Je suis ébloui par les vers de V. Popov, d’une pureté, cruauté, profondeurs admirables. Avec mes humbles moyens, je tente de les transmettre, sans savoir si je tombe juste. La simplicité apparente de ces poèmes est trompeuse, tant de sous-entendus !… Ai-je correctement déchiffré ce poète… Dans son langage poétique… Car c’est bien là la difficulté !… Il ne s’agit pas seulement de la langue étrangère mais de la façon dont le poète se tricote sa langue singulière. Mes tentatives de capter celle-ci ont le mérite d’exister… J’attends les critiques et corrections de l’amie qui m’envoie l’œuvre de ce poète vivant que je n’ai jamais vu…
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Moscou 56 Willem Van Genk |
(Vers traduits du russe par Thierry Marignac)
Vous m’avez enterré,
Menue monnaie laissée tomber
Dans cet abîme, dans cette fissure
Ainsi d’ici-bas, je me suis retiré
Dans l’éternelle tempête pure
Vibrant de l’air étoilé
L’ange de l’irréprochable plaidoyer
À travers moi a rayonné :
Tendrement, la lumière à son visage pointait
Le givre des noms étincelait
Miraculeux destin du réfugié
Je devins chanson et dans l’abîme me suis caché.
V. POPOV
вы меня похоронили,
как монетку уронили
в эту бездну, в эту щель —
так я выбрался отсель.
я летел в метели вечной,
звездным воздухом звеня,
ангел речи безупречной
излучился сквозь меня:
нежно брезжил свет лица,
иней имени искрился,
чуден жребий беглеца —
песней стал и в бездне скрылся.
V. Popov
Dans la mer de l’équilibre
S’est arrêté l’avion
Ça n’est pas une dépression
Une glace aux pures fibres
La glace pure de la folie
Étoiles et repos
Rends-toi compte, j’ai péri
Et je repose ainsi
Ailes argentées à mon dos
Rentré le châssis
A l’escale, les gens
Sont presque une demi-douzaine
On dérive vers l’enregistrement
Vers Bekhovo on se traîne
L’atmosphère boire
De l’instant noir.
V. Popov
в море равновесия
замер самолет
это не депрессия
это чистый лед
чистый лед безумия
звезды и покой
представляешь умер я
и лежу такой
крылья серебристые
втянуты шасси
человек на пристани
около шести
приплывем в поленово
в бехово пойдем
воздуха мгновенного
черного попьем
V. Popov
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Claudia Lennear, célèbre groupie des Rolling Stones |
À la mort ressemble mon amour
Et aussi son regard me traverse
La mort a une peau mate adverse
Transparente à la lumière du jour
Mon amour se perd comme la mort
Par des flammes brumeuses dans le noir
Qui obscurcissent ou brillent encore
En fantôme il semble me voir
Dans son esprit clandestin
De remuer, je crains,
De l’effrayer tel un papillon de nuit délétère
Comme nos visages se ressemblèrent
Comme de nos visages la poussière de pollen est légère
La vie est une planète solitaire
Les réponses justes ont disparu
Les sourires de l’ombre et éclats de lumière
Nous étions là, et nous n’y sommes plus
V. Popov
любовь моя на смерть похожа
и так же смотрит сквозь меня
у смерти матовая кожа
прозрачная при свете дня
любовь моя как смерть витает
туманным пламенем во тьме
то смеркнется то вновь светает
меня за призрака считает
в своем таинственном уме
а я боюсь пошевелиться
спугнуть ее как мотылька
о как похожи наши лица
как наших лиц пыльца легка
жизнь одинокая планета
исчезнуть правильный ответ
улыбка тьмы и вспышка света
мы были здесь и вот нас нет
V. Popov