BESTIAIRE
IMPERTINENT
Je le soupçonnais depuis longtemps sans
preuves, mais la vérité éclate tôt ou tard, Christopher Gérard est membre des
AA. Que le lecteur se rassure, je ne suis pas encore vendu aux ligues de vertu
(Hélas !… Comme j’aimerais vivre aux crochets des viragos !… Je lance
ici un appel de fonds !…), et ne cherche pas à dénoncer l’intempérance de
mon camarade, du reste occasionnelle (d’après lui). Non, il s’agit du très
sérieux et compassé Cercle de
L’Anglomanie Animalière !… Un club sélect, dont des types dans son
genre gardent jalousement le secret. Avec Osbert
et autres historiettes, il nous offre un florilège (bigre, maintenant on va
dire que je suis écolo… La honte !… Mes potes vont se retourner dans leurs
tombes !…) d’histoires d’animaux dandies, choqués par les mœurs de sauvage
de leurs maîtres dégénérés, et plus ou moins en train de prendre la tangente,
de choisir la grande santé contre les
errements d’une humanité qui part en vrille. Leur flair décèle les poisons
chimiques agro-alimentaires, leur œil perçant observe avec commisération les
vices sordides( et post-modernes !) de ceux qui s’intitulent, dans leur
inconscience, leurs propriétaires. Un
assez large éventail zoologique s’offre au lecteur : de la perruche au
bouledogue, en passant par le canard sauvage d’Oxford, I beg your pardon ?…
Ma propension lyrico-tralala me pousse à
préférer les figures héroïques : le matou évadé devenu caïd et étalon
(pour un chat, c’est un comble !) du jardin public, le bouledogue agent
secret de Sa Gracieuse Majesté en mission secrète et périlleuse. Une mention
spéciale pour l’ours en fin de parcours, c’est en effet un chef-d’œuvre d’ambiguïté
littéraire : grizzly ou ours en peluche ?… Je l’ai déjà dit ailleurs,
Christopher me cherche des crosses, il empiète sur mes chasses gardées, celles
où j’exterminerais sa ménagerie, les domaines du paradoxe, dont je me croyais
le Grand Moufti. Oh, mais ça va se payer, ça, un jour ou l’autre !…
Avec Osbert et autres historiettes (éditions l'Âge d'Homme), Christopher Gérard dresse son
réquisitoire contre l’humanité présente, avec la légèreté inimitable qui est la
sienne. Une lecture drôle et revigorante.
TM, avril 2014