim, Chabda, Khodramaout, Aden, 
 La route de l’amitié nous appelait au Yémen, 
 Nous avions trouvé des sources de pétrole en bas. 
 Un géologue avec des géophysiciens est ici, 
 Foreur, cuistot, médecin, chauffeur, maçon
 Tous un chemin épineux ont franchi 
 Chacun est un héros, vainqueur à sa façon. 
 Nous unirent bientôt de forts liens familiaux 
 Nous nous comprenions à demi-mot, 
 Appréciant le rôle de chacun et sa mission 
 Toujours prêts à l’exploit, toujours prêts au boulot. 
 Soixante degrés à l’ombre, le khamsin sur la face
 La tempête de sable déchaîne ses hallebardes,
 À chaque heure, il faut être guerrier de race, 
 D’un combat avec la nature, à l’avant-garde. 
 Après le déjeuner, le jeudi yéménite 
 Les hommes mâchent le kat, captant des visions
 Même si depuis Mahomet le prophète, la boisson est interdite, 
 D’autres voluptés, accessibles leur sont. 
 Dès l’aurore, l’appel du muezzin, 
 Des vagues de fidèles conduit à la mosquée : 
 Hebdomadairement, le vendredi, un flot humain, 
 Emplit les temples de ses rangs serrés. 
 Et le peuple nomade des bédouins, 
 Vit comme une sentinelle du désert. 
 L’étranger de passage n’ira pas loin
 Les tentes se sont figées comme des gardiens. 
 Dans les terres désertiques, de fructueuses contrées : 
 Chourma, Papaye, orange, citron, les fruits 
 Nous avions trouvé un paradis béni, 
 Vers le sommet des arbres, l’œil était attiré. 

 БАКТЫКОЖА ИЗМУХАМБЕТОВ 

 Аяд, Атак, Сейун, Эль-Мукалла, 
Алим, Шабва, Ходрамаут и Аден…
 Дорога дружбы в Йемен позвала,
 Источник нефтяной был нами найден. 
 Геолог с геофизиками здесь, 
Бурильщик, повар, врач, шофёр, строитель. 
Достойно пройден путь тернистый весь, 
И каждый был герой и победитель. 
 Сплотились быстро в крепкую семью, 
Друг друга понимали с полуслова, 
Ценили роль и миссию свою,
 К труду, как к подвигу, всегда готовы. 
 В тени плюс шестьдесят, хамсин в лицо 
Песчаной бурей яростно швыряет. 
Здесь ежечасно нужно быть бойцом, 
В борьбе с природой, на переднем крае. 
 После обеда в йеменский четверг 
Мужчины кат жуют, ловя виденья. 
Пусть Мухаммед-пророк вино отверг – 
Доступны им иные наслажденья. 
 А спозаранок муэдзина глас 
В мечеть погонит правоверных волны: 
Еженедельный пятничный намаз, 
Рядами тесными все храмы полны. 
 И бедуины, кочевой народ, 
Живут здесь словно стражники пустыни. 
Чужак залетный мимо не пройдёт, 
Жилища их сторожками застыли. 
 В пустынных землях – плодородный край: 
Хурма, папайя, апельсин, лимоны… 
Мы обрели благословенный рай, 
Притягивают взор деревьев кроны.

18.11.22

In Memoriam Kira Sapguir









La mort de Kira Sapguir 
    

     Verser de l’encre sur les tombes est une regrettable habitude dont on se passerait volontiers, si le Grand Fabricateur n’avait, au mépris des lois de la République Française, programmé l’obsolescence dans la machine humaine. 
     Aujourd’hui, Antifixion est en deuil, comme une certaine partie de la diaspora russo-française : Kira Sapguir, membre permanent du Comité Central Blogueur, nous a quitté, dans la nuit du 15 au 16 novembre, indique la nécrologie de L’Observateur Russe
     
    Il y a tout juste 4 ans, elle m’invitait un soir de novembre 2018, à fêter les 40 ans de son installation à Paris, en 1978. Nous étions en terrasse d’un café de cette place Beaubourg hideusement défigurée par la muséographie moderne. Kira fumait comme un sapeur et bien que frigorifiée par un vent déferlant à son aise sur la dalle de béton, elle tenait à rester dehors. Elle était d’humeur extatique au fil des petits verres de vin rouge en rappelant des épisodes de sa métamorphose en Parisienne. Assez rapidement, je suggérai un changement de place stratégique à la table que nous occupions, sentant une migraine pointer sous mon crâne exposé aux résistances électriques qui « chauffaient » la terrasse, à une vingtaine de centimètres de ma calvitie. Grelottante, elle accepta mon offre avec enthousiasme. 
    
     Si j’étais l’unique participant convié à cette célébration solennelle, je ne le devais ni à ma profondeur subjective, ni à mon sex-appeal. Ce n’était non plus dû à cette solitude progressive qui finissait par peser sur cette fantaisiste de tous les instants. En effet, me disait-elle, c’est au fil de notre collaboration et dans ces pages d’Antifixion et dans l’aventure du recueil de poèmes en bilingue Des Chansons pour les Sirènes et dans d’autres entreprises encore, qu’elle avait eu pour la première fois l’impression de briser le mur de verre, qui séparait la diaspora russe de la France. C’était chez elle une expression récurrente, cachant avec élégance et discrétion certainement pas mal de rage et de déception : Le mur de verre. Elle me calmait moi-même avec humour dans mes mouvements d’humeur contre la nation qui n’a aboli les privilèges que pour mieux les rétablir : Mais enfin, Thierry, tu n’es pas un cas particulier !… En France, on traite tout le monde mal !… 
    
    Si elle ne détestait pas briller dans le demi-monde russe, elle était sans illusions sur celui-ci dont les luttes intestines qui sont le lot de toutes les émigrations lui semblaient surtout comiques. Et elle aspirait à la reconnaissance en France d’une œuvre assez considérable de nouvelliste, romancière, journaliste et poétesse. Mais elle collaborait surtout aux publications émigrées notamment La Pensée russe, hebdomadaire où elle publiait des articles par intermittences, dont l’une avait été assez longue… 

    En effet, elle avait débarqué à la rédaction du journal quasiment à son arrivée en France et son esprit caustique s’était délecté du cirque de la « dissidence », à l’époque fort à la mode, de ses personnages, de sa part d’ombre et de ses impostures. Épouse du grand poète Henri Sapguir, elle avait été adoptée d’entrée, puisqu’ils se connaissent tous, et qu’elle avait joué un rôle non négligeable dans la scène bohème, underground, du Moscou des années 1960-70. Elle le raconte quelque part dans nos pages qui lui sont consacrées, c’est chez elle et son mari qu’Edouard Limonov s’était réfugié après s’être tranché les veines dans le but de faire flancher la belle Elena Shapova, pour qui le poète se languissait d’amour… Kira avec la joie qui la caractérisait, avait déclaré à Édouard : Tu peux te réjouir, avec Elena, tu as trouvé une partenaire de jeu pour ta vie entière… 

     Du cirque de la dissidence, de la nébuleuse de La Pensée russe, Kira avait tiré un roman satirique n’épargnant personne : Tissu de mensonges (non traduit en français, malgré toutes mes recherches d’éditeur). Les acteurs en étaient reconnaissables dans le milieu, bien qu’ils fussent tous affublés de surnoms farfelus, dérivés de leurs caractéristiques les plus saillantes. Toujours à la limite de la caricature, mais sans y sombrer, Kira décrivait ce petit monde comme un théâtre de l’absurde, aux appétits démesurés, à l’inflation verbale constante, aux volontés de puissance à peine déguisées, aux jalousies féroces. Je crois qu’elle ambitionnait la place de la grande romancière satirique Teffi émigrée des années 1930, dont les textes sur des coalitions rivales de Russes Blancs montant des gouvernements en exil au fond de chambres de bonne pour se trahir aussitôt avaient la même ambiance de tempête dans un verre d’eau. Dans Tissu de mensonges, mon personnage préféré était un faux agent du KGB se faisant passer pour tel dans le but d’escroquer tout le monde. Kira faisait preuve d’une virtuosité et d’une férocité éblouissante, ce qui ne lui valut pas que des amis. Elle fut écartée un temps, après la publication de ce roman, de la rédaction de La Pensée russe. Si elle me racontait tout ça en riant, il lui en était resté une pointe d’amertume à double tranchant : lors de sa mise au placard, ostracisée, elle s’était tournée vers la France terre d’accueil qui ne lui avait strictement rien accordé… 



     La traduction lui avait alors fourni une issue, ainsi que la cartomancie. Moscovite de la bohème, Kira vivait en équilibriste. C’était une traductrice brillante et inspirée. Ses chansons de Brassens en russe sont aussi farfelues que l’original. Lorsqu’elle traduisit mon roman Morphine Monojet pour le romancier éditeur de Pétersbourg Andreï Doronine, elle fit des prodiges avec mon argot de camé parigot 1979, grâce au jargon des rues de Moscou qu’elle possédait sur le bout des doigts. Et puis elle tirait les cartes, faisait tourner les guéridons, lisait dans le marc de café, prédisait l’avenir. Je crois me souvenir que ce personnage haut en couleurs m’avait confié un jour qu’après son bannissement provisoire de la diaspora, elle avait survécu quelque temps en jouant les voyantes. J’ai beaucoup jonglé dans la vie, mais ça, ça m’avait bluffé. 



     Quand Kira souffrait des crises de désespoir qui sont le lot des fantaisistes, c’était en général que son ordinateur antédiluvien était brusquement en panne, que le brave moujik qui lui réparait était en vacances ou qu’il avait la gueule de bois. Nous eûmes des dialogues épiques au téléphone, puisque je m’y connais autant en informatique qu’en chirurgie du cerveau. Plus tristement, ces dernières années, quand la maladie la frappait. Mais sa crise de désespoir la plus spectaculaire — et je ne peux refermer ce chapitre funèbre qu’avec la note d’humour qui convient à cette grande farceuse — l’avait ramenée dans un bureau que je louais il y a vingt ans et où j’hébergeais provisoirement le grand écrivain américain Carl Watson. J’étais sur le point de quitter les lieux lorsque Kira survint, en larmes. Elle ne voulait même pas rentrer chez elle. Elle pleurait comme une gamine. Elle avait pas mal picolé, ses propos étaient embrouillés et je les traduisais au fur et à mesure en anglais à Carl Watson, peinant à contenir mon hilarité. Je finis par déterminer que lors d’une séance de guéridon en compagnie d’autres dames, elle avait tenté de communiquer avec feu son mari, mais que celui-ci s’était intéressé à une autre. Ce soir-là son désespoir était sincère, c’était une adolescente de 14 ans, trahie par son premier amour. Lorsque je la revis ensuite, me moquant légèrement d’elle, elle finit par rire elle aussi de sa jalousie posthume… 

     Sinon, c’était une Grande Dame d’une générosité impeccable. Je lui dois d’avoir eu accès à la poésie de deux monuments : Sergueï Tchoudakov et Boris Rijy. Je lui dois d'avoir traduit le poète kazhak, Bakhytjan Kanapianov. Elle m’envoyait leurs vers au cas où ça me plairait, avec une intuition redoutable et un goût jamais démenti. Si elle s’intéresse à quelqu’un d’autre que moi ce soir en séance spirite, je lui fais une scène ! 

    On peut retrouver de nombreux, articles, récits, nouvelles de Kira Sapguir dans nos archives, aux pages qui lui sont consacrées.

     Thierry Marignac, 18-11-2022

18.1.18

L'orgueil des poètes







Chez Oulougbek Esdaouletov (dont nous ne savions toujours pas grand-chose, nous abstenant soigneusement de lire sa fiche Wiki), nous plaisait une certaine simplicité essininienne, (Sans excentricités de poète, Je ne puis vivre sur cette terre, S.E.), lyrisme en sourdine, marquer au feu quelques paroles élémentaires sur le marbre du temps. Si loin des abstractions… Ah, et puis l'orgueil d'être poète.
(Vers traduits du russe par TM)
         
NE DEMANDEZ PAS L’HEURE AUX POÈTES
         Ne demandez pas l’heure aux poètes,
         Ils ne vivent pas sur ce temps-là
         Leur en demander raison, c’est bête
         Les forcer à regarder en bas.

         Rêveur comme un gamin, spontanément,
         Vit le poète, sans apprendre à vivre.
         Lui seul, immortalisera le temps
         Où vous avez pu sans talent survivre.

         Qu’est-ce que notre vie ? Du crépuscule au levant
         Étouffer des incendies, jusqu’à la fin des ans.
         Ne demandez pas l’heure aux poètes,
         Leur temps, c’est l’éternité. Tout le secret tient là, en fait.
         Oulougbek ESDAOULETOV, tiré du recueil : Ne demandez pas l’heure aux poètes…


         Не спрашивайте время у поэтов,
         Ведь не живут поэты по часам.
         Не стоит их за то вызвать к ответу
         И заставлять их спустить глаза.

         Мечтатель, как ребенок, непосредствен,
         Живет поэт, не научившись жить.
         Но лишь ему и обессмертить время,
         Что вы смогли бездарно просадить.

         Что наша жизнь ? С заката до рассвета
         Тушить пожары до скончания лет.
         Не спрашивайте время у поэтов,
         Их время – вечность. В этом весь секрет.
         Улугбек ЕСДАУЛЕТОВ, обрывок из сборника НЕ СПРАШИВАЙТЕ ВРЕМЯ У ПОЭТОВ…



         Ne vous inquiétez pas pour le poète —
         Il ne craint pas une longue fête.
         Vers la lumière son âme s’élancera
         Au-dessus du souci s’élèvera.

         Au poète, n’enlevez
         Pas sa plume en liberté :
         Le poète franchit
         Tous les interdits
         Au nom de la vérité et de la bonté.

         Le mot enflammé, vivant,
         Traversant mille désagréments
         Fait fondre les chaînes éternelles
         Brûle tout l’inutile, étincèle.

         N’oubliez pas, sur le poète :
         Que l’univers survolant,
         Soutien, conseils, il attend qu’on lui transmette
         Comme sans défense, les enfants.
         Oulougbek ESDAOULETOV, tiré du recueil : Ne demandez pas l’heure aux poètes…


         Не беспокойтесь за поэта –
         Ему не страшен долгий той
         Душа, стремящаяся к свету
         Поднимется над суетой.

         Не отнимайте у поэта
         Его свободного пера :
         Поэт нарушит
         Все запреты
         Во имя правды и добра.

         Живое, пламенное слово,
         Пройдя тысячи невзгод,
         Расплавить вечные оковы
         И все ненужное сожжет.

         Не забывайте про поэта :
         Над мирозданием летя,
         Он ждет поддержки и совет
         Как беззащитное дитя !
Улугбек ЕСДАУЛЕТОВ, обрывок из сборника НЕ СПРАШИВАЙТЕ ВРЕМЯ У ПОЭТОВ…


14.1.18

Hâte catastrophique

Oulougbek Esdaouletov


         D'Oulougbek Esdaouletov, je sais peu de choses, je l'ai croisé à l'UNESCO le 17 octobre 2017, il m'a fait cadeau de son recueil et d'une dombra en plastique, projetant des lumières façon boîte de nuit, qu'une amie a refilé pour Noël à l'enfant de quelqu'un du voisinage. Plus je lis ses vers, plus j'y trouve nourriture. Et c'est l'homme dont Bakhytjan Kanapianov (auteur de «Perspective inversée» SL publications) m'a dit: «Voici le seul poète kazakh dont je t'autorise à traduire les vers», le matin où nous nous sommes quittés au rez-de-chaussée d'un hôtel de luxe — Kanapianov avait acheté pour l'occasion ces petites bouteilles remplies de Chivas Regal pour nos adieux, vidées d'un trait tous les trois. Et il m'a fallu retourner dormir, parce que le scotch à dix heures du mat', j'ai pas l'habitude. Le poème ci-dessous, d'inspiration moins légère qu'il ne semble, ne comblera sûrement pas le fossé des générations, mais il en présente une métaphore assez drôle.

         СКОРОСТЬ, ИЛИ ДВОЕ НА МОТОЦИКЛЕ
         Трехколесный мотоцикл
         Парень за рулем.
         А старик сидит в коляске,
         Голова трясется в каске.
         Ох, не доживем !

         Как несется мотоцикл !
         Только ветра свист,
         Только слезы даль закрыли,
         И навстречу в клубах пыли
         Пролетает лист.

         –Ты убить меня решил ?!
         Скорость сбавь скорей!
         Это причуды ветра
         Девяноста километров –
         Пустяки, ей-ей.

         Парень дальше жмет на газ.
         Побелел старик.
         Стоит кеклику с утеса
         Прыгнут с ходу под колеса –
         Сгинет в тот миг !

         Надоело, верно, жить ?
         Ты с ума сошел !
         Парень, знай себе, хохочет,
         А старик смотреть не хочет.

         Ох, нехорошо…
         За волками он скакал,
         Не жалел коней.
         Мог ли кто за ним угнаться ?
         Стыдно так ему бояться
         На закате дней.

         Скорость –
         Молодости крылья
         Старикам страшна не ты ли
         Дерзостью своей ?

         Улугбек ЕСДАУЛЕТОВ, обрывок из сборника НЕ СПРАШИВАЙТЕ ВРЕМЯ У ПОЭТОВ…

(Vers traduits du russe par TM)

         LA VITESSE, OU DEUX SUR UNE MOTO

         Une moto à trois roues,
         Un gars au guidon, à la barre.
         Un vieillard assis dans le side-car,
         Sa tête sous le casque secouée par des remous,
         Oh, on vivra pas jusqu’au soir !

         Oh, la moto est à fond !
         Juste, le sifflement du vent,
         Les larmes dans les yeux ont fermé l’horizon,
         Dans les nuages de poussière devant,
         Des feuilles défilent en volant.

         —Tu as décidé de me tuer ?!
         Réduis vite fait la vitesse !
         —Ce ne sont que du vent les hardiesses,
         Quatre-vingt-dix à l’heure sans tricher
         Vétilles, eh, eh.

         Le gars met les gaz plus avant.
         Le vieillard est devenu tout blanc.
         Une perdrix sur la côte se dressant
         Se jette sous les roues en avançant
         Et elle crève à l’instant !

         —Tu es sûrement de vivre fatigué ?
         Tu es complètement cinglé !
         Le gars, qui s’en tamponne, se met à rigoler,
         Et le vieillard ne veut même pas regarder.

         Oh, c’est très mauvais…
         Après les loups, il galopait,
         Ses chevaux, il ne ménageait jamais.
         Qui pouvait donc à lui se mesurer ?
         Comme il a honte de s’effrayer
         Maintenant que ses jours sont comptés.

         La vitesse —
         Voilà les ailes de la jeunesse.
         N’effraies-tu pas les vieillards décatis
         Par ton effronterie ?
         Oulougbek ESDAOULETOV, tiré du recueil : Ne demandez pas l’heure aux poètes…