16.11.25

La Sicile est un jardin d'enfants




         Je m’abstiendrai d’allonger encore le très long article de Peter Korotaev, sauf pour remarquer une fois de plus qu’il confirme le tableau d’une pègre enracinée dans l’État ukrainien depuis l’origine, que j’avais brossé dans « La Guerre avant la guerre ». On y retrouve d’ailleurs un certain nombre d’acteurs.



         (Traduit de l’anglais par Thierry Marignac)

Peter Korotaev, journaliste ukraino-australien, Events in Ukraine.


ZELENSKI ET SA CLIQUE PINCÉS

 

         Corruption à l’échelle nucléaire. L’évasion de « Carlson » vers Israël, « Che Guevara » appréhendé. Le parrain de la mafia russe Moguilevitch ?

         Events in Ukraine

         13 novembre 2025

 


         Il ne se passe pas une semaine sans un nouveau scandale de corruption cataclysmique.

         Les médias occidentaux l’ont appelé la plus grosse affaire de corruption de Zelenski.

         L’organisateur de la combine, un vieil ami de Zelenski du monde du show-business, a détourné cent millions de dollars en lésinant sur l’argent de la protection du système nucléaire — qui fournit 50-70% des besoins en électricité du pays. Pendant ce temps, les Ukrainiens sont privés de courant 10 à 12 heures par jour.

         Le FBI s’en mêle et l’on a découvert des traces des Russes.

         Zelenski et sa clique doivent céder la « société civile » financée par l’Occident et son système de justice parallèle.

         Les personnages-clés de l’escroquerie se sont enfuis en Israël avant la descente de police tôt lundi matin.

         Et tandis que c'est certainement assez distrayant, je dois dire que je ne partage pas l’assurance de ceux prédisent la fin imminente de Zelenski. Examinons l’affaire plus en détail, dont la construction est un spectacle aussi cynique que le gouvernement de Zelenski lui-même.

 


         Profitez du spectacle

 

         Avant d’entrer dans les détails sordides de la corruption, jetons un œil sur la chronologie de sa présentation.

         Nous avons deux auteurs ici, qu’on pourrait appeler des génies littéraires.

         Tout d’abord, Ukrainskaïa Pravda, la publication média créée au début des années 2000 avec l’argent de l’USAID. C’est le plus influent de l’éventail libéral/nationaliste, possédé depuis 2021 par Tomas Fiala, le financier tchèque associé au grand George Soros.

         Incidemment, le fondateur d’Ukrainskaïa Pravda, Georgi Gongadze, a été décapité, il y a 25 ans. Des figures de l’ombre des forces de l’ordre ukrainiennes ont laissé fuir des enregistrements impliquant le président dans cette affaire. Le dit président dérivait à l’époque vers l’établissement de relations plus proches avec la Russie. La source de ces fuites s’est réfugiée ensuite aux États-Unis.

         Et, aujourd’hui, nous examinons une autre série explosive de conversations enregistrées, diffusées par Ukrainskaïa Pravda.

         Et comme au début des années 2000 pour les tueurs de Gongadze, la plus probable conclusion de l’affaire verra les personnes impliquées échapper au châtiment.

         Bref, notre second acteur sont les organes anticorruption NABU (National Anti-Corruption Bureau of Ukraine) et SAPO (Specialized Anti-Corruption Prosecutor’s Organ). Ils furent tous les deux établis en 2014 avec des financements de l’USAID, de l’UE et de l’Open Society.

         Ces organes sont considérés comme de grands accomplissements de la « Révolution de la Dignité » de 2014 en Ukraine. Bien que, comme je l’ai écrit ici ou là, c’était plus symbolique qu’autre chose. Le véritable but du NABU, celui qu’il atteint avec un succès relatif, est de garder les élites ukrainiennes sous la menace, forcés de prêter l’oreille aux « alliés occidentaux ».



 

         D’autre part, l’écosystème anticorruption est une niche enviable pour certains Ukrainiens désireux de réussir. Faire partie d’une telle ONG ou groupe journalistique est une source d’argent, donne une certaine aura politique, la possibilité de voyager à l’étranger et généralement le privilège d’éviter la mobilisation.

         Alors, ce que j’appellerai « l’écosystème des guerriers anticorruption » a toujours été mal disposé envers Zelenski. Ils le considèrent comme un populiste insuffisamment néo-libéral. Ils craignaient qu’il ne remplisse ses promesses électorales de ramener la paix en Ukraine quoi qu’il en coûte. Par conséquent, en 2019 l’écosystème anticorruption a présenté ses fameuses « lignes rouges » que Zelenski ne devait en aucun cas franchir — aucune paix avec la Russie au prix d’un abandon de la demande d’adhésion à l’OTAN.

         La répression des politiciens favorables à la paix par Zelenski a été accueillie par les guerriers anticorruption avec des éloges. Mais ils ne l’ont jamais aimé. Bien que Zelenski ait parfois donné des sinécures à des représentants éminents de l’univers anticorruption, ils étaient en général limogés. Ce fut vrai du premier cabinet très atlantiste de Zelenski en 2020, purgé sans pitié au bout de quelques mois.

         Et la même chose est arrivée en 2022, lorsque Zelenski a temporairement accordé des positions-clés à quelques guerriers anticorruption.

         Au cours de l’année 2024, Zelenski augmenté la pression sur un certain nombre de ces agents anticorruption parmi les plus importants. Ceux-ci subirent des raids des services de sécurité de Zelenski (le SBU), qui diffusa des vidéos de ces personnages en train de consommer des stupéfiants.

         La communauté anticorruption commença aussi à se plaindre que Zelenski tentait de les mobiliser pour la guerre. Ils prétendaient que c’était un châtiment pour leur courageux rapports sur la corruption du gouvernement de Zelenski. Il convient de remarquer que ces mêmes guerriers anticorruption ont toujours condamné les tentatives des Ukrainiens de protester contre la mobilisation.

         La lutte s’est poursuivie tout 2025, jusqu’au grand règlement de comptes de la fin juillet. Les services de sécurité de Zelenski ont fait tout d’abord un raid sur le NABU pour des « liens avec la Russie » avant de promulguer une loi au parlement qui supprimait « l’indépendance »  des NABU et SAPO, les plaçant sous le contrôle du procureur général de Zelenski. Suite aux menaces de l’UE de mettre fin à l’aide financière, Zelenski a fait volte-face et a reculé.

 

         Commencer une purge spectaculaire et reculer aussitôt sous la pression est une excellente manière d’encourager ses ennemis. La faiblesse de Zelenski a démontré à la communauté anticorruption que s’il aurait préféré se débarrasser d’elle, il lui manquait la volonté d’aller jusqu’au bout.

         Depuis lors Zelenski a fait des tentatives manquant de conviction pour assurer son contrôle sur les guerriers anticorruption de plus en plus sûrs d’eux-mêmes. Son SBU a extradé un parlementaire « prorusse » des Émirats au début septembre et des rumeurs ont circulé selon lesquelles il serait forcé de témoigner sur les soi-disant liens que la communauté anticorruption entretenait avec la Russie.

         Des deux côtés on s’accusait mutuellement d’être des espions russes. Lorsque le SBU de Zelenski ont fait des descentes chez les enquêteurs du NABU fin juillet, ils en ont accusé un de vendre du chanvre indien dans la région russe du Daghestan. Ils ont aussi prétendu qu’il était daghestanais, bien qu’ils semblent avoir confondu avec l’Ouzbekistan.

         Le dit détective, Rouslan Magamedrasoulov est toujours incarcéré ainsi que son père. La communauté anticorruption reste scandalisée et revient souvent sur le fait qu’il s’agit d’une manipulation.



         Le sort malheureux de Magamedrssoulov nous conduit à l’affaire de cette semaine.

         Magamedrasoulov était apparemment chargé de l’enquête sur un certain Timour Mynditch, vieil ami et associé de Zelenski. Bien que Mynditch n’ait jamais occupé de poste au gouvernement, Ukrainskaïa Pravda considère qu’il est devenu le plus puissant et mystérieux oligarque du pays.



         Zelenski et Mynditch sont amis depuis au moins 2008, lorsque celui-ci l’a présenté à l’un des magnats les plus puissants du pays — Igor Kolomoïski. C’est Kolomoïski qui a taillé un président de ce comique populaire. Mynditch reste le copropriétaire des studios de comédie de Zelenski, Kvartal 95.

         Mynditch, personnage totalement inconnu avant 2019, s’est élevé à ces hauteurs grâce à son amitié avec Zelenski et sa connaissance de l’empire affairiste de Kolomoïski.

Igor Kolomoïski
    Lorsque Zelenski a fait emprisonner son ancien patron en 2023, Mynditch est devenu le propriétaire occulte de l’empire financier du magnat. Et à présent écrit Ukrainskaïa Pravda, on retrouve Mynditch un peu partout. Il prend sa part dans chaque gâteau : les drones, les missiles flamingo, l’énergie, les fournitures de l’armée, les banques, la télévision, les cabinets ministériels…

         En juillet, on murmurait déjà que c’était précisément l’enquête du NABU qui avait provoqué la rafle ordonnée par Zelenski. Zelenski avait apparemment aussi été déclenché par l’enquête sur un autre ami de Mynditch, le vice-Premier ministre Alexeï Tchernishov.

La résidence "Dynasty"



De même, des représentants de la communauté anticorruption ont multiplié les révélations sur le ténébreux Mynditch et ses amis au cours des derniers mois. La semaine dernière, j’ai évoqué les rapports selon lesquels Mynditch et ses amis avait une affaire de diamants qui gagnait de l’argent en Russie en pleine guerre. Tchernishov a également été accusé de construire un complexe de trois grandioses demeures en pleine guerre. Cette zone résidentielle luxueuse, censée être un refuge pour la coterie Zelenski, aurait été baptisée du nom évocateur de « Dinasty ».

         On doit bien dire qu’on a parfois du mal à prendre ça au sérieux. Le parlementaire Yaroslav Gelezniak, un représentant du parti favori de Foukiouyama, l’ultra-libéral « Holos » a joué un rôle significatif dans la fabrication d’un Mynditch malfaisant.

Gelezniak
    

    Gelezniak, qui s’est baptisé « le député de fer » (dans le style Thatcher), sort une vidéo quotidienne sur YouTube sur les exploits du fourbe Mynditch.

         Gelezniak, qui passe la plus clair de son temps à Bruxelles, semble avoir la fonction de diffuser les récits les plus douteux autour de Mynditch. Ses constantes promesses de sortir bientôt « les enregistrements Mynditch » ont eu (ou eu l’objectif) le même effet que la sortie des « Dossiers Epstein » aux États-Unis.

         Bref, les exercices d’hyperboles de Gelezniak semblent avoir porté leurs fruits cette semaine.

         Le NABU a diffusé un certain d’enregistrements où Mynditch et ses associés discutent d’opérations de concussion débridées. Pour l’instant, ils n’ont sorti que des fragments de ce qu’ils prétendent être 1000 heures d’enregistrement.

         Dans ceux-ci, Mynditch, Tchernishov et leurs complices discutent leurs sales combines pour escroquer l’État ukrainien. Les conspirateurs se sont donnés des surnoms délicieux, comme Che Guevara (Thchernishov) et « Carlson » (Mynditch).

         Naturellement, ils parlent tous en russe. 25 ans après les enregistrements de Gongadze, rien n’a changé.

         Et, le 10 novembre, le NABU a fait une descente (infructueuse) sur la maison de Mynditch. Les enquêteurs de NABU ont fait une table ronde sur YouTube pour Ukrainskaïa Pravda avec Gelezniak.

         Parce que je suppose que c’est ce que font les organes de maintien de l’ordre en plein milieu d’une enquête sur une affaire cruciale en cours.

         (…)

         En bref, il s’agit manifestement d’une opération politique. Dans leur discussion avec Ukainskaïa Pravda, les agents de NABU ont clairement déclaré qu’au moins quatre ministres du gouvernement (pas tous en fonction actuellement) étaient impliqués. Ils soulignent des liens obscurs entre le réseau Mynditch et la Russie. Dans un autre article, de la semaine dernière Ukrainskaïa Pravda souligne que le FBI a participé à des enquêtes sur des personnages proches de Mynditch.

         Celui-ci est censé jouer le rôle de « portefeuille » de Zelenski. Les journalistes « sans préjugés » d’Ukrainskaïa Pravda et de Radio-Liberté invitent les parlementaires du parti de Zelenski à des interviews, posant constamment la même question.

         Pourquoi est-ce que Zelenski ne se débarrasse pas de ce cabinet corrompu ?




Le pot de confiture.

         En bref, in ne faut pas s’attendre à ce que qui que ce soit aille en taule pour ses crimes. Il s’agit d’un jeu politique, où un clan d’affairistes plus étroitement lié à Londres, à l’UE, et au parti Démocrate (la communauté anticorruption) essaie de propulser ses hommes au pouvoir.

         Ils essaient de remplacer le clan actuellement au pouvoir, dont le soutien international semble venir de la finance américaine et de leurs passeports israéliens. Mynditch et ses co-conspirateurs sont déjà rentrés à Tel-Aviv, leur résidence principale.

         Et juste au cas où vous auriez des espoirs, considérez le fait suivant : au début 2019, le NABU avait découvert une autre affaire explosive dans le secteur militaire ukrainien. C’était aussi très politique, flinguant la popularité de Poroshenko au moment des élections. Naturellement, les détails scandaleux de la corruption des officiels de Poroshenko n’ont mené à aucune peine de prison significative.

         Le secrétaire-adjoint au Conseil national de Sécurité et de Défense Oleg Gladkovski était impliqué dans une affaire de corruption massive dans le secteur de l’industrie de la Défense. Il y figurait même des bénéfices venus de Russie. Bien qu’interrogé et détenu par le NABU, il fut bientôt libéré et en octobre 2019, il gagna même son procès contre le NABU.

Oleg Gladkovski


         Regardons à présent les détails de l’affaire montée par le NABU contre le réseau Mynditch. Elle serait liée à Sémion Moguilevitch, le parrain des parrains de la mafia russe. On trouve aussi des liens avec Andrey Derkatch, aujourd’hui sénateur en Russie. Il y a des millions de dollars américains, tout juste livrés par la Fed. Il y a des dialogues hilarants dans lesquels Mynditch, un homme sans aucun poste officiel explique aux ministres de la Justice et à celui de l’Énergie comment parler au président Zelenski.

         En bref, il y a de tout. Et ce n’est que la face émergée de l’iceberg des « enregistrements Mynditch ».

         Je terminerai cet article en expliquant la stratégie politique de la campagne anti-Mynditch pour remplacer le gouvernement de Zelenski par des représentants de la communauté anticorruption, faisant du président une figure de proue dépourvue de pouvoir. J’expliquerai aussi pourquoi ça ne marchera probablement pas.

 

         Opération Midas contre Che et Carlson

 

         Commençons par les déclarations officielles du NABU sur les résultats de « L’opération Midas » datant du 11 octobre :

 

          Le Bureau National Anticorruption d’Ukraine et le Bureau Spécialisé Anticorruption du Procureur (SAPO) ont découvert les activités d’une organisation criminelle incluant des officiels passés et présents du secteur énergétique, un homme d’affaires dans les médias connu et d’autres individus. Ses membres ont forgé une machination à grande échelle visant à influer sur les opérations d’entreprises étatiques stratégiques — en particulier la compagnie « Energoatom » d’énergie nucléaire — pour retirer des bénéfices et blanchir de l’argent.

         À présent, en fonction de l’article 208 du code pénal de l’Ukraine, les enquêteurs de NABU ont détenu cinq individus et identifié sept membres de l’organisation. Parmi eux :

         —Un homme d’affaires, chef de l’organisation criminelle ;

         —Un ancien conseiller du ministre de l’Énergie ;

         —Le directeur exécutif de la Protection et Sécurité d’Energoatom

         —Quatre individus travaillant dans des bureaux clandestins, responsables du blanchiment d’argent

         La décision d’appliquer des mesures préventives est actuellement examinée par la Cour.

 

         La machination

         La principale activité de l’organisation criminelle était de collecter systématiquement des paiements illicites des contractants d’Energoatom s’élevant à 10-15% des contrats.

         Les entreprises sous contrat étaient pressées de payer des pots-de-vin pour éviter qu’on bloque le règlement de marchandises ou de services fournis, voire éviter de perdre leur statut de fournisseur. Cette pratique était connue sous le nom de « La Barrière ».

         Pour la mettre en œuvre, le chef de l’organisation a recruté un ancien chef-adjoint du Fond de la Propriété d’État, devenu par la suite conseiller du ministre de l’Énergie, ainsi qu’un ancien membre des forces de l’ordre occupant les fonctions de directeur exécutif de la Protection Physique et de la Sécurité de la compagnie.

         Se servant de leurs relations officielles avec le ministre et l’entreprise étatique, ils assurèrent leur contrôle sur les décisions concernant le personnel, les processus d’acquisition et les flux financiers.

         En réalité la gestion de cette entreprise stratégique, générant un revenu annuel de 200 milliards de Hrivnyas était confiée non pas à ses cadres officiels mais à des personnes extérieures sans autorité formelle, qui agissaient en « superviseurs ».

 

         Blanchiment d’argent

        

         La tâche de blanchir les fonds illégaux était attribuée à un bureau séparé de l’organisation criminelle, situé au centre de Kiev.

         Les lieux appartenaient à la famille d’un ancien parlementaire — à présent sénateur de la Fédération Russe — Andrey Derkatch, accusé par le NABU et le SAPO dans une autre affaire criminelle.

         Ce bureau recevait des relevés détaillés des fonds perçus, tenaient des livres « noirs » de comptes et organisait le blanchiment à travers un groupe d’entreprises à l’étranger. Une proportion importante des opérations — y compris des retraits d’argent liquide — était menée en dehors d’Ukraine.

         Lorsqu’il fournissait ses services à des individus en dehors de l’organisation, ce bureau percevait une commission évaluée sur un pourcentage des fonds blanchis.

         En tout, durant la période de l’activité en question, environ 100 millions de dollars sont passés par cette « blanchisserie ».

 

         L’Opération

         L’opération spéciale visant à documenter les activités de l’organisation criminelle a duré plus de quinze mois — depuis l’été 2024.

         Pendant cette période un grand nombre de données ont été accumulées, et des heures de conversation ont été enregistrées. Les NABU et SAPO sont actuellement en train d’évaluer les actions de tous les individus figurant les dossiers.

         À l’étape finale, c’est presque tout le personnel de NABU qui a pris part à l’opération.

         Sur ordre du tribunal, plus de soixante-dix perquisitions ont été réalisées à Kiev et dans d’autres régions, menant à la saisie d’un grand nombre de documents et d’argent liquide.



         Les enquêteurs de NABU et SAPO continuent leur travail d’identification d’autres membres de l’organisation criminelle.

         Les investigations se poursuivent.

         Le 10 novembre, le NABU a lancé une offensive audacieuse — les appartements de Mynditch à Kiev ont fait l’objet d’une descente. Les agents de NABU ont passé 12 heures dans le logement de Mynditch au 9a rue Kroutchevski. Dans l’un des appartements, il y aurait des toilettes en or.

         Arrivés à 5 heures du matin les enquêteurs de NABU auraient eu des difficultés à ouvrir les portes des différents étages de l’immeuble. Les portes des appartements étaient grandes ouvertes — peut-être attendait-il des visiteurs.

         Le NABU a montré des photos de l’argent saisi chez lui. Un agent du NABU a déclaré plus tard à Ukrainskaïa Pravda qu’ils avaient trouvé plus de quatre millions de dollars, dans diverses devises étrangères.

         Plus intéressant encore, cet agent a expliqué que l’argent était dans l’emballage utilisé par la Fed quand elle attribue des fonds. Ce qui a provoqué des spéculations selon lesquelles il s’agirait d’argent donné à officiellement par les États-Unis au titre de l’aide à l’Ukraine.

         (…)

         Le NABU a bientôt formulé des accusations plus spécifiques.

         Le 11, ils ont sortis une vidéo comportant des fragments des 1000 heures de conversation enregistrées.

         Durant « l’opération Midas » les enquêteurs de NABU et SAPO on identifié le chef de l’organisation criminelle « Carlson ».

         C’était lui qui contrôlait le fonctionnement de la « blanchisserie » où l’on blanchissait les fonds illégaux.



         De son appartement dans les étages supérieurs rue Kroutchevski à Kiev, Carlson décidait de qui allait recevoir de l’argent et combien, et coordonnait les efforts pour influer sur les officiels du gouvernement en faveur de ses intérêts — particulièrement dans les domaines de la Défense et de l’Énergie.

         Dans les conversations enregistrées par les enquêteurs, on peut l’entendre gérer les flux financiers, discuter de « l’enregistrement » d’individus de confiance à travers des emplois fictifs, donner des instructions sur la « sécurité », et se méfier d’une possible attention du NABU.

         Les NABU et SAPO ont relevé les preuves que des membres de l’organisation criminelle ont transférés des fonds à l’ex- Premier ministre-adjoint d’Ukraine, appelé « Che Guevara » dans les communications internes.

         En tout, on a enregistré le transfert d’un million deux cent mille dollars américains et près de cent mille euros en liquide — directement au bureau ou dans une clinique appartenant à l’un des membres de l’organisation criminelle.

         La dernière somme — 500 000 dollars — a été virée à la femme de Che Guevara après qu’il ait été suspecté de crimes de corruption par NABU et SAPO.

         Les noms de code pittoresques dont s’affublaient les membres de la mafia Mynditch incluaient « Rocket » « Professeur » « Ténor » et « Sugarman ».

         Le 11 novembre, Ukrainskaïa Pravda a révélé l’identité d’un autre personnage impliqué dans le réseau Mynditch.

         La ministre de la Défense Roustem Oumerov figurait lui aussi dans les enregistrements. Le 10 novembre, il a écrit un long post sur Facebook peu convaincant niant toute implication dans la corruption, mais admettant avoir rencontré Mynditch de nombreuses fois.

         (…)

         L’ancien ministre de l’énergie et actuel ministre de la Justice Herman Haloushenko est lui aussi mouillé. Il a été suspendu de son poste (mais pas limogé) le 12 novembre. Sur Facebook, il a accepté la décision, confiant, dit-il, en sa capacité à prouver son innocence.

         Le NABU a bientôt exhibé des preuves de son implication le 12 novembre. Dans une escalade majeure, Ukrainskaïa Pravda a commencé à impliquer explicitement Monsieur Zelenski.

         Dans l’un des épisodes des « enregistrements Mynditch » le président Zelenski appelle Herman Haloushenko après avoir reçu un message de Mynditch, a déclaré le procureur de SAPO durant une audience devant la Haute Cour anticorruption.

         Halouschenko a demandé quel était le message exact de Mynditch et Zelenski aurait répondu « Hera veut te parler ». Les individus concernés ont ensuite plaisanté sur ce message.

         Halouschenko a demandé à Mynditch « Qu’est-ce que je dois faire avec lui ? » cherchant apparemment des conseils sur la façon de parler au président.

         Mynditch a répondu : « Eh bien écoute Volodimyr, c’est tout… Tu comprends, je ne vais pas non plus aller travailler comme concierge ; je ferai ce que vous voulez, ce dont vous avez besoin, je suis à votre service… »

         Après ça Halouschenko s’est préparé à son entrevue avec Zelenski. Ces conversations sont véritablement distrayantes. Quoique parfois difficiles à comprendre, ce qu’il en ressort rappelle Tony Soprano donnant ses instructions à ses sous-fifres.

         (…)

         Le 12 novembre, la Haute Cour anticorruption a choisi d’adopter des mesures préventives à l’encontre de l’ancien conseiller de l’ex-ministre de l’Énergie Halouschenko , Igor Myroniouk. Il est détenu pour 60 jours sur une caution de 126 millions de Hrinyas.

         (…)

         Tandis que sept des personnes figurant sur les enregistrements ont été mis en examen, Minditch et Tsukerman se sont enfuis.

 

         Qui est l’informateur ?

 

         Contrairement à leurs infortunés collègues Carlson et le « Sugarman » avaient déjà filé en Israël. Ukrainskaïa Pravda avance que Mynditch passe le plus clair de son temps à Tel-Aviv. Comme son (ex) ami Kolomoïski, Mynditch est un personnage important de la communauté juive de Dniepropetrovsk.

         Pour sa part, Tsukerman a déclaré le 13 novembre que les accusations de corruption étaient infondées, fausses et mensongères. Pressé de dire s’il était en Israël, il a répondu diplomatiquement que « ça n’avait pas d’importance ».

         (…)

         Il est certainement affligeant que l’Ukraine en guerre soit si corrompue.

         (…)

         Alors comment ont-ils réussi à s’enfuir pendant le couvre-feu ? Selon Ukrainskaïa Pravda, Mynditch a franchi la frontière avec la Pologne a 2 heures et 9 minutes le 10 novembre, quatre heures avant le raid des agents anticorruption.

         Les officiels du gouvernement clament leur innocence. Les garde-frontières ont assuré que Mynditch avait quitté le pays légalement, en tant que père de trois jeunes enfants.

         Mais les rumeurs selon lesquelles on les a aidés à fuir abondent. Ils ont certainement été avertis du raid.

         (…)

         Ukrainskaïa Pravda vient de publier des photos prises dans le « coffre secret » de quelqu’un du réseau de Mynditch. Elles montrent qu’on se renseignait sur le chef du NABU Sémion Kryvonos, et le commandant de l’opération « Midas », Oleksandr Abakoumov.

         (…)

         Il y a des précédents. Plus tôt dans l’année 2025, un petit scandale a éclaté lorsqu’on a su qu’un ténébreux personnage très influent à Kiev, Denis Komarnistki ,avait reçu de l’aide des services de sécurité pour échapper à la justice. Au moment où le NABU commençait à s’intéresser à lui, le SBU l’a fait sortir du pays.

         (…)

         Komarnitski est réputé proche de Zelenski.

         Ukrainskaïa Pravda a aussi révélé que Che Guevara (Tchernyshov), l’ami de Mynditch aurait pu être aidé par les barbouzes de Zelenski. Il se serait rendu dans l’immeuble du GOUR (Direction Générale du Renseignement) mercredi, quelques jours avant de s’enfuir.

 

         La piste russe

        

         Dans des interviews les agents du NABU déclarent que « le groupe du crime organisé de Mynditch » avait des liens avec le « pays agresseur ». Voici :

         Le bureau où avaient lieu les opérations de blanchiment appartenait à la famille de l’ancien parlementaire Andrey Derkatch, accusé par les NABU et SAPO dans une autre affaire.

         Gelezniak, l’allié du NABU a également diffusé des images où Igor Mironiouk (« Rocket » dans les enregistrements) disait à la Cour qu’Herman Halouschenko (« Le Professeur ») était « l’homme de Derkatch » et entretenait apparemment des liens profonds avec celui-ci. Il n’a pas précisé à quelle date il se seraient interrompus.

         Derkatch une barbouze du FSB depuis toujours a joué un grand rôle dans les intrigues des élites ukrainiennes jusqu’à ce qu’il s’enfuie en Russie. En 2020, Derkatch a joué un rôle important dans la diffusion d’enregistrements incriminant Joe Biden pour corruption en Ukraine. Il l’avait agi de concert avec Zelenski à l’époque pour ternir la réputation de Poroshenko et se faire bien voir de Trump.

         (…)

         En dehors de Derkatch, Gelezniak essaie de relier tout ça à Sémion Moguilevitch, la plus célèbre autorité criminelle de Russie. Né en Ukraine, celui-ci a aussi un autre point commun avec les conspirateurs — un passeport israélien.

         La coalition anti-Zelenski comprend l’écosystème anticorruption de journalistes de d’ONG, des magnats étrangers comme Tomas Fiala et des poids lourds ukrainiens comme Poroshenko, tous désireux de remplacer le cabinet de Zelenski par des hommes à eux.

         (…)

         Est-ce que ça va marcher ? Le problème comme le confirmait l’ancien procureur national d’Ukraine dans une interview à Ukrainskaïa Pravda, c’est que le NABU a reçu des ordres occidentaux de ne pas s’en prendre à Zelenski directement. Se débarrasser du président en temps de guerre serait trop dangereux — le front pourrait s’effondrer.

         (…)

         Ma prédiction : encore beaucoup de bruit et de fureur et peut-être que Zelenski accordera des positions lucratives à des représentants de l’anticorruption. Puis ils se remettront à roucouler sur le combat de l’Ukraine pour la liberté démocratique et transparente.

         Ou peut-être pas. Il existe d’autres possibilités.

         Mais une chose ne produira pas — l’emprisonnement pour les coupables.

         (Peter Korotaev, Events in Ukraine)