28.4.20

Le Moloch-Baal de Limonov

Le Limonov tragique de New York, ses éternelles blessures, datant de cette époque, nous est particulièrement cher, comme ce qui touche à la jeunesse le devient pour les crânes dégarnis… Il convient de remarquer que Limonov emploie pour New York la même métaphore que Dostoïevski revenu de Londres, mégapole de son époque… « Moloch Baal » ainsi Fédor Mikhaïlovitch avait-il baptisé la ville de Jack l’Éventreur… Un siècle plus tard, Limonov décerna ce titre à celle du « Son of Sam » qui terrorisa Queens durant l’été 1977…

(Vers traduits du russe par Thierry Marignac)

POUR NEW YORK

Le quotidien du jour, prends
Comme du ciel, un présent
Que ce journal soit l’ombre de guingois
Recouvrant ce jour quel qu’il soit

Carrément écrit dans ce canard
Que dans la nuit on a flingué un vieillard
Qu’un ami son ami a charclé
Et Finnegan, le policier
Est tout content de fouiller les poches d’un autre pour saisir —
Bandit à ses heures de loisir.

Notre ville est Grande et maléfique à la fois
Elle grouille de gens par millions
Comme une vermine vêtue de crasseuses combinaisons
Et ils sont sans lois.

Les diamants étincellent. Moloch se repaît
Augmente le nombre d’habitants
Mais ce qui nous dirige c’est l’argent !
Une lueur trouble l’argent déversait
Mais ceux qui n’ont pas un fifrelin
Ceux-là ne vont pas vivre bien

Si facile et effrayant, ça m’est
Poète extra-terrestre
Je bois du café au lait
Au-dessus de notre île pécheresse
Battre mon cœur il fait…

La contradiction apportant
Tout à coup je comprends doucement
Que la ville du Diable est belle
Vue d’une tout autre contrée loin d’elle

Ô ce ferry regardez,
De la rive s’éloignant
Sur ce sauvage et blême bâtiment
Lueur d’un ciel comme desséché !

Les volées de mouettes le matin. Le brouillard  purée de pois
Ces défilés dénudés
Comme une colonie de finnois
Où des hommes d’affaires de pays variés
Les concluent en pleine gueule de bois

Ici la vapeur traverse Broadway
Se précipite vers Wall Street
Et les pluies de l’Atlantique mauvais
Dès l’aube font résonner leurs suites…

Ce qui me gêne personnellement
C’est cet amour de New York la ville
C’est pas très clair d’où vient-il
Mais il me rend le cœur content

Elle a léché toutes mes blessures
Et m’a traîné par la ceinture
Quand rejeté je ne cherchais tant
Et plus que sempiternelle ruine et anéantissement

Elle m’a sauvé avec son pestiféré
Sarcasme secret cette ville
Son impertinente nudité
Si ce n’est pas face. Ce sera pile.

Edward Limonov (fin des années1970)

 

Нью-Йорку

Прими газету в этот день
Как бы подарком с неба
Газеты пусть кривая тень
Закроет день… как не был

Газета пишет напрямик
Что в ночь застрелен был старик
Что друг зарезал друга
И полицейский Финнеган
Проверить рад чужой карман —
Бандит в часы досуга

Велик наш город да и плох
В нем много миллионов
Людей как в грязной робе блох
И нету им законов

Блестят алмазы. Молох жрет
Количество людей растет
А деньги управляют!
И денег льется тусклый свет
А у кого их денег нет
Те плохо проживают
. . . . . . . . .
И мне так страшно и легко
Поэту иноземцу
И пью я кофе с молоком
Над нашим грешным островком
Который бьет по сердцу…
В противоречие вступив
Вдруг тихо понимаю
Что город Дьявола красив
Совсем с другого краю

О посмотрите на паром
От берега идущий!
На этот дикий бледный дом
Из неба как бы сущий!

На чаек утром. На туман
На голые ущелья
Как поселения зырян
Где бизнесмены разных стран
Дела ведут с похмелья

Здесь пар проросший сквозь Бродвей
Стремится к Уолл-Стриту
И Атлантических дождей
С утра слыхать сюиту…

Меня смущает самого
Любовь к Нью-Йорку граду
Не очень ясно отчего
Но сердце все же радо

Ведь раны он мои лизал
И подползал на брюхе
Когда я брошенный искал
Лишь гибели-старухи

Он спас меня своей чумной
Таинственной насмешкой
Своей нахальной наготой
Хоть не орлом. Но решкой.

Эдуард Лимонов