3.7.23

Le poème du territoire

     Né à Elisatbtehgrad en UkraineArsène Tarkovski, (1907-1989) vécut jusqu'à la chute du Mur. Auteur soviet, il exerça dit-on quelques métiers dans les années 1920, apprenti bottier, pécheur, avant de monter à Moscou, comme feu mon ami Limonov, pour étudier en auditeur libre à l'Université Littéraire. Membre d l'Union des Écrivains, il traduisit des poètes serbes et participa à la traduction d'auteurs caucasiens. Il se lia d'amitié avec Marina Tsvaeteva, à laquelle il rendit hommage à sa mort en 1940. Correspondant de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale, participant plusieurs fois à des opérations sur le front, il fut blessé en 1944 et amputé. Il était le père du célèbre cinéaste Andreï Tarkovski, réalisateur du film-culte Stalker,  d'après une nouvelle de Ray Bradbury (ce que j'ai toujours cru, mais aujourd'hui même, 7-07- 2023, on me dit qu'il s'agissait en réalité d'un récit des frères Strougatski, l'école russe de SF ne le cédait en rien à l'école américaine, il est vrai ) que les lecteurs me pardonnent.

    Il offre ci-dessous un énigmatique poème sur l'immense territoire soviet. Le vertige d'un espace illimité est un thème classique de la poésie russe.


(Vers traduits par Thierry Marignac)


Photos © T.Z.













Je suis un homme, je suis des mondes le milieu 
Des myriades d’infuseurs derrière moi 
Des myriades d’étoiles devant moi 
De toute ma taille, je gis entre eux — 
Deux rives qui les mers vont relier 
De deux cosmos le pont jeté 

 Je suis Nestor, chroniqueur du mésozoïque 
Des temps à venir, je suis le Jérémie 
Je tiens en main montre et calendrier critique
 Je suis entraîné vers le futur, comme la Russie 
Et comme un roi-mendiant le passé, je maudis 

 J’en sais plus sur la mort que les gisants 
De tout ce qui vit, je suis le plus vivant 
Et — mon Dieu ! — quelque papillon blanc
 Comme une petite fille se met à rire de moi 
Comme un lambeau doré de soie 
Arsène Tarkovski 



 
Я человек, я посредине мира, 
 За мною мириады инфузорий, 
 Передо мною мириады звёзд. 
 Я между ними лёг во весь свой рост — 
 Два берега связующее море, 
 Два космоса соединивший мост. 

 Я Нестор, летописец мезозоя, 
 Времён грядущих я Иеремия. 
 Держа в руках часы и календарь, 
 Я в будущее втянут, как Россия, 
 И прошлое кляну, как нищий царь.

 Я больше мертвецов о смерти знаю, 
 Я из живого самое живое. 
 И — боже мой! — какой-то мотылёк, 
 Как девочка, смеётся надо мною, 
 Как золотого шёлка лоскуток 
Арсен Тарковский