27.9.19

Les Kleptocrates de la gauche US

©Andreï Molodkine
Les lecteurs de ce blog se souviendront de Yasha Levine membre historique du défunt magazine eXile et de ses articles sur la russophobie des médias américains grand public. Il intervient ci-dessous sur le thème du dernier scandale anti-Trump. Nous ne saurions trop recommander au lecteurs anglophones de s'abonner à sa lettre d'informations.

TRUMP, L’UKRAINE ET LES DIASPORAS UTILISÉES COMME ARME DE GUERRE
         Par Yasha Levine
         (Traduit de l’anglais par TM)
         Les gens ont oublié aujourd’hui qu’une grosse partie des « renseignements » qui ont contribué à gonfler le scandale de l’ingérence russe dans les élections de 2016 ou « RussiaGate » a été fournie et disséminée par des politiciens ukraino-américains.
         J’étais en Russie pour la sortie  de l’édition russe de Surveillance Valley, je n’ai donc pu suivre les derniers développements du scandale de l’ingérence Trump-Ukraine — celui-ci portant sur les activités louches de Hunter Biden en Ukraine — d’aussi près que je l’eus souhaité. Mais j’ai observé comment l’affaire comprise au sens large se développait depuis plusieurs années et l’un des éléments intéressants est la composante très importante qu’on peut qualifier ainsi : immigrants utilisés comme arme de guerre.
         Donald Trump a essayé de tordre le bras de l’Ukraine pour qu’elle sorte le linge sale sur Joe Biden et son fils Hunter quasiment depuis son investiture. Et il a redoublé d’efforts à mesure qu’approchaient les élections de 2020. Trump connaît bien ses angles d’attaque et voit manifestement ici l’occasion rêvée de démontrer l’hypocrisie et la corruption du Parti Démocrate. Et on dirait que ça marche. Le Parti Démocrate fonce déjà à la rescousse pour défendre Hunter Biden, et déploie tous ses efforts pour minimiser le mode de vie kleptocratique et jet-set du fils à papa. Je veux dire que le gamin s’est fait virer de la réserve de Marine Nationale pour usage de coke, juste à temps pour décrocher un boulot à 50 000$ par mois chez un oligarque ukrainien qui cherchait les bonnes grâces des officiels américains.
         Mais le scandale d’ingérence Trump-Ukraine est plus vaste que l’affaire Biden.
         Il faut revenir à l’élection de 2016 et au « RussiaGate », la croyance que Donald Trump  et ses sbires se sont alliés à Vladimir Poutine pour frauder aux élections. Pendant presque trois ans quasiment tous les médias grand public l’ont répété, comme s’il s’agissait d’une parole d’Évangile. Puis en avril dernier cette actualité en boucle a été douchée par un peu de froide réalité. Comme l’annonça un New York Times groggy dans un gros titre : « MUELLER NE TROUVE AUCUNE COLLUSION TRUMP-RUSSIE ».
         Le récit du RussiaGate avait été alimenté par beaucoup de sources très louches. Mais les gens ont oublié aujourd’hui qu’une notable proportion de ces « renseignements » avait été fournie et disséminée, par du personnel politique ukraino-américain.
         Exactement : des ukraino-américains ont travaillé avec des officiels du gouvernement ukrainien, des militants politiques et des journalistes pour compromettre Trump, nourrissant l’écosystème américain de cette désinformation. C’était particulièrement vrai des premières informations sur le hacking du Parti Démocrate et tout ce qui avait rapport à Paul Manafort le peu reluisant lobbyiste Républicain qu’on présentait comme un génie du mal au service du GRU et l’éminence grise de la quête de Poutine pour subvertir la démocratie américaine.
         Il est capital de se souvenir que les journalistes américains n’étaient que trop heureux de s’emparer des plus minuscules indices et des histoires les plus abracadabrantes pour les ré-emballer et en faire des scoops solidement fondés de sources dignes de confiance. J’ai eu un collègue dans un grand journal américain qui se plaignait de l’appétit insatiable de leurs rédac-chefs  pour toutes les histoires de collusion Trump-Russie. Ils n’en avaient jamais assez et imprimaient n’importe quoi sans poser de questions, même lorsque la nouvelle s’avérait finalement complètement fausse. Et c’est arrivé très souvent.
Blue Dream © Andreï Molodkine
         Trump et ses soutiens de droite — de Sean Hannity à Rush Limbaugh en passant par Epoch Times — se sont plaints de l’ingérence ukrainienne dans l’élection 2016 depuis le début. Pour eux, il s’agissait clairement d’une collusion entre les officiels du Parti Démocrate et un pouvoir étranger pour influencer les élections — ce dont on accusait Trump. Les réacs exagèrent peut-être certains éléments de l’affaire, mais dans l’ensemble c’est plutôt exact : des Américains ont en effet travaillé avec des officiels d’un gouvernement étranger pour tenter d’influencer les élections et un certain nombre d’Ukrainiens-Américains ont pris part à cet effort.
         Leur rôle n’a jamais été un secret. Ceux qui étaient impliqués parlaient ouvertement – Bon Dieu, ils allaient jusqu’à se vanter, même — dans la presse. Et pourquoi s’en seraient-ils privés ? En 2016, personne ne pensait que Trump remporterait les élections, alors pourquoi se cacher ?
         Mon collègue Mark Ames a été le premier à évoquer l’angle ukraino-américain dès décembre 2016 :
         —Quand on parle d’une » recherche de l’opposition », s’agit-il de celle du Democratic National Comitee dirigé par la lobbyiste ukrainienne Alexandra Chalupa ?


         Ken Vogel, journaliste de Politico qui avait contribué à propager le RussiaGate en se fondant sur des informations de contrebande sorties d’Ukraine, devait confirmer les informations de Mark un mois plus tard et parvint même à faire admettre publiquement à des gens qu’ils avaient travaillé à influencer les élections.

         Comme Mark l’avait signalé il y a trois ans, l’un des personnages centraux dans cette affaire était une lobbyiste ukrainienne américaine aux relations très haut placées nommée Alexandra Chalupa. Elle était employée par le DNC pour s’adresser aux communautés ethniques tout en servant de conduit à la désinformation d’origine ukrainienne. Elle rencontrait régulièrement des officiels ukrainiens, transmettait l’information  au DNC, travaillait à l’encouragement des comités d’enquête du Congrès, et servait en coulisses de source aux journalistes américains.
         Alexandra a une histoire familiale intéressante qui recoupe mes recherches sur la transformation de la communauté ukrainienne-américaine en arme. Elle vient d’une famille très active politiquement et se meut dans des cercles nationalistes ukrainiens — un milieu récemment parvenu au pouvoir en Ukraine après le soulèvement du Maïdan en 2014. Ses grands-parents ont fui l’Ukraine orientale avec l’armée allemande devant l’avance soviet. La fuite d’Ukrainiens de cette manière pendant la guerre — avec les Allemands — signifie presque certainement que son grand-père collaborait avec les Nazis. Et les archives historiques, selon le chercheur Moss Robeson, semblent le confirmer. Ce qui placerait sa famille au milieu de la politique Guerre Froide américaine tendant à instrumentaliser les collabos ukrainiens contre l’URSS — un programme dont j’ai brièvement parlé dans mon précédent éditorial. Ce qui donne également au rôle d’Alexandra dans le scandale d’ingérence ukrainienne une symétrie historique très claire. Mais… c’est une autre histoire, plus vaste… pour un autre article.
©Andreï Molodkine

         Ce qui m’intéresse ici c’est l’aspect géopolitique des immigrants Américains et les privilèges des diasporas : Quelqu’un comme Alexandra Chalupa peut se permettre de se vanter ouvertement de son travail pour influer sur les élections américaines sans aucune répercussion — uniquement parce que son ingérence cadre avec les intérêts des dirigeants de la politique extérieure américaine. En revanche, le système n’est pas tendre au moindre soupçon de coopération avec l’autre camp.

         Yasha Levine