« Je veux une vie remplie
d’incidents » disait
Céline, très mauvaise référence,
évidemment, dans la politicorrectitude moderne, forme contemporaine de
l‘éternelle imbécilité conformiste, héritière du puritanisme protestant
d’origine américaine partout triomphante en Phrance post-moderne, celle qui se
sert des transgressions d’hier pour justifier les conventions d’aujourd’hui.
Néanmoins, et nonobstant les errements haute trahison pro-boches
(impardonnables certes, et alors, depuis quand les génies doivent être sans
taches ?…Depuis quand la réalité doit être sans paradoxes, depuis quand
les néo-cons et les gauchistes — frères en sectarisme et bêtise — ont le monopole de l’Histoire ?…) dont
l’auteur précité se rendit coupable, ce
fut tout de même le génie littéraire de langue française au XXe siècle. Il
avait quelques lumières sur la façon dont on fabrique une œuvre significative.
Au
nombre des « incidents », dont
Antifixe peut se glorifier, on compte, tout récemment, l’apparition de Valéri Sosnovski, compagnon de la sœur d’un poète dont le nom est
devenu au fil du temps sur ces pages familier au lecteur : Boris Ryjii. Et c’est notre seul titre
de gloire : être un aimant de subjectivités radicales, comme disait Vaneigem, « Cracher, seulement cracher, mais mettre au
moins tout le Niagara dans cette salivation », comme disait Drieu La Rochelle, justement à propos de Céline, dans sa préface à Gilles.
P.S. Tout à nos règlements de compte, on oubliait de préciser que ce poème est dédié à la sœur de Ryjii, par celui qui est son actuel mari, et qu'il évoque l'expédition du couple à Dvortchermet, où avait grandi Ryjii.
P.S. Tout à nos règlements de compte, on oubliait de préciser que ce poème est dédié à la sœur de Ryjii, par celui qui est son actuel mari, et qu'il évoque l'expédition du couple à Dvortchermet, où avait grandi Ryjii.
Ekaterinbourg, Sibérie, centre-ville, loin des cités d'urgence décrites ci-dessous |
VTORTCHERMET
(TRADUIT
PAR TM)
Les cours anciennes dans les
quartiers mal famés de Tchermet
Les mêmes vieillardes et les
mêmes balançoires.
VERS
DE FEU BORIS RYJII
1
Tu viens de pleurer sur mon
épaule
Sur tout, les débiles, les
tueurs, les types sortis de taule
Sur le monde sans pitié, sur le
fragile destin
Sur soi-même, notre jeunesse
vendue,
Des enfants trompés, depuis les
langes convaincus
De l’insouciance des temps
contemporains
De la pureté des paroles aux
lèvres paternelles
Et aux pages des livres, la
vérité éternelle.
2
Aux confins du monde, sous un
ciel gris,
Où le brouillard est une fumée
épaisse
Siècle après siècle, des tuyaux
d’usine jaillie
Soufflée tout droit dans l’âme,
industrielle puante graisse,
Où s’abritent dans des
immeubles de cinq étages
Tribus de demi-clodos, et de
semi-truands
Dressée au bord du gouffre,
toit arraché dans l’orage,
Dressée dans le vent noir,
comme un ange d’argent.
3.
Et les époques s’engouffraient
dans l’entonnoir,
Les vieilles cours, les tas de
neige, étreintes en rêve,
Crépuscule de la nuit, sur fond
de tuyaux fumants s’élève,
Trois bancs, les poteaux
défoncés d’une balançoire
Et l’entrée délabrée, comme un
mensonge ancien
Rebord de fenêtre plein de
mégots, débauche des voisins,
Son des bouteilles brisées, fouille
au corps dans un sourire,
Douceur putréfiée, funérailles
d’inconnus qui viennent de mourir.
4.
À ta mélancolie, ta douleur, tu
fis tes adieux,
Et te glaçait jusqu’aux os le
gel de janvier,
Par le haut réverbère
l’obscurité prolongée
Et ta voix tremblait, dans mes
paumes, tout au creux,
Et les ombres stalactites sur
la terre projetées
Trouvèrent le pardon, dans une chaleur
d’outre-tombe
Se consumèrent, étincelles,
libres pour l’éternité,
Les larmes sur la neige réduite
en cendres de catacombe.
Valéri
Sosnovski.
Champagne soviétique, publicité. |
ВТОРЧЕРМЕТ
Старенький
двор в нехорошем районе Ч
Те
же старухи и те же качели.
†Борис
Рыжий
1
Только
плакала ты у меня на плече
О
дебилах, убийцах, зэка и вообще
О
безжалостном мире, о хрупкой судьбе
Нашей
проданной юности, и о себе,
Об
обманутых детях, которых с пелен
Убеждали
в беспечности наших времен,
И
в безгрешности слов на отцовских устах,
И
в бессмертии истин на книжных листах.
2
На
окраине мира, под небом седым,
Где
туманом является пасмурный дым
Из
фабричной трубы, где столетья подряд
Прямо
в душу смердит жировой комбинат,
Где
ютится в домах ровно в пять этажей
Племя
полубандитов и полубомжей,
Ты
стояла у бездны, разъятой вверху,
Как
серебряный ангел на черном ветру.
3
И,
сорвавшись, летели в воронку времен
Старый
двор и сугробы, объятые сном,
Сумрак
ночи на фоне дымящей трубы,
Три
скамейки, разбитых качелей столбы,
И
подъезд, обветшавший, как древняя ложь,
Подоконник
в окурках, соседский дебош,
Звон
разбитых бутылок, с ухмылкою шмон
И
тлетворная сладость чужих похорон.
4
Ты
прощалась с печалью и болью своей,
И
январский мороз пробирал до костей,
И
высокий фонарь темноту удлинял,
И
твой голос в ладонях дрожал у меня,
И
застывшие льдинками тени в земле
Обретали
прощенье в нездешнем тепле
И
сгорали, как искры, свободны навек,
ВАЛЕРИИ
СОСНОВСКИЙ.