Lors de ce dernier Premier Mai de la vie de Sergueï Essenine, le retrait du poète est sensible, sa résignation au rituel palpable, son écart de conduite déjà définitif. L’allusion à la paysannerie en butte au racket bolchevique ne lui valut certainement pas que des amis. En décembre de cette année-là, il y a bientôt 99 ans, le poète mourut dans des circonstances troubles…
(Vers traduits par Thierry Marignac)
Premier Mai
Il y a la musique, les vers, et les danses
Il y a mensonge et flatterie…
Qu’ils me reprochent mes « Stances »
En elles se trouve la vérité aussi.
J’ai vu la fête, la fête de mai —
Et ébranlé.
À être plié j’étais prêt,
Tandis que toutes les filles et les femmes j’allais embrasser.
Où ira-t-on, à qui racontera-t-on,
Sur quel « henné »,
Que se baignaient les fils ensoleillés
Des capuchons ?
Comment ici le cœur l’hymne n’aurait percé,
Comment dans un tremblement ne pas sombrer,
Quarante mille se sont baguenaudés ont chanté
Et aussi picolé.
Pas trop gauchisants ! Des vers, des vers !
Simples ! Élémentaires !
Nous avons bu au pétrole, à sa santé
Et aux invités.
Première loterie: Le livre au lieu de la vodka |
Et mon premier verre levant
D’un simple hochement
J’ai bu dans cette fête
Au commissaire du peuple soviet.
Le deuxième verre, pour ne pas trop
Me vautrer dans le chariot,
J’ai bu aux travailleurs fièrement
Le discours de quelqu’un entendant.
Mon troisième verre buvant,
Comme un certain khan
Pour que ne se replie pas dans un rauque raclement
Le destin des paysans.
Bois mon cœur ! Mais ne sois pas à bout portant,
La vie détruisant…
Ainsi je bus le quatrième
Seulement pour toi-même.
Chachliks |
Сергей Есенин
1 мая
Есть музыка, стихи и танцы,
Есть ложь и лесть…
Пускай меня бранят за стансы —
В них правда есть.
Я видел праздник, праздник мая —
И поражен.
Готов был сгибнуть, обнимая
Всех дев и жен.
Куда пойдешь, кому расскажешь
На чье-то «хны»,
Что в солнечной купались пряже
Балаханы?
Ну как тут в сердце гимн не высечь,
Не впасть как в дрожь?
Гуляли, пели сорок тысяч
И пили тож.
Стихи! стихи! Не очень лефте!
Простей! Простей!
Мы пили за здоровье нефти
И за гостей.
И, первый мой бокал вздымая,
Одним кивком
Я выпил в этот праздник мая
За Совнарком.
Второй бокал, чтоб так, не очень
Вдрезину лечь,
Я выпил гордо за рабочих
Под чью-то речь.
И третий мой бокал я выпил,
Как некий хан,
За то, чтоб не сгибалась в хрипе
Судьба крестьян.
Пей, сердце! Только не в упор ты,
Чтоб жизнь губя…
Вот потому я пил четвертый
Лишь за тебя.
1925 г.