Dans l’éclectisme dont je me flatte, je publierai ci-dessous deux poètes que tout sépare, un homme, une femme, une poétesse reconnue et un marginal, un révolté et une femme du monde. Les deux poèmes présentés ont cependant en commun de montrer le « système des objets » cher à Baudrillard, mais dans l’apesanteur poétique, échappant à la chape de plomb du raisonnement. Un univers tout proche de l'Occident maudit, non seulement géographiquement, mais par « l’abondance empoisonnée de la marchandise », dont l’universalité défie l’entendement…
Je dédie cette publication à mes jeunes camarades poètes, Benjamin de Surmont ( Blog: Dada-Spontex) et Tom Buron qui fait un malheur sur la scène poétique de Phrance !…
« Il ne s’agit plus de l’affrontement de deux systèmes différents, mais de la concurrence planétaire de deux systèmes identiques. »
TM, Terminal-Croisière, Auda Isarn éditions, 2021.
Ekaterinburg |
(Vers de Karmadine et Arkatova traduits par Thierry Marignac)
Paysage des zones industrielles assoupies
Plus bas… Plus bas…
Nous ne pouvons rompre ce sommeil poisseux de honte
De notre fervent
« Vive la Révolution »
Lorsque, découpant les traits de leur propre horizon
Les cheminées d’usine
Consument de destins humains
Le ciel rongé de vers des zones industrielles.
Du cadavre de la liberté
Pourrit la cité-dortoir,
Un fardeau de soucis sur
Les épaules des passants sans visage, appesantit la neige.
Le samedi matin
Aucun d’eux ne t’aidera
Lorsqu’à ras de terre
Un flic te tabasse.
Car tu n’es pas de chez eux !
Tu ne leur ressembles pas.
Tu ne te réjouis même pas
De la ronde des triomphes olympiques !
Entre les nouveaux bâtiments
Résonne un écho bétonné,
Le flot des passants
Continue sa course insensée,
Et ton cri
Noyé dans les hurlements d’un vent indifférent
Sombre dans l’oubli,
Il est possible qu’ainsi
Il ne trouble pas
Leur repos de chanvre indien.
Mais souviens-toi :
Plus tard
En quête de poèmes et de défonce
C’est chez nous que viendront leurs enfants adolescents.
Arthème Karmadine 2014
Пейзаж сонных промзон
Тише… Тише…
Нам не прервать этот липкий позорный сон
Своим задорным
«Вива ля Революсьён»
Когда расчертив собой горизонт,
Трубы заводов
Коптят человечьими судьбами
Червивое небо промзон.
Трупом свободы
Догнивает спальный район,
Грудой забот на
Плечи безликих прохожих ложиться снег.
Ведь ты – чужак!
Ты на них не похож.
Ты даже
Не рад череде Олимпийских побед!
Меж новостроек
Загудит бетонное эхо
Потомки прохожих
Продолжат свой бессмысленный бег,
А твой вопль,
Утонув в завываниях равнодушного ветра,
Канет в лет,
Быть может
Так и не потревожив
Их посконный покой.
Но запомни:
Позже
За стихами и наркотой
К нам уйдут их подросшие дети.
Артём Кармадин, 2014.
***
Le monde des accolades et des baisers
Des ferroviaires accompagnatrices et des marchepieds
Des occupations ambulantes du matin
Des œufs durs sur le chemin
Le monde promis au levant
Les livres rendus au bout d’un an
Au conseil pédiatrique les parents
Les cerfs-volants au firmament
Le monde des sous-tasses tremblant
Trahison du fonds des puits
De nos profonds taillis les discours impuissants
Sur les souches, les gabardines qu’on crucifie
Le monde des hommes et des femmes, des chiens et des chats
Contre les balivernes toute la vérité
Comme thermomètre et stadiomètre en soi
Et mon papa aussi est officier
La vie est divisée en classes sociales
La foule se presse aux caisses théâtrales
À la soupe et tout de suite la limonade
D’accord pour du pepsi, c’est bon
Sur les réécrites chansons
À Koktebel et Léningrad
De ce putain de Sotchi, aux olympiades
Vers ton sous-sol et mon grenier
Nous n’étions alors pas très liés
Et maintenant comme ci comme ça
À celle en retard pas une seule fois
À celui qui alors ne fit que se taire
Au sanitizer ou tangeyser
Et c’est tout
Et voilà c’est super
Anna Arkatova
Мир поцелуев и объятий
Перронов и бортпроводниц
С утра прогулянных занятий
В дорогу сваренных яиц
Мир обещаний на рассвете
Книг возвращённых через год
Родителей на педсовете
Воланчиков под небосвод
Мир подстаканников дрожащих
Измен колодезных на дне
Речей бессильных кущей чащей
Плащей распяленных на пне
Мир М и Ж, собак и кошек
Всей правды против понарошек
Как градусник и ростомер
И папа тоже офицер
Жизнь разделенная на классы
Толпу у театральной кассы
На суп и сразу лимонад
Ну хорошо пускай на пепси
На Коктебель и Ленинград
На олимпийский х… с ним Сочи
На твой подвал и мой чердак
На то что мы тогда не очень
А вот сейчас бы только так
На опоздавшую ни разу
На промолчавшего тогда
Тангейзер или санитайзер
И это все
Вот это да
Анна Аркатова