30.5.15

"Fasciste" par le meilleur romancier punk de tous les temps

Sang Futur, dans la réédition  Moisson Rouge,  2008.
Kriss Vilà, fut, il y a bientôt quarante ans, en 1977, tout d'abord mon idole, le romancier punk qui avait craché Sang Futur au DTV, soixante feuillets qui définissaient une époque, les vrais pros n'ont pas besoin de plus. Superbement servis par une maquette Sex Pistols. Ensuite, il m'enseigna les ficelles du métier. Comme Édouard Limonov, Hervé Prudon, ou encore  Daniel Mallerin l'éditeur du Dernier Terrain Vague qui nous publia tous les trois, il connaissait mon style de mauvais chien, ne cherchait pas à me communiquer ce que je savais d'instinct, seulement ce que j'ignorais à l'époque. Il m'apprenait comment on s'en sort, dans "le pire métier du monde, avec celui de turfiste", et j'en avais besoin. KV s'y connait en turfisme, il a gagné et perdu des fortunes sur les canassons, et en roman, il en a écrit une trentaine. Je remercie La traversée houleuse des apparences,  de m'avoir gratifié de tels mentors, les meilleurs, si maudits soient-ils.
La dernière parution du vieux maître Kriss Vilà, le plus professionnels des écrivains professionnels et j'en connais des wagons, est : MurderProd, Trash éditions, 2014.
Kriss m'a fait l'honneur du commentaire ci-dessous, pour Fasciste:

Fasciste, Presses-Pocket, 1989.


En cette fin des années 80, les déjà vieilles gloires du néo-polar renonçaient au noir pour lorgner sur la Blanche. Tout allait pour le mieux dans le petit monde des bien-pensants jusqu’à ce que le titre d’un livre les fasse bondir. Un inconnu nommé Thierry Marignac publiait  son premier roman qu’il osait intituler Fasciste. Titre scandaleux aux yeux des maîtres à panser germanopratins ! Il est amusant de constater que, un quart de siècle plus tard, ceux-là ne se sont toujours pas remis de leur traumatisme… Mais « You can’t judge a book by looking at the cover », chantait Bo Diddley. Il y a donc tout lieu de penser que les contempteurs de Fasciste n’ont pas dépassé la lecture du titre – ou alors, c’est qu’ils n’ont rien compris au rock’n’roll.
N’ayant pas relu Fasciste depuis sa parution, je me demandais comment le texte avait vieilli. « Je ne désire pas de gloire. Je veux entendre battre mon sang. C’est tout. » Bonne nouvelle, le sang y bat toujours. Le personnage principal a conservé tout son romantisme noir et ses acolytes Phong et Kriss suscitent toujours la sympathie d’un affreux anarchiste révolutionnaire dans mon genre. Une réplique du dernier nommé donne une clé de déchiffrage indispensable à la compréhension du roman : « Un peu moins d’ironie, et tu serais national-socialiste. » Sauf que, justement, cette ironie est une véritable constante, aussi bien chez le bonhomme que dans son roman. Pour s’en persuader, il n’est qu’à lire comment y sont décrits les bas du Front. Cataloguer Fasciste comme exprimant une pensée d’extrême droite est donc une absurdité ; il est tout sauf xénophobe, tout sauf racorni. Il est même brillant à plus d’un titre, riche de fulgurations qui avec le recul lui donnent des allures de littérature conjecturale.

Kriss Vilà