Les fans d'Anitifixion connaissent déjà Peter Korotaev, blogueur d'élite ukraino-australien. Voici comment cet homme qui connaît bien le terrain décrypte la crise récente qui a ébranlé l'Ukraine.
( traduit de l'anglais par Thierry Marignac)
Tout n’est pas perdu — mais pas mal quand même. Opération
Figure de Proue contre Zelenski. Crise parlementaire ? Kolomoïski en train
comploter ? Déchiffrer les disques durs encodés.
Penchons-nous sur le drame entre Zelenski et l’opposition
libérale-nationaliste. Une journée seulement après avoir tenté de soumettre les
organes anti-corruption créés par l’Occident avec sa loi 12414 du 22 juillet,
Zelenski a flanché — le 23 il a annoncé une nouvelle loi pour inverser la première.
Celle-ci doit être votée la semaine prochaine.
Une coalition libérale-nationaliste s’est formée contre
Zelenski. Elle comprend l’ex-président Piotr Porochenko, menacé de prison par
Zelenski pour la supposée réception de 10 valises de billets de banque venues
de Moscou.
Selon Alexandre Dubinski, un parlementaire du parti de
Zelenski emprisonné (Il tient un blog YT depuis sa prison, ndt), d’après
la rumeur, Porochenko sera officiellement accusé de trahison le 31 juillet. C’est
censé être le jour où le parlement votera la nouvelle loi inversant la loi
12414 et restaurer l’indépendance des NABU/SAPO. Dubinski écrit que Zelenski et
sa coterie croient que l’implication de Porochenko dans la campagne Russiagate
contre Trump lui assurera le silence de Washington.
Les manifestations contre 12414 ont été marquées par la
présence d’un certain nombre de politiciens du parti de Porochenko, d’influenceurs
qui lui sont associés (tels que le meurtrier Serhiy Sternenko) et des membres
des organisations de jeunesse de Porochenko.
Par ailleurs, l’ex-président Porochenko est allié aux ONG,
aux organes anti-corruption financés (autrefois) par l’USAID, Tomas Fiala et
Alexandre Soros (présentement toujours actifs). J’ai raconté en détail les
menacesde Zelenski de sanctionner Fiala et ses pressions contre divers membres
de cette communauté qu’on appeler soit « des guerriers anti-corruption »
ou des « Sorosites » suivant ses convictions.
La robuste société civile ukrainienne (selon la formule
copiée-collée de la presse occidentale) s’est montrée très active dans l’opposition
aux dernières bouffonneries de Zelenski.
Des combattants anti-corruption de premier plan, comme la
dirigeante du Centre pour la Prévention de la Corruption, Daria Kaleniuk ont
averti que l’intégration de l’Ukraine à l’UE était menacée pour l’attaque
contre les organes anti-corruption. Elle a même prétendu que le statut de candidat
à l’UE de l’Ukraine avait été obtenu justement grâce aux avancées réalisées
dans la sphère des structures anti—corruption. Ben voyons.
Pendant ce temps, le dirigeant de la Fondation
Internationale Renaissance (Filiale locale de la Fondation Open Society) Oleksandr
Shushko s’inquiétait que la loi 12414 ne soit un signe que Kiev n’adopte « le
scénario géorgien » Il prétend qu’il n’y a pas que l’intégration à l’UE
qui soit en jeu.
J’ai écrit au sujet de cet épouvantable scénario géorgien.
En bref, il comprend la détente avec la Russie, l’affaiblissement des
néo-libéraux ethnonationalistes et la paix. Une perspective terrifiante pour
les guerriers anti-corruption financés par l’étranger.
Mais, à long terme, Zelenski a commis une lourde erreur en
montrant une telle indécision et une telle faiblesse pendant toute cette
affaire. Il n’a pas seulement mis ses opposants libéraux-nationalistes en
colère, mais l’inversion de la loi 12414 est considérée comme une trahison par
ses partisans.
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Porochenko |
La publication ukrainienne strana .ua a appelé cette histoire : « La pire
défaite politico-stratégique de Zelenski depuis son accession à la présidence ».
Ils rappellent que c’est lorsque Ianoukovitch a accédé aux exigences des
manifestants en 2013-14 qu’ils se sont enhardis. Ce qui n’était au départ qu’une
manifestation en faveur de l’adhésion à l’Europe est devenue une manifestation
pour renverser Ianoukovitch et prendre le pouvoir.
Zelenski a toujours été terrifié par les manifestations de rue — c’est en
réaction à de relativement petites manifestations des nationalistes en 2019-2020
« contre la capitulation » que Zelenski a cédé à leurs exigences et abandonné
la plate-forme de paix pour laquelle 70% du pays avait voté.
Je suppose que c’est le show-business — un désir désespéré
de l’attention du public — ceux qui huent, pas les autres.
Cependant, à court terme, il semble hautement improbable que
Zelenski soit chassé du pouvoir. Bien qu’une série de sénateurs américains aient
critiqué Zelenski, la Maison-Blanche, le Département d’État et l’ambassadeur
américain ont gardé le silence. Ce qui a toujours été clairement le pari de
Zelenski — il sait que Trump déteste le NABU pour son rôle dans le déclenchement
du « Russiagate » de Manafort en 2016.
Seuls les faucons s’expriment — Lindsay Graham, par exemple.
Où la fille de l’antirusse Keith Kellog, quoique Kellog lui-même n’ait rien
dit.
Opération Figure de Proue
Pour comprendre ce qui se passe, nous
devons retourner à une citation célèbre du président.
Dans une conférence de presse fameuse de décembre 2023,
Zelenski a déclaré aux journalistes qu’il dépendait de « 5-6 gestionnaires
efficaces ». Quand on lui a demandé s’ils étaient tous innocents de toute
corruption, il a répondu que limoger n’importe lequel d’entre eux affaiblirait
le pays.
Les ennemis libéraux de Zelenski ne tentent pas de s’en
débarrasser. Mais ils sont fixé la mission de faire lui une figure de proue
sans pouvoir. Leur but est de virer les bien aimés 5-6 gestionnaires soit en
les accusant de corruption avec le NABU, soit de les forcer à quitter leur
poste à cause du contrecoup de la loi 12414.
Pour commencer, un média sponsorisé par Fiala comme Ukraïnskaya
Pravda et des politiciens alliés à Porochenko
comme Youri Lutsenko ont constamment appelé au limogeage des deux gestionnaires
les plus puissants de Zelenski — le chef de cabinet du président Andriy Yermak
et son adjoint, le tsar du maintien de l’ordre Oleh Tatarov.
Un autre gestionnaire prépondérant est Timour Myndich, ami
de longue date de Zelenski. Myndich est l’un des propriétaires de Kvartal 95, l’empire de la comédie de Zelenski. On en a
souvent parlé comme du « portefeuille de Zelenski », qui aurait accru
apparemment son influence en 2022.
Les médias prétendent que les raids contre NABU/SAPO ont eu
lieu à la suite d’un avertissement reçu selon lequel ces deux organes respectifs
mèneraient une enquête sur la corruption de Myndich. C’est Ukraïnskaya Pravda qui
a émis cette hypothèse le 21 juillet, le jour des descentes du SBU sur
NABU/SAPO.
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Renaissance Society à Kiev |
Ukraïnskaya Pravda prétend que Myndich est impliqué dans le
sujet hautement explosif (politiquement) de la corruption sur la production de
drones. L’armée serait sans aucun doute ravie de savoir pourquoi elle perd la
guerre de drones contre la Russie.
Ensuite, on trouve un autre ami proche de Zelenski, Oleksiy
Chernyshov. L’enquête du NABU sur ses malversations menée depuis un mois et
demi a été considérée par Ukraïnskaya Pravda comme l’étincelle majeure ayant
provoqué les énergiques mesures de Zelenski.
Chernyshov, censé être le « ministre de l’Unité »
qui ramène les Ukrainiens de l’étranger a fini par ne pas revenir d’un voyage
en Europe en juin. Quand, naturellement le scandale a éclaté, il est finalement
rentré en Ukraine — mais accompagné par une équipe d’agents du HUR (Direction
générale du renseignement ukrainien) et du SBU (Service de sécurité ukrainien)
pour le protéger du NABU.
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Yermak et son adjoint |
Enfin, Rotislav Shurma, adjoint du bureau du président de
novembre 2021 à septembre 2024. Bihus, une organisation financée par l’USAID a
révélé en 2023 que Shurma et son frère Oleh avaient reçu 320 millions de
Grivnya de « tarifs verts » de l’État pour de l’énergie produite par
des panneaux solaires, se trouvant sur le territoire contrôlé par la Fédération
Russe.
D’après le libéral Ukraïnskaya Pravda, le Département d’État
de Biden considérait sérieusement la mise en œuvre de sanctions contre Shurma
après les raids menés contre lui en mai 2024. Shurma a démissionné lorsqu’il a
découvert les intentions de Washington et Zelenski a gardé une dent contre ces « répressions
politiques américaines ». Shurma reste un proche de Zelenski et continue a
être membre du Conseil de contrôle de la grande compagnie gazière et pétrolière
« Naftogaz Ukraine ». Ceci, bien qu’il vive en Allemagne avec sa
famille depuis sa démission.
L’ancien parlementaire de premier plan (ex-porte-parole du
groupe ultra-nationaliste Secteur Droit) Borislav Bereza a expliqué en détail quelles
actions il proposait dans la conjoncture présente dans un post sur Facebook du 26
juillet. Beaucoup d’autres politiciens libéraux anti-Zelenski et médias
partagent sa vision de la stratégie à employer. Au lieu de se débarrasser de
Zelenski, l’idée est de neutraliser sa mainmise et de se défaire de ses « gestionnaires
efficaces », le véritable pouvoir étant alors détenu par les libéraux
militaristes :
« Je ne soutiens absolument pas le président Zelenski
ou le Parlement actuel (Rada). Quoique, pour être juste, il existe encore
quelques personnes intelligentes et satisfaisantes à la Rada — mais de jour en
jour, de moins en moins. Cependant, malgré mon opinion négative sur cette
clique dans sa totalité, je suis contre la démission de Zelenski et contre la
dissolution du Parlement. Or, les appels à l’une comme l’autre, sont de plus en
plus sonores. Si on ne comprend pas ce que cela implique, il faut se poser la question.
Qui deviendra le Chef d’État d’après la Constitution si Zelenski démissionne ?
Personne ne sait ? Je vais vous le dire : Rouslan Stefanchuk ( le
porte-parole de Zelenski au parlement) qui pourrait être sous pression par nos services de sécurité et ceux de l’étranger
de devenir un pantin. Imaginez les conséquences. Et si la Rada est dissoute qui
poursuivra la loi martiale ? Qui financera les forces armées ? Qu’on
ne se berce pas d’illusions, c’est maintenant un risque énorme."
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Chernyshov |
…« Alors, que devrions-nous faire ?
Détaillons.
1.Il est temps d’admettre que la mono-coalition n’existe
plus. Les votes le prouvent. (Mono-coalition signifie que lorsque Zelenski a
pris le pouvoir en 2019, son parti Serviteur du Peuple avait une majorité à la
Rada, lui permettant d’adopter des lois sans avoir besoin de se coaliser avec d’autres
partis)
2.Une nouvelle coalition doit être formée à la Rada. Il ne s’agit
pas de l’alliance de facto entre les Serviteurs du Peuple et le parti d’Opposition
pour la Vie (parti jugé pro-russe interdit existant jusqu’aujourd’hui sous
un autre nom, aujourd’hui l’allié principal de Zelenski à la Rada. Il a fourni
un nombre important de votes pour la loi 12414)
3.Après ça, la direction de la Rada doit être remplacée par
un représentant de l’opposition. Sefanchuk avait fait assez de dégâts — il ne
méritait pas d’être recteur à l’université de Ternopil, encore moins un leader.
Il doit répondre de ses crimes. D’ailleurs, quiconque ayant voté pour la loi
12414 devrait être tenu à l’écart des postes dominants à la Rada. Tout a un prix,
y compris ce vote.
4.Un Conseil de l’Unité nationale devrait être créé — pas
avec 5-6 gestionnaires « efficaces » de Zelenski ou encore d’autres « serviteurs »,
mais avec des figures de l’opposition parlementaire ou non-parlementaire et
tous ceux dont l’expérience, le savoir et les compétences peuvent être utiles à
l’Ukraine.
5.Zelenski doit annoncer publiquement qu’il n’est pas un
menteur et ne cherchera pas un second mandat, fidèle à ses promesses. Ce qui
serait une victoire pour tout le monde — surtout l’Ukraine. Cela lui permettrait
d’oublier les sondages et de se focaliser sur les problèmes réels — comme la
mobilisation.
Ce sont juste les cinq points-clés — brossés à larges
traits. Mais c’est un chemin vers la sortie de crise. Évidemment, on peut
choisir de ne rien faire. Et, si rien n’est fait, nous perdrons la guerre — à
cause des dirigeants du pays qui, après trois ans d’invasion du pays, ne sont
toujours pas capables de résoudre les questions des fournitures au front, de la
mobilisation, de la démobilisation et de l’armée professionnelle, continuant d’ignorer
la lutte contre la corruption, à cause de l’obsession de gagner les élections.
Comme on le voit, l’enjeu n’est pas un changement de régime.
Ce qui a lieu, c’est un marchandage entre Porochenko et Fiala d’un côté, et Zelenskiet
Yermak de l’autre.
Les exigences maximum des premiers sont le limogeage de
Yermak, ce que Zelenski ne fera très probablement pas. D’après un article
récent, les deux dorment dans le même bunker si c’est nécessaire. Yermak n’a ni
femme ni enfants et est apparemment entièrement dévoué au travail pour Zelenski,
trimant 24 heures par jour.
Les exigences minimums sont de diminuer les persécutions de
Porochenko et de Fiala à coup de sanctions et de poursuites judiciaires, de même
que d’installer le candidat des « Sorosites » Oleksandr Tsyvinski au
poste de responsable du Bureau de la Sécurité Économique et également de
diriger la sélection des officiels des Douanes. Zelenski pourrait accepter tout
cela. Quoi qu’il en soit, dans l’avenir, tout peut être inversé.
Loyalistes qui grognent.
La question- clé est de savoir pourquoi
Zelenski a même décidé d’inverser la direction sur le front anti-corruption.
Comme je l’ai signalé, les États-Unis n’ont pas joué un rôle
significatif, dans cette histoire. La pression principale sur l’État ukrainien
vient de l’UE, qui a diminué son financement et coupé la route de l’Ukraine pour
l’adhésion à l’UE, à cause de ses attaques contre NABU/SAPO.
Dans la mesure où chacun sait que l’Ukraine ne fera jamais
partie de l’UE, c’est assez ironique. L’UE a elle-même imposé de durs tarifs
douaniers contre les produits ukrainiens
il y a plusieurs mois, une disposition dont les officiels ukrainiens ont dit qu’elle
mènerait à des milliards de pertes. En dépit de tout ça, Zelenski a encore
déclaré aujourd’hui qu’il s’était mis d’accord avec Ursula Von Der Leyen au
téléphone pour que le Parlement approuve la nouvelle loi annulant 12414.
Nous partageons la même vision. Il est important que la nouvelle
loi soit adoptée la semaine prochaine.
Il est très démocratique qu’un dirigeant étranger et un président
aient un contrôle total sur la façon dont vote le Parlement, je suppose.
Quoi qu’il en soit, ceci aura de sérieuses conséquences sur
le contrôle par Zelenski du Parlement. Comme je l’ai déjà écrit de nombreuses
fois, le président a lentement perdu toute poigne sur les parlementaires en
temps de guerre. Ce qui fut autrefois une majorité sans précédent, historique,
de Zelenski sur le Parlement s’est lentement érodée, avec des députés de plus
en plus mal à l’aise à voter des lois impopulaires monumentalement,
malgré la pression du président. Beaucoup d’entre eux ne viennent plus voter et
un certain nombre d’entre eux ont même fui le pays.
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Arakhamia |
J’ai aussi parlé du conflit entre le chef de la fraction
parlementaire de Zelenski, David Arakhamia et le gestionnaire en chef du
président, Andriy Yermak. Est-ce que Arakhamia pourrait s’allier avec les
libéraux-nationalistes contre Yermak ? C’est sans doute improbable, mais à
considérer.
Ce qui est plus probable, c’est que les parlementaires
seront moins enclins à voter pour la législation de Zelenski. Ukraïnskaya
Strana a échangé avec un parlementaire mécontent qui avait voté la loi
controversée :
« Les conséquences du retour en arrière sont absolument
claires – un effondrement de la possibilité de gérer le système tout entier, une
vague d’affaires criminelles contre le cercle intérieur du président soulevées
par le NABU, et la perte de contrôle de la situation dans le pays par le
cabinet du président. Mais la question principale est : pourquoi est-ce
que Zelenski a fait des concessions ? parce que Petia (l’ancien président
Porochenko qui, selon le cabinet de Zelenski, aurait participé à l’organisation des
manifestations) et aurait poussé quelques milliers de gens avec des pancartes
en carton dans les rues ? Parce que les Européens s’inquiètent ?
Parce que Starmer et Macron lui ont passé un coup de fil ? Et qu’est-ce
que leur inquiétude peut changer ? Quelqu’un croit-il sérieusement que l’Europe
aurait cessé d’envoyer de l’argent et arrêté les fournitures d’armes, parce que
le NABU aurait vu ses pouvoirs entravés ? Personnellement, je n’y crois
pas. C’est inimaginable. Et, c’est notable, Trump et le Département d’État
restent silencieux. Pourquoi ? Parce que le NABU est une entreprise du
parti Démocrate. Toutes les actions NABU et celles de leur groupe de soutien
ont été développées durant l’administration Biden. Et, à présent, ce système
ressemble à un cavalier sans tête. Trump l’a déjà décapité à Washington mais le
corps – L’USAID mondial — continue à se mouvoir dans une direction prédéterminée.
En se servant de son influence dans les médias occidentaux, des structures de l’UE,
de la verticalité anti-corruption et du groupe de soutien en Ukraine. Mais il n’a
plus de tête. Alors tout ce qui survient à présent est une attaque
psychologique. Et je ne comprends pas pourquoi Zelenski a décidé de reculer »
a dit un membre du Parlement.
Strana et d’autres, comme Dubinski, le parlementaire
en taule ont aussi soulevé l’idée que Zelenski pourrait secrètement ordonner à
ses députés de voter contre la nouvelle loi. Il prétendrait ensuite ceci :
« Je voulais restaurer l’indépendance
de NABU/SAPO, mais le Parlement a saboté mon initiative ». Dans l’espoir
que les manifestations de rue s’éteindraient, manquant d’une cible claire.
La Rada
Cependant, les sources de Strana doutent d’un tel scénario. D’après ce média,
Zelenski a ordonné à ses parlementaires de voter pour la nouvelle loi restaurant
l’indépendance de NABU/SAPO.
« Pour l’instant, on n’attend aucune surprise. L’ordre
est déjà donné de se rassembler la semaine prochaine et de voter. Qui plus est,
après que le cabinet du président ait forcé les députés à voter pour dépouiller
NABU de ses pouvoirs — tout ça pour que
Zelenski retourne sa veste et déclare que ceux-ci devaient être restaurés, blâmant
la Rada pour ce qui s’est passé, il y aura peu de parlementaires souhaitant
jouer le jeu « le président soutient l’indépendance de NABU, tandis que
les députés s’y opposent » a dit un parlementaire.
Alors comment est-ce que Zelenski obtiendra les votes
annulant la loi 12414 ? Les vacances du Parlement jusqu’au 20 août ont été
annoncées juste après que la loi 12414 ait été adoptée. Et les sources de
Strana pensent que si les manifestations s’amenuisent, le Parlement pourrait « oublier »
de voter pour la nouvelle loi — comme ça s’est passé plusieurs fois auparavant,
pendant des mois, en ce qui concerne des lois dont Zelenski n’avait rien à
secouer.
Les sources de Strana disent les choses suivantes sur la loi
inversant 12414 :
« Certains se sentent trahis parce qu’on les a persuadés
de voter pour la loi 12414, et ça a tourné comme ça. Mais des sentiments
analogues sont partagés par ceux qui l’ont voté avec enthousiasme : pour
eux, c’est également une trahison. Ils ne veulent pas voter sous pression. Certains
disent qu’ils ne reviendront pas de leurs vacances à la mer. Peut-être que
leurs votes seront remplacés par ceux des partisans de Porochenko et de Holos
(le parti le plus atlantiste) et d’autres groupes parlementaires. Mais les 263 votes
pour la précédente loi sont très improbables »
Cependant, d’autres sources parlementaires croient que la
nouvelle loi passera à la Rada.
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Yermak |
En dehors des députés du parti Serviteur du Peuple de
Zelenski et des vestiges de la Plate-forme
pour la Vie pro-russe, son alliée, l’autre groupe qui a voté pour 12414, était
composé de députés du parti populiste de gauche Batkivshchyna, dirigé par l’inévitable
Ioulia Tymoshenko (Princesse Orange de 2004, ndt)
Oleksyi
Kuherenko, un député du parti qui a voté en faveur de 12414 a dit ceci à Strana :
Batkivshchyna mènera
une discussion interne sur la nouvelle loi présidentielle. Ma position
personnelle est que je n’ai pas honte de mon vote, et j’ai beaucoup d’arguments
pour le défendre. Malheureusement, dans une atmosphère d’hystérie, il est
presque impossible de discuter des questions sérieuses — en particulier avec
les démagogues et les opportunistes. Néanmoins, je crois en la possibilité d’un
compromis. L’essentiel est qu’il doit être effectif et s’assurer d’une
véritable vérification mutuelle entre des institutions d’État.
En dehors des parlementaires assiégés de Zelenski, d’autres
forces relèvent la tête. À savoir Igor Kolomoïski, l’oligarque-requin qui a
autrefois terrorisé l’Ukraine, mais est emprisonné depuis 2023 par son ancien
protégé Zelenski. Strana cite la source suivante :
« Le problème n’est même pas que tout le monde voit
qu’il est possible maintenant de manifester et que cela se produira sur tous
les sujets petits ou grands. Et qu’ils soient devenus à présent un prétexte de
rassemblement. Il y a des tas de gens désireux de se « joindre à la lutte »
contre le président, à commencer par le prisonnier principal, (référence à l’affairiste
Igor Kolomoïski, détenu en préventive à Askold Lane) et toute la liste », dit
une source ayant accès à Bankova, (La rue où se trouvent les bureaux du
président).
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La Rada |
Enfin, un post sur telegram du relativement
intéressant compte anonyme Krippa’s Hole a donné une vision de la
situation dans la fraction parlementaire de Zelenski aujourd’hui (28 juillet).
La question de l’immunité est évoquée en référence aux nombreuses rumeurs selon
lesquelles de nombreux députés ayant voté pour 12414 ne veulent pas voter pour
son annulation, craignant des représailles de NABU.
Au sein de la faction « Serviteur du Peuple » on
constate une révolte. Environ 70 députés exigent le retour des « enveloppes »
— paiements en liquide qui ont cessé au début de la guerre — de même que des
garanties d’immunité contre les poursuites pénales. Le chef de cabinet Yermak
menace les mécontents de visites personnelles du chef du SBU Maliuk, tandis que
David Arakhamia, le contremaître de cette faction envoie des SMS promettant la
sécurité à ceux qui « reviennent à la raison » — ou du moins y
prétendent d’une façon convaincante.
Données décisives
Quoique Zelenski ait l’air assez idiot en
l’occurrence, il semble aussi qu’il ait réussi à y gagner quelque chose. À savoir,
la possibilité, ces derniers jours ; de s’emparer de quantités
considérables d’information sur son cercle rapproché. Le parlementaire
Volodymyr Kourenoi a spéculé à ce sujet sur Face book le 25 juillet :
« Une chose supplémentaire : selon les rumeurs,
pendant la courte période où la « nouvelle » loi s’appliquait, certaines
affaires très proches du cabinet du président auraient été transférées de NABU
au bureau du Procureur Général. Je ne sais pas si c’est vrai. Il serait par exemple
intéressant de déterminer si l’affaire Myndich est toujours confiée à NABU ou
non. »
Il faut noter que les enquêtes sur Myndich étaient très
complètes ( il a été arrêté en juin 2025 pour une corruption sur appel d’offres
d’État se montant à 664 millions de Gryvnias) comprenant une mise sous écoutes
de son appartement. Zelenski était connu pour fréquenter souvent cet endroit et
parler avec de la vie avec lui, d’après Ukraïnskaya Pravda.
Cette même publication a écrit croire que Zelenski figurait
dans une écoute de l’appartement de Myndich — apparemment, celui dans lequel s’était
rendu le président pour son anniversaire en 2021 (malgré la quarantaine COVID).
En bref, l’enregistrement pourrait mettre le feu aux poudres.
L’analyste libéral lié à Fiala, Mykola Davidiuk a également
évoqué les tentatives de décoder les données de l’enquête NBU sur Myndich dans
une interview du 27 juillet.
« Le disque dur est encodé, chiffré. L’information est
protégée… ON m’a parlé de 800, certains disent 700 (policiers fidèles à
Zelenski déchiffrant les données) d’autres 650, j’ai encore entendu 930. Je
crois qu’on a donné des chiffres différents à différents endroits pour
découvrir qui les révélait. Une feuille Excel — qui a fuité quoi, quel
témoignage a été donné.
Quelle époque excitante ! Je tiendrai mes lecteurs au
courant.
Peter Korotaev.
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