26.12.15

Les vins violents de Pétersbourg

Valerii Sosnovski envoya ce compte-rendu d'une dérive pétersbourgeoise alcoolisée, dédiée à Alexandre Léontiev, un ami de Boris Ryjii, il y a quelque temps. L'Arcade de La Mothe, construite par un architecte français du XVIIIe siècle, est un monument de la "Venise du Nord" aux innombrables canaux, qui lui avait fourni les forts courants métaphoriques de cet adroit exercice de style poétique.


L’ARCADE DE LA MOTHE
(Vers traduits par TM)
De Valéri Sosnovski
À Alexandre Leontiev
Il n'y avait que la Parole sinon rien.
Par cette parole saouls de saoulerie,
Chez Nicolas Morski
Nous achevâmes une bouteille de vin.
Et la maison nous fîmes tanguer
Larguant les amarres et la flotte nombreuse,
Des rues environnantes à nos pieds,
S’efforça à une démarche miraculeuse.

Il était plus simple, dans le demi-sommeil,
D’observer leur dérivante chorale :
La Place du théâtre sans soleil
Marinka et de Kroukov le canal.
Brick, frégate, ou bien canot ?
Bâbord le long de la rivière Moïka, ses flots,
En colonnes filaient en sillage
Les demeures et maisons à étages.

Ainsi, au flambeau de parade
Au tréfonds d’un feu sans partage
De De La Mothe, l’arcade
Devant nous s’ouvrit le passage.
À l’intérieur quelque chose d’éclairé,
Une tendre lueur — notre mélancolie ?
L’hymne des Chérubins entonné,
La voix des âmes non repenties ?

Et qu’est-ce qui nous empêchait pourtant
De cette cachette franchir le portail ?
Quelque chose d’invisible, évident
Bridait l’indocile gouvernail.
Des cordes d’instrument quelque part résonnaient
Les canots faisaient grand vacarme.
Comme un trousseau de clés la brume tintait
Sur la chaînette de St-Pierre, alarme.

Trop de tristesse et de peine, dans,
Cette atmosphère, dans ces vents.
Heureux celui qui, s’arrachant du quai d’embarquement,
Sur des rives d’autre monde se retrouve souriant.
Là-bas les lointains confins d’éternité
Là-bas les fumées brillantes d’immortalité.
Depuis longtemps nous avons tant tardé :
Il vaut mieux mourir jeune que ridé.

Et ensuite tout s’évanouit.
D’un brouillard laiteux tout s’emplit.
Sobre, dégrisé, efficace
Le chauffeur de taxi ramena chacun.
Sévèrement silencieux, et chacun à sa place
Les mégots s’éteignirent un à un.
Il n’y avait que la Parole, sinon rien,
Et personne à haute voix ne la disait, rien.

 
Evgueni Pinaïev, peintre de marines d'Ekaterinburg


АРКА ДЕЛАМОТА
                 Александру Леонтьеву

Было только лишь Слово.
Этим словом пьяны допьяна,
У Николы Морского
Мы распили бутылку вина.
И дома покачнулись.
Отдавая швартовы, и флот
Прилегающих улиц
Устремился в чудесный поход.

В полусне было проще б
Наблюдать их плывущий хорал:
Театральная площадь,
Мариинка и Крюков канал.
Бриг, фрегат или катер?
Левым галсом вдоль Мойки-реки
Шли колонной в кильватер
Все чертоги и особняки.

Вот, подсвечена ярко
В глубине небывалым огнем,
Деламотова арка
Перед нами взметнула проем.
Было в этом свеченьи
Что-то нежное – наша ль печаль?
Херувимов ли пенье?
Неприкаянных душ голоса ль?

Отчего не смогли мы
В сей сокрытый проникнуть портал?
Видно, кто-то незримый
Удержал непослушный штурвал.
Где-то струны звучали
И шумели вдали катера.
Мгла звенела ключами
На цепочке святого Петра.

Слишком много печали в
Этом воздухе, в этих ветрах.
Счастлив тот, кто, отчалив,
Усмехнется – на тех берегах.
Там предвечные дали,
Там бессмертья блистающий дым.
Мы давно опоздали:
Хорошо умереть молодым.

А потом все исчезло.
Все заполнил молочный туман.
Деловито и трезво
Нас таксист развозил по домам.
Помолчали сурово.
Огонек сигареты потух.
Было только лишь Слово,
И никто не сказал его вслух.
ВАЛЕРИЙ СОСНОВСКИ