L'hôtel Nouvel Europe de Bakou, où vécut Essenine
Dans l’année qui précéda sa mort, Serguei Essenine séjourna longuement à Bakou,
Azerbaïdjan. Il écrivit un cycle de vers aux couleurs Mille et une
Nuits. De ses voyages le poète rapportait toujours une floraison aux parfums
exotiques.
On raconte qu’il avait quitté la Russie
d’Europe en toute hâte craignant d’être arrêté par la Guépéou décidée à mettre
un terme aux scandales, aux crises d’ivrognerie et aux rixes déchaînées par le
poète, et qu’il sauta dans le dernier train…
Voici ce qu’avait psalmodié la muse
orientale à son oreille une nuit dans la chaleur :
« Pourquoi
la lune brille-t-elle d’une si terne lueur
Sur les jardins et les murs de Khorossan ?
Comme si j’allais sur la plaine russe cheminant
Sous le rideau frémissant du brouillard, sa
vapeur »,—
Ainsi questionnais-je chère Lala
Les nocturnes et silencieux cyprès
Mais leur armée pas un mot ne chuchota
Vers le ciel fièrement leurs faîtes se
tendaient.
« Pourquoi la lune brille-t-elle si
tristement »—
Demandai-je aux fleurs dans les fourrés sans
bruit
Les fleurs dirent : « Tu sens
Frémir les roses par mélancolie ».
Les pétales d’une rose s’envolèrent
Ses pétales secrètement me chuchotèrent :
« Ta Chagane un autre a caressé,
Ta Chagane un autre a embrassé
Elle a dit : « Le Russe n’a rien
remarqué…
Au cœur — une chanson, et pour le chant — le
corps et la vie
C’est ainsi que la lune si blême a brillé
C’est ainsi que tristement elle a pâli ».
On a trop vu les trahisons des amants,
Qui les attendait, qui point ne voulait, des
larmes et tourments.
Mais pourtant sont éternellement bénies
De couleur lilas sur terre les nuits.
Serguei Essenine, août 1925
·
·
Сергей
Есенин
От чего луна так
светит тускло…
«От
чего луна так светит тускло
На сады и стены Хороссана?
Словно я хожу равниной русской
Под шуршащим пологом тумана» —
Так
спросил я, дорогая Лала,
У молчащих ночью кипарисов,
Но их рать ни слова не сказала,
К небу гордо головы завысив.
«Отчего
луна так светит грустно?» —
У цветов спросил я в тихой чаще,
И цветы сказали: «Ты почувствуй
По печали розы шелестящей».
Лепестками
роза расплескалась,
Лепестками тайно мне сказала:
«Шаганэ твоя с другим ласкалась,
Шаганэ другого целовала.
Говорила:«Русский
не заметит…
Сердцу — песнь, а песне — жизнь и тело…»
Оттого луна так тускло светит,
Оттого печально побледнела.
Слишком
много виделось измены,
Слез и мук, кто ждал их, кто не хочет.
. . . . . . . . . . . . . . .. . . . . .
Но и все ж вовек благословенны
На земле сиреневые ночи.
Сергей
Есенин, Август 1925.
|