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À PARAÎTRE LE 30 MAI |
À la fin de la semaine paraît mon deuxième livre de ce printemps débordé. Après l'Interprète, polar sur la guerre de l'information, aux éditions Konfident, un récent reportage in vivo en Russie. Ci-dessous mon vieux copain Daniel Mallerin en fait le compte-rendu.
Thierry Marignac, reporter en Russie
Ça commence mal, à l’ambassade de Russie, sur le verdoyant boulevard Lannes, au bas des beaux quartiers…
Par ces mots commence Vu de Russie, reportage immersif dans la Russie en guerre entrepris du 13 octobre au-23 décembre 2024 – hier, qui est aujourd’hui.
On se doute bien que, seulement mandaté par un petit éditeur littéraire, l’obtention du visa relève de l’exploit mais l’auteur a une quantité de bonnes raisons de le vouloir… Cependant, après avoir fait sauter le verrou diplomatique – merci Mata Hari – une fois sur place, l’écrivain circule librement – il est bilingue – et sillonne le pays avec pour seul viatique cette question : comment avez-vous réagi au premier jour de l’invasion russe en Ukraine ?
Cette simplicité de fer ébranle. N’est-ce pas par-là que nous devrions commencer ? Comprendre comment les Russes eux-mêmes réagissent à la guerre.
Fait remarquable, Thierry Marignac est le seul à y avoir pensé et à l’avoir réalisé, c’est dingue quand on y réfléchit mais ça l’est tout autant de constater que notre idée (officielle) du pays désigné comme l’ennemi est aussi réaliste que celle d’Hergé avec son Tintin au pays des soviets.
L’acte de résistance
Voici posé dans son dénuement l’acte de résistance de l’écrivain-reporter… à la soumission volontaire aux médias, au délire belliciste, à la foire aux opinions.
Raconter les visages que prend la guerre vue depuis l’intérieur même de la Russie change tout à la grille de lecture imposée en Europe. Vu de Russie invite à considérer la guerre dans sa complexité et donc à l’appréhender avec plus de circonspection, de réflexion et de considération pour le peuple russe dans la diversité de ses opinions.
Il faut se dépouiller de tout oripeau partisan pour adopter la neutralité idéologique de l’auteur et son objectif : recueillir – à hauteur d’épaules – autant d’informations sur les conséquences de la guerre en Russie que la temporalité du reportage le permet, autrement dit prendre à rebours les productions de la désinformation, composante capitale de la guerre d’un côté comme de l’autre. On verra que les réflexions et émotions provoquées par le déclenchement de l’opération spéciale varient beaucoup et sont parfois tout à fait opposées. On aurait pu s’en douter…
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Devant L'Association des Écrivains et Éditeurs |
Ecrivain, traducteur et reporter
La subjectivité atteste l’authenticité de l’entreprise : Thierry Marignac n’a aucune théorie à vendre, accomplit seulement le job d’un journaliste à l’indépendance absolue. Cependant, il a une connaissance hors pair du terrain notamment pour avoir pratiqué dans les années 90 à Moscou un journalisme gonzo au sein de l’insolent magazine EXile[1], il est aussi traducteur de littérature et de poésie russe, dispose de quelques antennes dans le milieu littéraire et enfin connaît bien l’Ukraine pour y avoir réalisé durant la révolution Orange un reportage totalement inattendu, Vint – le roman noir des drogues en Ukraine, pays dont il a retracé l’histoire clandestine des deux dernières décennies dans un ouvrage publié l’année passée – La guerre avant la guerre[2] – offrant une historiographie détonante et méticuleusement documentée des luttes de pouvoir en Ukraine allant à l’encontre des récits officiels produits par des armées d’experts.
La lecture de Vu de Russie produit l’effet coup de poing d’un film documentaire, sa caméra subjective c’est le style, percutant de sobriété et d’efficacité. Alors on se glisse naturellement dans la peau du narrateur, happé par l’enquête – jusqu’où conduit-elle ? – et galvanisé par sa liberté, ces moments d’une paradoxale exaltation, s’agissant de la guerre.
Fahrenheit 451 obsolète
Loin de la boutique des « écrivains-voyageurs », on a le sentiment de revenir aux mannes de Jack London, George Orwell, Ryzard Kapusinski etc. à l’écriture-vérité, à cette époque où le livre était encore un indispensable contre-pouvoir. Cache pas ta nostalgie : Fahrenheit 451 est obsolète.
La liberté qui souffle dans ce livre est d’abord celle de l’expérience vécue, le parcours du combattant-reporter depuis le verdoyant boulevard Lannes jusqu’aux lignes du front et son ciel de drones en passant par Moscou, Kronsdat, Petersbourg, Ekaterinbourg, etc. Quelque chose du Transsibérien dans la porosité du document à la poésie des détails. Les lecteurs de Thierry Marignac reconnaîtront cette mélodie en sourdine qui se glisse dans tous ses ouvrages mais s’étonneront de la retrouver associée aux qualités martiales qui sont indispensables à un reportage de guerre ; ils s’étonneront que l’écrivain, atteignant un âge respectable, ait encore toutes les forces nécessaires pour affronter dans le plus grand dénuement ses contraintes et ses risques.
Le premier jour
Commençons par le commencement : le jour même de son arrivée à Moscou, l’auteur débarque à la remise du prix « Conscience » organisé par le « Fond pour l’Enfance »[3] au « Théâtre académique russe pour la jeunesse ». La grande fête de la charité offre au reportage sa scène inaugurale, magistralement cinoche. La Russie profonde tout de suite.
Puis, sans crier gare, la guerre s’invite dans la cérémonie. Une blonde corpulente en robe rouge, nommée Natalia Listopadova, s’avance sur scène, présidente de l’association des mères de famille de Koursk, responsable de l’hébergement des familles dans les zones de repli. Elle est également mère de 15 enfants, dont 11 sont adoptés. D’un ton où perce une certaine véhémence, elle décrit les malheurs survenus avec l’attaque ukrainienne, la logistique de leur évacuation et conclue son discours par : « La victoire sur les fascistes sera à nous ».
Après Natalia Listopadova, présidente de « l’Association des femmes orthodoxes » et membre de la direction de « L’Union des femmes de Russie », un blond jeune homme est invité sur scène à son tour, beau garçon en costume sombre impeccable il boîte visiblement. On voit une tache humide sur son genou. Officier d’infanterie de marine lors du siège de Marioupol, il a détruit trois véhicules blindés et sorti sa troupe d’une situation épineuse. En couvrant un subordonné, il a été grièvement blessé et perdu une jambe. Décoré, Héros de la Russie, il s’occupe, outre de l’instruction des troupes, d’œuvres de charité auprès des enfants du Donbass. Je suis éberlué, ça pourrait être mon fils, ce blondinet qui n’a l’air de rien. J’irai lui parler plus tard au buffet, il continuera à me faire l’impression d’un gamin, souriant, spontané, la voix juvénile, d’une humilité quasi-maladive. Il n’a, dit-il, fait que son devoir.
Plus loin, l’auteur livre un premier constat : Il entre apparemment dans le projet du pouvoir l’idée de former une jeunesse martiale, inspirée par les exemples héroïques de ses aînés ayant participé à « l’Opération spéciale ». Les vétérans comme modèles pour la jeunesse.
Quelques heures plus tard…
Je rentre chez la famille qui m’héberge dans le nord-ouest de cette gigantesque mégapole qu’est Moscou. Au dîner tardif, une vive discussion s’élève entre Elena, la grand-mère, et Artiom, son petit-fils, encore un blondinet. Elle lui reproche de faire des études d’économie trop longues. Il rétorque que ça retarde l’appel, entre autres avantages. La grand-mère, auteur de contes pour enfants assez connue, déclare que défendre son pays n’est pas une honte. Le petit-fils hausse les épaules : « Je ne vais pas aller me faire trouer la peau pour des gens qui, eux, n’iront jamais sur le front ». À quelques heures d’intervalle, la fracture de la société russe.
Cependant, à la possible exception de quelques troufions pris par surprise dans la région de Koursk, sans qu’on puisse le confirmer, on n’a aucun écho de simples conscrits sur le front ukrainien. Tous les témoins me confirmeront que ne combattent sur le front ukrainien que des « Kontratnik », des engagés. Sur les panneaux lumineux, on offre des millions de roubles à la signature du contrat avec l’armée.
On comprend la méthode et les enjeux du reportage : cru, précis, rapide et fourmillant d’informations concrètes. Le mur nous séparant du réel s’écroule à l’instant même où l’on va à la rencontre intime des « ennemis ».
Nous ne sommes qu’au premier jour d’un reportage de deux mois et demi.
La flèche est tirée
Le champ s’élargit dès le lendemain : il règne à Moscou une ambiance déconcertante, celle d’une guerre lointaine, difficile à percevoir parmi les embouteillages, les magasins regorgeant de marchandises, les bars pleins d’une jeunesse qui boit et qui danse, les soirées culturelles, les enfants qui crient sur les aires de jeu, les films de l’ennemi américain à l’affiche au grand cinéma de l’Arbat… mais qui est sur toutes les lèvres, dès qu’on creuse un peu. Et ça ne tient pas uniquement aux panneaux lumineux du recrutement militaire promettant des millions de roubles aux engagés. Le paradoxe est dans toutes les têtes : nous dansons sur un volcan. Un tranchant invisible de paranoïa.
La flèche est tirée : aller au plus près de la guerre et essayer d’atteindre sa réalité, ses raisons et déraisons.
Toute la suite, jusqu’à la dernière page, obéit au même ressort : scrupuleusement documentaire, extraordinairement dense. On est surpris d’apprendre quelque chose à chaque paragraphe – bousculé par la diversité des rencontres, situations et informations et comme dans l’attente d’une résolution que l’on devine introuvable autrement que dans le feu des amitiés. Enquête et chronique personnelle se mêlent intimement dans une combinaison minutieusement calibrée, un détonnant mélange de retenue et de liberté.
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Chez Limonov, au début du siècle, Moscou. |
La saga Edward Limonov & Thierry Marignac
Vue de Russie a une particularité qu’il est utile d’avoir en tête dans sa lecture : c’est le dernier épisode d’une saga de plus de 40 ans dans le sillage d’Edward Limonov et elle a son rôle dans le reportage, au-delà de son indestructible corde sentimentale. Thierry Marignac jouit en effet d’un grand prestige auprès des lecteurs de Limonov en raison de cette amitié légendaire. Il est pour son enquête un sésame aussi désarmant qu’efficace, à commencer par l’étroite implication de son secrétaire particulier, Danil Doubchine, qui a signé la préface comme pour y apposer le sceau de la légende.
Le jour du déclenchement de « l’opération spéciale »
Advient le moment où le dessein du livre se réalise avec les premières rencontres de personnalités remarquables dont la vie a été renversée par la guerre. Jugeant l’ambition de Thierry Marignac à la hauteur de la situation, elles acceptent de raconter leur 24 février, date du déclenchement de « l’opération spéciale », les émotions et réflexions qu’il a soulevées.
Ne dérogeant pas à son inconditionnelle neutralité, l’écrivain dans sa peau de journaliste a veillé à recueillir des témoignages provenant de « catégories d’opinion » différentes, un cadre qui vole d‘ailleurs en éclat à chaque entretien parce que la réponse est forcément personnelle. Il y a ceux qui ont fui le territoire national, ceux qui sont traumatisés pour avoir hésité trop longtemps à le faire, ceux qui sont revenus d’exil, ceux qui sont actifs dans les réseaux d’entraide aux combattants russophones du Donbass et enfin ceux qui sont au cœur du cyclone : les chroniqueurs de guerre, les meilleurs experts des fausses informations produites d’un côté comme de l’autre.
Guerre fratricide et ferveur patriotique
Les profils et les histoires sont inattendus, les réponses forcément incandescentes. On est loin du micro-trottoir. Le récit, jusque-là passionnant, devient bouleversant. Laissant place à ces expressions inflammables, le chroniqueur remarque : c’est une guerre fratricide, voire civile, tous mes interlocuteurs me le confirmeront. C’est l’opinion des Russes en tout cas, je n’entends pas ça du côté ukrainien qui cherche une rupture radicale, identitaire, avec le passé.
…. Les forces à l’œuvre dans la conception du massacre ont chauffé à blanc les antagonismes séculaires et les ont enracinés dans le cœur du peuple, d’un côté comme de l’autre. Si les Ukrainiens sont souvent plus violents dans leur rejet des Russes, tandis que ceux-ci sont plus mélancoliques, la détermination est la même.
Ce qui frappe énormément dans les témoignages, c’est la ferveur patriotique qu’on s’évertue ici de caricaturer. Elle qui a poussé quelques-uns à s’organiser par eux-mêmes pour apporter un soutien matériel aux combattants du Donbass – « parce qu’on ne pouvait rester sans rien faire », tel est leur leitmotiv… Thierry Marignac ne cessera de l’entendre tout au long de son reportage.
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Kronstadt, avec Daniel Orlov. |
Un double d’Hemingway
C’est le cas de Daniel Orlov, un écrivain ami de Thierry Marignac, autrefois géologue en Sibérie – une ressemblance déconcertante avec Ernest Hemingway. Orlov fournit de « l’aide humanitaire » au Donbass, embarquant dans sa bagnole des uniformes, des « moyens de lutte anti-électroniques », des piques de bambou utilisées par les démineurs, des gilets pare-balles… Et Dieu sait quoi encore… Pour ce faire, il a fondé avec d’autres écrivains l’Union du 24 février qui lui vaut de figurer sur la liste Mirotvoretz[4] après Daria Douguine et Zakhar Prilepine… Il racontera comment, revenant du Donbass, il s’était fait pourchasser une fois par un drone auquel il n’avait pu échapper qu’en écrasant la pédale à 140 km/h dans un virage. Aujourd’hui, ces engins atteignent 200 kms/h.
Kronstadt
Dans une dérive de St Pétersbourg à Kronstadt – île fortifiée et théâtre d’une violente révolte des marins et soldats contre les Communistes en 1921, réprimée dans le sang par un certain Trotski, alors chef de l’Armée Rouge – où il possède une maison et un canot pour la pêche, Orlov abreuve son comparse de récits sur les combattants des républiques séparatistes (les « milices populaires ») qui dans leur pathétique dénuement continuent, malgré la proximité de l’ennemi, les bombes et les drones qui pleuvent sur Donetsk, à fréquenter les bars, à célébrer les fêtes, qui se sont habitués à la guerre et refusent de s’empêcher de vivre. Cette atmosphère particulière est un attrait supplémentaire, la récompense de braver les dangers.
Le souvenir d’un chapitre de Mongolie, un livre d’Edward Limonov non traduit, consacré à Kronstadt se superpose à la dérive des deux écrivains dans ses rues noires puis en canot sur la Baltique glacée :
Les vents de Kronstadt sont chargés d’odeurs de brique cassée, de crêpis, de fumées d’anciens incendies. C’est ainsi que Kronstadt s’est blotti dans mon cœur, d’une poignée de grumeaux glacés.
La liberté des opinions
Le récit de cette dérive, avec ses digressions, la remontée de souvenirs personnels et sa quantité d’informations sur la guerre et les réactions qu’elle suscite dans le pays, oriente le reportage vers des registres d’émotion sans cesse différents. Au-delà de ses aspects documentaires, c’est son inclination à l’empathie, sinon à l’amitié, qui emporte la lecture comme si l’attraction que suscite la Russie pour l’auteur était avant tout sentimentale, comme s’il y trouvait des « valeurs » devenues introuvables en Occident. Par exemple un sens de l’hospitalité allant de pair avec une liberté d’esprit extensible
Daniel Orlov en est la vigoureuse illustration. Cependant aucun des patriotes fervents interrogés par Thierry Marignac n’entretient un lien de dépendance quelconque avec le régime. Avec Orlov, il découvre « l’anticommunisme de gauche », une forme de populisme antibolchévique qui emprunte tant au « communisme primitif » décrit par Marx, avec les obchina des bourgades russes moyenâgeuses, qu’à Makhno et son anarchisme paysan.
Un punk patriote
Son ami Polonski, co-fondateur de L’union du 24 février et compagnon de ses expéditions au Donbass, est une autre figure étonnante. Colosse de haute taille aux tempes rasées arborant une bande de cheveux jaunes sur le haut du crâne… cible immanquable pour un tireur d’élite… il est poète, écrivain et musicien de rock. 35 ans plus tôt, dans sa jeunesse punk, Polonski avait été arrêté pour distribution de tract antisoviétique.
… je lui fais comprendre que son profil de punk m’étonne dans un milieu patriotique. Une fois de plus, j’entends : « Je ne pouvais pas rester sans rien faire ». Pourtant Polonski ne soutient pas le régime en place dans son pays, la question n’est pas là. Puis : « ma patrie est en guerre, on s’en prend aux russophones de l’Est ukrainien ».
Au Donbass, dit-il, on trouve des tas de punks et hippies — il s’agit de la version russe de ces mouvements, grandie sous les soviets, par conséquent beaucoup plus agressive — parce que la guerre permet d’y vivre en dehors des normes. C’est également un refuge pour certains délinquants ou criminels en fuite. La guerre, continue Polonski, produit cette ambiance spéciale de fraternité immédiate, où le participant est accueilli spontanément : « Tu n’es pas un étranger ».
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Lénine et l'auteur |
Décidément Edward Limonov
A Pétersbourg, un autre personnage hors normes : Dimitri Selezniov, ex chauffeur d’Edward Limonov que Marignac connaît à travers son dernier livre en prose, Le vieux voyage, où il apparaît de nombreuses fois. Selezniov bosse maintenant pour la chaîne WarGonzo. Pour faire sa connaissance, Thierry Marignac l’interroge sur sa réaction le 24 février et obtient cette réponse : « L’incrédulité, je pensais que le régime ne s’y résoudrait jamais ». Dans une série d’articles incendiaires[5] publiés en 2014, Limonov avait appelé le gouvernement russe à intervenir dans le Donbass, à Lougansk et à foncer jusqu’à Kiev… En huit ans l’OTAN avait eu le temps d’entraîner et réarmer l’armée ukrainienne. Ayant rempli plusieurs missions sur les lignes du front en 2022-2023, Selezniov est pénétré par la guerre et son histoire depuis 2014 et en livre une chronologie politique brève et dense que l’on a tenue ici en ignorance pour justifier nos récits les plus simplistes, les plus partisans.
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Lobanov, peintre, inventeur de l'art brut. |
La guerre populaire
Plus le reporter réunit de témoignages et plus les informations sur le peuple et la société russe laissent découvrir dans sa profondeur historique la complexité de la situation que l’on s’applique du côté de « chez nous » à ne pas voir, à ne pas penser.
Il semble se confirmer définitivement qu’en Russie, comme je l’avais vu en Ukraine dans des circonstances symétriques neuf ans plus tôt, la guerre est soutenue, en dehors du régime, voire contre lui, par un véritable sentiment populaire.
D’immenses zig-zags
D’immenses zig-zags d’une ville à une autre – territoires aussi mondialisés que les nôtres –, à chacune ses rencontres cruciales à travers lesquelles le reporter reconstitue par cercles concentriques des pans entiers des trois années de guerre si bien que l’on se voit replonger avec un angle de vue inversé dans des épisodes passés– Marioupol par exemple – qui n’ont pas encore trouvé leur fin, si bien que le reportage immersif débouche sur une lecture immersive de la guerre. Le reporter ne cesse de se rapprocher de sa source fratricide.
Un professionnel de la guerre d’information
La guerre assure sa permanence dans une zone frontalière, à Belgorod où réside Guennadi Alekhine, un correspondant de guerre que le reporter a rencontré quelques années plus tôt et qu’il a déjà consulté à Moscou au début du reportage. Outre ses prestations sur plusieurs chaînes de télévision d’État, Guennadi Alekhine dispose de sa propre chaîne « Le Monde de Belgorod » où ses analyses très pointues sur la guerre dans la région sont diffusées. Mais comme il s’agit d’une guerre entre voisins où tout le monde se connaît, il a appris par ses sources souterraines que les habitants de Kharkov sous férule ukrainienne regardent ses émissions jusque dans le métro… Lui-même y est né et a grandi dans le même quartier où Edward Limonov avait lui-même grandi à seize ans d’écart, l’un sous Staline, l’autre sous Brejnev. Limonov, qui sera son mentor dans l’écriture de ses propres livres de correspondant de guerre….
Guennadi Alekhine a traversé quatre guerres au cours des années 1990 et 2000 au service de presse de l’armée russe ; devenant un professionnel consommé de la guerre de l’information, dont il parle avec éloquence et précision. Il a été un des premiers à se confronter dans le Caucase à ses techniques contemporaines. Une guerre classique que les médias modernes ultra-rapides ont profondément transformé en exigeant une refonte de ses principes stratégiques. Lorsque les canons parlent, les muses se taisent. C’est ce qu’on pensait dans l’Ancien Temps. Aujourd’hui, les muses des médias couvrent le grondement des canons et les remplacent souvent avec succès. La guerre de l’information est devenue un des moyens fondamentaux de conduire les conflits armés, conclut Guennadi qui entend cependant ne parler que de ce qu’il connaît parfaitement :
« Le monde de Belgorod ».
Le monde de Belgorod se situe dans le no man’s land créé par les troupes ukrainiennes que l’armée russe peine à contrôler, où la population est menacée. De fait une zone de guerre, comme plusieurs autres secteurs frontaliers, Koursk entre autres, depuis le début du conflit. Ce monde sous la menace permanente des bombardements, où il faut courir vers le refuge le plus proche – ils essaiment la ville – dès que retentissent les alarmes. Ce monde que découvre et observe Thierry Marignac dans les pas d’un chroniqueur de guerre, à commencer par une visite de courtoisie à L’Union des écrivains dont la présidente est la poétesse Véra Kobzar – friande de mes anecdotes sur la vie parisienne de Limonov et Medvedeva racontées à l’instigation de Guennadi qui n’en a jamais assez. L’un des poèmes de Véra me frappe par une ambigüité très singulière dans le contexte de Belgorod :
Cartouche en réserve
Je ne suis pas en chargeur, mon tir est lent, / Dans une boîte pour l’instant je suis cachée, / La fusillade des disputes déjà va se calmer, / Le soleil plonge vite vers le couchant
.Je ne suis pas en réserve, mais à l’avant-garde sur le flanc / Le tireur se hâte, mon prix connaissant : / Je suis en réserve, peut-être la dernière ! / C’est ainsi que mon chant n’est pas encore chanté, retardataire.
Cette première « balade » dans Belgorod se conclue à la bibliothèque pour la jeunesse et l’enfance A. Likhanov… parce que son fondateur est un auteur que j’ai traduit. Son directeur, Maxime Bessonov, vient de recevoir pour sa poésie le prix national de littérature « Parole » à Moscou et n’en revient pas lui-même.
Plus tard, en lisant ses vers très adroits, je comprendrai que ce prix a peut-être une fonction « politique » propagandiste — primer un provincial qui vit près de la guerre, pour qui elle a une réalité immédiate :
Au son des sirènes
Tu dis « Dieu », mais ça sonne comme « aux abris ». / Mais la marmaille shoote dans la balle / Pendant qu’au-dessus de ton crâne à cet instant précis / La mort vole, et qu’importe comment tu te planques brutal.
De l’hirondelle — d’où qu’elle ait surgie — / Le ciel transmet l’esprit rapidement. / Sous la fenêtre, le concierge se tait pour sa vie / Regardant au-dessus de lui le plumage volant.
L’inattendu bouleversement. L’exaltation n’est pas l’apanage du reporter, le lecteur trouve la sienne mêlée de stupéfaction : l’entrechoc de ces mots et le gisement poétique du Monde de Belgorod où, les jours d’après, le reporter pique des sprints en zigzags dans les rues (suivant les conseils de la télévision) et poursuit ses entretiens, de plus en plus intenses et inattendus. De nouveaux personnages hors-normes, un ancien du GRU (les renseignements militaires russes) tourné journaliste gonzo depuis le déclenchement de l’Opération spéciale – il a écrit un livre sur son expérience intitulé « Contrat avec la mort » – et un ancien taulard, bouclé pendant seize ans en colonie pénitentiaire, dans la redoutable « Zona », aujourd’hui fervent patriote engagé dans des missions techniques en zone frontalière. Lui aussi est originaire de Kharkov, comme Limonov, comme Guennadi et le noyau dur de ses copains.
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Guennadi Alekhine, colonel en réserve du service de presse de l'armée russe. |
Kharkov de l’autre côté
Kharkov est leur obsession sentimentale et militaire. Ce "chez eux" dont ils sont dépossédés contracte le drame fratricide depuis le 24 février 2022. Ces vétérans apportent à leur tour des compléments d’informations précis à la genèse russe qu’en a établi par petites touches le reporter, jusqu’à boucler la boucle, revenir au commencement de la guerre. A Belgorod, le lecteur pressent qu’il est en train d’atteindre un bout. Pas seulement du livre et des deux mois et demi de reportage, quelque chose comme le bout du monde ou le bout du mal. Il est vrai qu’à Belgorod la réalité défie la fiction par son inachèvement. Un haut voltage de tension peut y suppléer. Le reporter sera servi : le voilà roulant vers la guerre dans un 4X4, accompagné par Guennadi, les deux durs à cuire et un chauffeur mutique. C’est une forme d’initiation pour le reporter – tu l’auras voulu ! – à laquelle Guennadi a cédé à contrecœur mais les deux autres ont insisté pour répondre aux attentes qu’ils ont pressenti chez l’ami parisien d’Edward Limonov, celui dont le souvenir splendide soude l’équipe.
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Heavy lifting |
Les zones grises
Le 4X4 fonce à travers la steppe. On appelle ce no man’s land près de la frontière « Les zones grises ». Les troupes ukrainiennes y vont et viennent constamment, posant des mines, tâtant les défenses russes. C’est ainsi que les Ukrainiens ont repéré une faiblesse dans la région de Koursk et ont foncé.
Au troisième barrage routier, on distingue les drones au loin, un nuage noir et les soldats commencent à tirer dessus à la mitrailleuse, ça fait un foin d’enfer. Ils nous hurlent de faire demi-tour. On s’exécute à toute allure. En arrivant en ville, Guennadi a l’air soulagé et les deux poids lourds arborent des sourires un peu plus larges.
Adieu Dino Buzatti
Une pointe d’ironie pour conclure la mission cul de sac. Le reporter s’est crashé contre le mur invisible des « zones grises entre Belgorod et Kharkov, le mur de l’impasse fratricide sous un ciel de drones, ces nuées de volatiles pleins de menace que désignent les poètes. Il y a quelque chose de Dino Buzzati dans la séquence Belgorod mais Thierry Marignac ne cède pas pour autant à la tentation de l’extrapolation littéraire. Non, il n’a pas encore atteint le bout du reportage, le tableau de la guerre vue de Russie n’est pas encore tout à fait complet bien que le reporter jusqu’au-boutiste se soit efforcé, ça crève les yeux, de rebattre les cartes sur tous les aspects de la guerre qui sont habituellement rapportés par nos médias : les drones, les mines, les enfants ukrainiens enlevés, la participation des coréens, le tabou du nombre de morts, etc. etc. Le voilà prêt à mesurer sa maîtrise du sujet auprès de véritables experts.
Devant la statue de Gagarine, Moscou, juin 2012. |
« La galaxie des pro-russes ».
Les rencontres avec Xavier Moreau et son ami Fabrice Sorlin se dérouleront au cours des « épilogues moscovites » de Vu de la russie. J’en compte, comme dans une charade, trois très différents et vois dans cette pluralité le symbole extrêmement fort que dépose à notre portée le cours de l’histoire, à commencer par celle du livre lui-même.
Xavier Moreau, ancien officier-parachutiste dans l’armée française, vivant à Moscou depuis une vingtaine d’années, spécialiste militaire, fait partie de la petite colonie d’expats français vivant à Moscou, ce qu’un article récent dans un quotidien du matin parisien appelait avec une certaine condescendance soupçonneuse « La galaxie des pro-russes ». Fabrice Sorlin, un de ses meilleurs amis, préside « Le mouvement international russophile » reconnu de peu de temps d’utilité publique par le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov. Il existe depuis 2023 et s’enorgueillit de représentants dans 40 pays du monde, essentiellement en Afrique.
Comment est-ce qu’un vieux punk ancien toxico comme votre serviteur peut-il communiquer sans embrouille avec ces deux catholiques pères de familles nombreuses, citoyens russes d’origine française… « Une fleur du temps » disait feu une de mes amies… Ou bien un retournement de l’Histoire ?
Peu importe, je parle à tout le monde, c’est un des secrets de l’objectivité si décriée de nos jours pour des raisons suspectes, où les journalistes ne sont plus que des exprimeurs d’opinion, voire des tâcherons recopiant les dépêches AFP.
Qui oserait prétendre que les observations et opinions de ces deux russophiles poutinistes ne sont pas indispensables à la compréhension de la guerre ? Au contraire, ce sont eux, avec leur brassée d’informations particulière, qui donnent au reporter le sentiment d’avoir été au bout de sa quête d’objectivité. Maintenant, il pourrait tenir la dragée haute à l’armée d’experts qui défilent sur les plateaux radio & télé depuis le début de ces années de guerre si toutefois ce monde-là se décidait à ne plus se défausser de ses responsabilités… théoriques. Mais quelle presse ? Quel journaliste serait aujourd’hui capable de reconnaître l’utilité d’un George Orwell ?
C’est moins banal qu’il n’y paraît.
Le deuxième épilogue est une rencontre dans une librairie organisée par Danil Doubschine qui a battu le rappel sur les réseaux sociaux. Si l’on compte quelques têtes grises, l’essentiel de ce petit public est assez jeune, présentant toutes les variations d’un habillement post-punk.
… c’est surtout la curiosité qui attire ces visiteurs. Le pays est de fait coupé de l’Europe et les auteurs français ne s’y précipitent pas en masse. Comme cet isolement dû à la guerre fait suite à l’isolement COVID, il y a fort longtemps qu’on n’a pas vu un romancier venu de l’autre côté du nouveau rideau de fer, de surcroît quelqu’un qui entretient des liens anciens avec la Russie. Je suis, à l’époque du blocus, une présence incongrue.
La qualité des échanges a sa part de bouleversement en démontrant la culture surprenante dont font preuve les Russes au sujet de la France. C’est moins banal qu’il n’y paraît. Je discerne chez les jeunes et moins jeunes, outre l’intérêt pour un passé enfui, la véritable fascination qu’exerce en Russie le mythe de la Ville Lumière et de sa bohème… Mais, arrivé à ce stade, au bout de la multitude des épisodes de Vu de la Russie, il est impossible que le lecteur trouve banale cette sensibilité. Il s’est mis dans la peau du narrateur comme il le ferait pour le personnage principal d’un roman d’investigation, ou encore comme le réalisateur d’un film documentaire. Chaque détail du reportage de guerre compte.
Dans l’appart’ d’un vieux punk
Le troisième épilogue, extraordinaire, se déroule, dans l’appart’ d’un vieux punk, dont le sol et le plafond sont noirs, les murs couverts d’affiches de rock souvent déchirées, les objets de première nécessité entassés en désordre dans les recoins de deux pièces de dimensions moyennes. Un capharnaüm d’anthologie. En comparaison, lors de mes quelques visites, à la fin des années 1970, la poussiéreuse cambuse d’Alain Pacadis, critique de punk rock toxicomane, était un rêve étincelant, digne du salon des arts ménagers. Je n’ai pas fait le ménage depuis quarante ans, déclare tout de go Sergueï, le maître des lieux, parce que ça ne me ressemble pas. C’est un petit homme très costaud, deux crêtes méphistophéliques dressées sur la tête de chaque côté d’une chevelure rase de couleur claire mais indécise comme celle de ses yeux gris-blond, dont l’extrême amabilité immédiate et le débit forcené trahissent sans doute de profondes blessures. Il porte un anneau dans chaque oreille – toujours cet art brillant du portrait et du récit chez Marignac
Le rendez-vous, le dernier d’une innombrable série, a lieu la veille de son départ. Il s’agit de tourner une séquence d’un film documentaire sur Boris Ryjii, un poète d’Ekaterimbourg qui s’est suicidé à l’âge de 27 ans en 2001 et dont Thierry traduit régulièrement les poèmes sur son blog depuis des années. Il a fait connaissance il y a une semaine de son réalisateur, Daniil Romanov, à l’origine metteur en scène de Théâtre, qui a découvert Ryjii en réalisant la scénographie d’une exposition lui rendant hommage. Le reporter lui avait alors posé sa fameuse question sur le 24 février 2022.
L’abime, l’exil et le retour
Pour la troisième ou quatrième fois, toujours chez des intellectuels ou des artistes, j’entends que la réaction a été un état de choc prolongé, une incompréhension brutale, un accablement total. Chez Romanov, l’état de choc s’est manifesté par une crise d’ivrognerie sans mesure et l’exil en Kirghizie. Une sensation de catastrophe et une certaine crainte de la mobilisation.
Il évoque ces nuits dans la capitale de Kirghizie, Bichkek, entre deux verres dans les « cabarets », au sein d’une colonie d’exilés russes dans le même état que lui — à ressasser l’accablement et les craintes parmi des paumés comme lui — comme un abîme, un puits sans fond. Le désœuvrement radical de cette voie sans issue finit par l’exaspérer jusqu’à ce que dans un sursaut désespéré, il cesse de boire et devienne chauffeur de taxi, comme un prince russe à Paris dans les années 1920.
L’histoire d’un exil inouï comme en a pu le produire le 24 février parmi les artistes : Romanov excelle dans ce nouveau métier, rencontre sa future femme, une ravissante Tatare, et se marie aussitôt. Puis un de ses copains de Moscou — qu’il définit comme « patriote mais pas cinglé », lui écrit, l’admonestant : « Qu’est-ce que tu fous à végéter à Bichkek, tu ne vas pas conduire un bahut toute ta vie, reviens et exerce ton vrai métier. Tes parents sont ici. ». Pour Romanov, apparemment, ce message est un électrochoc et il rentre en Russie.
Romanov a maintenant des amis dans les deux camps qui ne sont pas des extrémistes et conservent une forme de modération ou peut-être d’humanité d’un côté comme de l’autre. Mais des gens se massacrent, et ça… Le bouleversement perdure : c’est quand même mon pays …
L’écrivain français, le vieux punk et le réalisateur de documentaires
Le tournage a lieu dans une pièce dont le vieux punk se sert comme salon de coiffure – il gagne sa vie comme ça. Le plus intrigant pour Romanov est évidemment la façon dont j’ai pu m’amouracher de cette poésie de l’Oural. … je parle surtout de l’équilibre inédit chez Ryjii entre classicisme et innovation, son singulier génie.
Jaillissent alors sur la page les vers énigmatiques d’un poème traitant de l’éloquence du silence (une des innombrables surprises exotiques de ce livre). Je ne connais pas de poète contemporain, dis-je à Romanov, qui soit capable d’une telle pertinence, d’une telle ellipse.
Mais évidemment, la guerre s’est invitée. Ryjii aurait-il été Navalnyste, opposé à l’opération spéciale en Ukraine ? se demande Romanov.
La soirée s’étire jusqu’à deux heures du matin– une amitié éclot entre ces personnages étranges, l’écrivain français, un vieux punk, un réalisateur de film documentaire, sa femme Tatare et le poète Boris Ryji. On n’oubliera pas Edward Limonov, toujours au rendez-vous des rencontres les plus amicales, sur lequel on interroge toujours avec passion l’écrivain français, qui dispose d’un stock pléthorique d’histoires à raconter, ses dérives psychogéographiques sans frontières avec Limonov, son propre mariage à Paris avec sa compagne d’alors, la chanteuse Natacha Medveva. Tous les deux sont de véritables gloires en Russie.
La soirée peut paraître lunaire dans le contexte du reportage de guerre mais puisqu’elle est le très concret épilogue de l’aventure on en comprend immédiatement le symbole dans la succession des entretiens et témoignages qui marquent ce livre.
Le symbole de quoi ? La charade a bien sûr son « mon tout » : 3 ou 4 lignes de conclusion stupéfiantes par la beauté du style et la singularité de la réflexion. On n’a qu’une envie : lire une deuxième fois ce que l’on a lu trop vite, revenir sur le fourmillement de détails renversants, le ciselage des informations. Au bout, le dessillement offert par un acte poétique et politique.
Si Vu de Russie était publié en poche dans toute l’Europe, Thierry Marignac aurait alors fait considérablement évoluer les consciences. Il ne fait aucun doute que, tôt ou tard, on réalisera que ce Vu de la Russie est un très grand livre. Personnellement, je suis certain de n’avoir lu aucun contemporain aussi bouleversant et utile que celui-là. Parce que « le retour de la guerre en Europe » c’est maintenant.
Daniel Mallerin, mai 2025.
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Polar sur la guerre de l'information, mars 2025. |
[1] The '90s in Moscow were a great time like what they say about the 20s in Paris or the early 30s in Berlin. It was completely hedonistic and nihilistic and full of crime... declare Mark Ames, son rédacteur-en-chef.
[2] Editions Konfident
[3] Dirigé par Dimitri, fils d’Albert, un de ses grand prêtre mais aussi écrivain et poète dont Thierry Marignac a traduit Naître personne, l’histoire d’un enfant perdu recruté à la sortie de l’orphelinat par un bandit dans les « sauvages années 1990 ».
[4] Site web publiant une liste «des ennemis de l'Ukraine » agrémentée d’informations personnelles sur les cibles potentielles.
[5] Cf. Kiev Kapout, La manufacture de livres.