Et il y avait de quoi ! Après avoir débuté sa carrière de poète dans le Saint-Pétersbourg du “Siècle d’Argent” aux côtés de Bloch,
Goulimev, Kouzmine, Mandelstam et autres, il est poussé par le bolchévisme administratif et inquisitorial à émigrer dans un petit pays que l’on situe à la pointe, à la péninsule du continent asiatique : la France.
Georgy Ivanov (1894-1958) |
En exil, son lyrisme de jeunesse typiquement russe, et un peu fleur bleue pour le lecteur sophistiqué de l’Ancien Monde, cède la place, bon gré mal gré, à une humeur sombre et sardonique. Le ressentiment n'est pas absent, mais tempéré par un humour (certes noir), ainsi que par cette mélancolie propre aux pays nordiques où deux jours ensoleillés sont un cadeau du ciel.
Georguy Ivanov, considéré pompeusement dans le milieu russe blanc comme le «premier poète de l'émigration», exerce sa vindicte, c'est son époque, contre le pouvoir soviétique et l'Ossète qui a remplacé le Tsar. Si aujourd'hui les variations anti-Rouges sont passées de mode, et on ne va pas tirer sur l'ambulance, les lamentos de l'exil forcé trouveront sûrement des échos dans ce XXI-ème siècle si prometteur.
On pourra ici consulter la bio et la bibliographie de Georguy Ivanov, en anglais, car, une fois de plus et comme pour les textes de Serguey Tchoudakov, Vladimir Ermolaev et d'autres, cette traduction en français est une exclusivité Antifixion.
Vincent Deyveaux
Le long du parc se glisse la voiture,
Nous approchons de la villégiature :
La voilà donc, la porte de l'Enfer,
Au carrefour s'avance Lucifer.
Avec l'antique générosité,
Il me serre la main, très fier
De ses moustaches, de ses anomalies,
Bref de cet air de parenté
Avec ce qui gouverne mon pays.
1948
C'est merveilleux
Qu'il n'y ait plus de Tsar,
Qu'il n'y ait plus de Russie,
Que Dieu n'existe pas.
Rien
Qu'une aube jaune,
Des étoiles glacées,
Des années par millions.
C'est merveilleux
Qu'il n'y ait personne,
Qu'il n'y ait rien,
Si noir, si mort,
Qu'il n'y a rien de plus noir,
Rien de plus mort,
Qu'on n'attend aucune aide,
Qu'on en n'a pas besoin.
1930
traduction Vincent Deyveaux
Скользит машина возле сада,
И мы въезжаем на курорт:
Так вот она, граница ада,--
На перекрестке встречный чорт.
С давно забытым благородством
Он пожимает руку мне,
Гордясь усами и уродством,
И вообще семейным сходством
С тем, что царит в моей стране.
***
Хорошо, что нет Царя.
Хорошо, что нет России.
Хорошо, что Бога нет.
Только желтая заря,
Только звезды ледяные,
Только миллионы лет.
Хорошо - что никого,
Хорошо - что ничего,
Так черно и так мертво,
Что мертвее быть не может
И чернее не бывать,
Что никто нам не поможет
И не надо помогать.
перевод Венсан Дево
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