22.12.21

Noël noir

 

Jean-Baptiste Corot, le lac de Côme.
Hier soir, je voyais mon ami Sémione Piégov (sur sa chaîne YT Wargonzo), soudain en Transnistrie — correspondant de guerre, junkie de l'adrénaline — rapportant une provocation moldave, sous l'égide de Forces Spéciales britanniques et allemandes dans la zone démilitarisée contre la république pro-russe, après de récentes élections, dans la néo Guerre Froide inventée par l'Occident pour des raisons commerciales et sans queue ni tête, sinon l'ordre du jour OTAN.
    Les nuages s'accumulent en cette fin d'année de cauchemar sanitaire, de vertige du pouvoir envapé par la tyrannie, et la poésie esthétisante de Margarita Sosnitskaïa est plus que jamais nécessaire. Un contraste bienvenu, après le dadaïsme de la précédente publication et les actualités déprimantes.

(poèmes de Margarita Sosnitskaïa, traduits du russe par T. Marignac)

                            Mon Dieu s’abat la nuit sur moi en averse

Comme le Dieu des Dieux le splendide Danaé

Dans son étreinte d’or et de tendresse

Un destin différent m’est préparé.

C’est ainsi que je dors seule tranquillement,

De la pluie je n’accueille point les concurrents —

Mon amour est immense et puissant :

Le destin qu’on me prépare est différent.

1979

Мой бог мне ночью выпадет дождём,

Как бог богов красавице Данае.

В его объятье нежно-золотом

Судьба мне уготована другая.

Поэтому спокойно сплю одна,

Соперников дождя не принимаю –

Моя любовь безмерна и сильна:

Судьба мне уготована иная.

 

  1979

 

***

J’étais une déesse. Pour quelle raison, pour quoi faire

Suis-je descendue dans le monde de la matière ?

Et semblable à tous, je me prétends

Je trime et me languis parmi les gens ?

 

Temple de moi-même, demi-déesse,

Je parle comme vos prières vous récitez,

À jamais mes paroles vous seront confirmées,

Par les pythies, philosophes et prophétesses.

 

Demi-déesse. Pour les génuflexions, l’encens

Que de l’ozone et l’oxygène mon besoin est plus ardent.

Quand donc m’élèvera-t-il un temple transcendant

De joie ce peuple clairvoyant ?

 

Demi-déesse, tant que je suis vivante,

Je me baigne, pour les toiles de Titien de désir brûlante,

Mais l’heure viendra d’au ciel s’enfuir,

Et déesse redevenir.

26-09-1990

***

 

Была богинею. Зачем, за что, зачем

Я в этот мир материи спустилась?

И лгу, что я такая же, как все,

Томлюсь и маюсь меж людьми я?

 

Полубогиня и сама свой храм,

Я говорю, как вы читаете молитвы,

Мои слова ввека твердили вам

Философы, пророки и пииты.

 

Полубогиня. Поклоненья, фимиам

Нужнее мне озона, кислорода.

Когда ж воздвигнется мне храм

От радостно прозревшего народа?

 

Полубогиня я, пока живу

Купаюсь, жажду кисти Тициана,

Но час придет и в небеса уйду,

Богиней снова стану.

                 

26 .09. 1990

 


 

***

Il y eut des jours où j’ai écrit

La journée des récits, des poèmes la nuit,

Le poids du ciel quelque chose me communiquait,

Révélant des pétales les secrets.

 

Il y eut des jours où j’entendais l’inaudible

Lorsqu’illuminait mon regard l’invisible,

Et j’accueillais tout comme une affaire intime :

De la poussière d’étoiles, à d’octobre les pantomimes.

 

Il y eut des jours où en dauphin j’étais emportée

Par de chaudes et aveuglantes mers

Et je naissais en Athéna la guerrière

Ou bien c’était elle qui accouchait ma pensée.

 

Il y eut des jours où avec les divinités,

J’en étais au tutoiement et c’était spontané

Au bal des hauteurs, au nombre des invitées,

Et un fleuve de chansons librement s’écoulait.

 

Il y eut des jours… Et je vivais.

16-10-1992

Бывали дни, когда писала

Я днём рассказы, по ночам стихи,

Мне толща неба что-то выражала,

Поведывали тайны лепестки.

 

Бывали дни, я слышала неслышное,

Невидимое озаряло взгляд,

Я принимала все, как дело мое личное:

От звездной пыли до проказы Октября.

 

Бывали дни, я уносилась на дельфинах

По теплым, ослепительным морям,

И то рождалась воином-Афиной

Иль то ее рождала мысль моя.

 

Бывали дни, когда с Богами

На «ты» непринужденно я была

В числе гостей у них, на высшем бале,

И песнь рекой привольною текла.

 

Бывали дни... И я жила.

 

16 .10. 1992