Tapi
dans les organes, un désir de noblesse qui ne passe pas. À tous les sens du
terme : ridicule, dans une époque où une mesquinerie morbide est le nec plus ultra des qualités individuelles (ah, on ne se laisse pas
faire, les dents rayent le parquet, on arrachera son avoine coûte que coûte,
ressentiment de la mule du pape) de la version concierge à la version président
de la république. Le discours public n’est pas en reste, qui pousse sans
vergogne à la guerre, ces jours-ci, en vue d’un intérêt supérieur politico-sécuritaire. Un monde renversé où la laideur la
plus crasse est portée aux nues comme une identité suprême, parce qu’elle ne se
distingue en rien de l’animalité la plus obscurantiste — notre définition d’homme (ou de femme !… et c'est plus triste encore…), selon le catéchisme
post-moderne.
Qui ne passe pas,
au sens radicalement opposé — ce donquichottisme, comme une digue dérisoire
face à une marée quotidienne d’immondices, tant privés que socio-politiques,
s’enracine entêté, malgré tous les doutes : oui, quelquefois, nous avons
résisté, par une violence fulgurante, ou bien une générosité hors-normes… et
puis il y a aussi toutes les occasions où nous avons fui, où nous avons
détourné le regard, où nous nous sommes soumis à la règle commune et
méprisable, par lâcheté ou par intérêt. Pourtant, quitte à sombrer, on s’obstine
aux banqueroutes, aux coups de boule quand ils sont nécessaires, au mépris
quand il s’impose. Par orgueil sans doute, pour une estime de soi qui rendrait
plus facile le passage outre-tombe… jusqu’à ce qu’on en sache plus — au dernier
souffle. Mais aussi pour le chant céleste des sirènes, les voix brisées des
belles au point d’orgue, la puissance du mythe libertaire dans nos vies
d’esclaves.
Ainsi,
dans cette tradition insensée, nous avons composé ces Chansons pour les Sirènes, qui vient de paraître aux éditions
Écarlate/ Dernier Terrain Vague, recueil de certains poèmes de trois Grands
Vivants, à présent des Grands Morts
selon l’expression de Jacques Rigaut : Essenine, Medvedeva, Tchoudakov.
Trois destins brûlés par les deux bouts, trois morts sans autre suite qu’une
expression condensée — être plus grands que la vie.
Leurs
vers sans merci, sans repos, en version bilingue russe-français (traduits par TM)
sont complétés par des essais de Thierry Marignac et Kira Sapguir… la vanité d’être
poète, la fierté de s’y tenir.
Et figurer, au cœur de l’immobile,
Comme un destin gâté,
Un étrange imbécile
Un orgueilleux damné…