20.4.25

Ô lyre des sirènes…

 

La découverte du poète-voyou des années 1960 de l’ère soviet Tchoudakov, il y a une quinzaine d’années grâce à Kira Sapguir qui s’amusait à me jeter des poètes en pâture, voir si je mordais à l’hameçon, avait été initiatique : sauf peut-être chez Boris Ryjii, encore un cadeau de Kira, je n’ai jamais retrouvé un langage poétique d’une telle richesse, un humour aussi moderne, un cynisme aussi tragique. Et, souvent, dans la simplicité trompeuse du vers, il en aurait remontré à Limonov, qui en était jaloux. 

Tchoudakov empruntait beaucoup au cinéma, dont il était spécialiste, nègre des critiques officiels dans les publications spécialisées.

Nous republions ici un poème dont la traduction a été améliorée : « Des ombres d’outre-tombe… »

Hugo Ball, journal, 1915


(Vers traduits du russe par Thierry Marignac)

 

Je marche et les oiseaux chantent en fait

Se taisent des arbres les poèmes

Il n’est besoin d’aucun poète

D’un tout autre ordre sont les problèmes

 

Les oiseaux de mars dans leur complexe gazouillis

La mort rôde comme l’ordure dernière

Sur la dépouille, il y aura travelling arrière

L’antineige du crématoire la suie.

Sergueï Tchoudakov

 

Я иду и птицы поют

И молчат деревьев поэмы

Никакой не нужен поэт

Совершено иные проблемы

 

В сложном щебете мартовских птах

Бродит смерть как последняя лажа

Будет съемка обратная прах

Антиснег крематорская сажа

Сергей Чудаков


Beauté soviet

 

Copine, chatonne, étoile du cinéma

Oppose aux lèvres une épaule glacée

Ni loin, ni près, apprends à scintiller

Ne soufflant ni le chaud, ni le froid…

Sergueï Tchoudakov

 

Кинозвезда, приятельница, киска,

Подставь губам холодное плечо

Учись сиять не далеко, не близко

Ни холодно, ни горячо…

Сергей Чудаков

Ciel déchiré


 

Des ombres d’outre-tombe dans le feu gris de la T.V. tordait

Le héros du travail, les feux insérés en larmes dans le cuivre déversait

Et à nouveau les sifflements déments, d’eau bénite il arrosait

Mais vu la frigidité des sorcières, le Sabbat on annulait

 

L’orchestre des invalides aveugles musiquait au crématoire

La télé soviétique diffusait ses émissions

Oh, nous consumons si mal les briquets d’amadou de l’Histoire

Plus l’époque est minable, plus cher toujours nous la payons.

Sergueï Tchoudakov

 

А в сером огне TV загробные тени кривил

Ударник вставные огни как слезы ронял в медь

И вновь сумасшедшие свисти святую водою кропил

Но шабаш отменён по причине фригидности ведьм

 

Оркестр слепых калек музицирует в крематории

Советский TV ведёт свои передачи

О как мы скверно горим торфяные брикеты истории

Чем дешевле эпоха тем дороже всегда переплатишь

 

Сергей Чудаков






 

D’une démarche légère de prisonnier libéré

La pierre blanche de la métropole fouler

Comme ton air de harem m’est doux et sucré

Les berceuses de Pâques et le son des clochers

Sergueï Tchoudakov

 

 

Легкой походкой послетюремной

По белокаменной первопрестольной

О как мне сладок твой воздух гаремный

Лепет пасхальный и звон колокольный

Сергей Чудаков