Konstantin Komarov |
L’amour,
la poésie… On croirait une rengaine d’André Breton, dit Dédé-les amourettes, à
sa mauvaise période… Mais c’est un thème estival, et la parité exige que nous
nous consacrions un peu à nos lectrices… Nous connaissons à peine Konstantin
Komarov, lauréat de plusieurs prix,
poète publié dans de grandes revues russes, telles que
« Znamia » et « Novi Mir ». C’est un spécialiste de
Maïakovski, vivant et travaillant à Ekaterinbourg, croisé fugitivement un soir
d’ivresse où tout semblait possible au Centre Eltsine, laissant cette touchante
dédicace sur son recueil « Bons baisers de Sverdlovsk » (Sverdlovsk est l'ancien nom d'Ekaterinbourg à l'époque soviet). Nous le
connaissons aussi peu que Sémione Piégov,
poètes entrevus en un clin d’œil, dont les vers cryptés résonnent plus
tard dans la mémoire. Quelle chance que cette vie « universellement
hâtive », quelle chance que la poésie en terre russe, un des derniers
bastions !…
Poème
de Konstantin Komarov
(Traduit du russe par Thierry Marignac)
Je suis sorti de la chambre comme on sort du
coma,
Comme parfois le matin d’un mauvais rêve de
gueule de bois,
Je suis allé en ville et tant de visages
connus j’ai vu
Je voulais leur dire, m’en suis abstenu et n’en parlerai plus.
On se tait, on observe, on fume, genre fardeau
allégé,
On se sent presque dans le monde, comme en
paix,
Comme si l’avant-bras luxé provisoirement se
remettait
L’espace est adroit, quoique chirurgien sans
pitié.
De plus je crois, par quelque ridicule hasard
Lorsque régresse, déversée grappe à grappe ma
langueur,
Que nous nous croiserons demain, que tu es
quelque part,
Que pour ton propre usage je te lis par cœur.
Et chante l’été, et à chaque fenêtre une
moustiquaire,
Et comme toujours c’est là que ça tourne à la
sinistrose
Voilà que les toxicos se détachent de
l’aiguille somptuaire
Et que le manque les renvoie aussitôt au
dealer pour leur dose.
Et si j’étais avec toi on se promènerait main
dans la main
On mangerait de la barbe à papa, on irait au
ciné et dans les jardins
Tu sais, j’arrive sans croire de mon cœur le
battement,
Comme si j’étais vivant, mais ce n’est pas mon cœur pourtant.
Et à nouveau comme d’habitude les murailles se
mélangent avec la vérité,
Et à nouveau l’acide du mélange s’écoule dans
les yeux fatigués
Et prend la relève de la douleur, clairvoyance coutumière :
Laisser deux rimes — et retourner en arrière.
Je ne souhaite pas à mon ennemi, de partager
un tel destin,
Ligne à ligne se referme un axe mortel,
Je te recouvrirai d’une couverture si tu
viens,
Grande et belle pour que nous dormions mieux
sous elle.
Et nous nous étonnerons, par un léger chatouillement,
éveillés,
Des italiques fresques du matin surgies à nos
lèvres à l'instant.
Ainsi, je ne réveillerai pas des derniers pincements ,
Les blessures, qu’à la pointe du crayon je fais seul à mon cœur
dépouillé.
Constantin Komarov.
как утром порой из похмельного сна выхожу,
я в город пошёл и увидел там много
знакомых,
хотел им сказать, но не стал и уже не
скажу.
Молчишь, наблюдаешь и куришь, и будто бы
легче,
и в мире себя ощущаешь почти, как в миру,
как будто бы времени вправило вывих
предплечья
пространство – умелый, но очень жестокий
хирург.
К тому же я верю с каким-то нелепым
азартом,
когда отпадает, налившись, как гроздь моя
грусть,
что ты где-то есть, что с тобою мы
встретимся завтра,
что я прочитаю тебя для тебя наизусть.
А лето поёт, и на каждом окне накомарник,
и вот как всегда мне становится муторно
тут,
вот так вот наивно слезают с иглы наркоманы
и с первой же ломки за дозой к барыге
бегут.
А будь я с тобой, мы б ещё погуляли за руку,
поели бы сахарной ваты, сходили бы в парк и
в кино,
ты знаешь, вот я прихожу и не верю
сердечному стуку:
как будто живой, а стучит всё равно не оно.
И снова привычно мешаются с истиной стены,
и вновь кислота этой смеси течёт по усталым
глазам,
и боли привычной прозренье приходит на
смену:
две рифмы оставит и тут же уходит назад.
Врагу не желаю, чтоб этим судьба оделяла,
строка за строкой замыкается смертная ось,
когда ты придёшь, я укрою тебя одеялом,
большим и красивым, чтоб нам под ним крепче
спалось.
И мы удивимся, проснувшись от лёгкой
щекотки,
от росписи утра курсивом по нашим губам.
Поэтому я и не сыплю последней щепотки
на раны, что грифелем делаю на сердце сам.
Константин
Комаров.