http://mtrpl.ru/ded
Au lien ci-dessus, on peut trouver la version russe de l'article traduit ci-dessous. À Antifixe, il nous a bien fait rigoler, rappelant un vieil article du magazine hip-hop noir Vibe, dans lequel Bonz Malone, marlou noir roi de la matraque, devenu journaliste après quelques séjours à la prison de Riker's Island racontait son admiration pour Sinatra dans un papier intitulé: The Duke. Le rital d'Hoboken impressionnait le petit gangster black du Bronx : Ava Garner, Sam Giancana, Fat Tony Salerno (cet ex-garde du corps de Sinatra répondit au juge qui l'engueulait de s'être endormi à son procès:" La dernière fois que j'ai ouvert l'œil, Monsieur le juge, vous m'avez condamné à un siècle…") les smokings, les femmes, la pègre et les Oscars. Damn !… s'était dit Bonz Malone, la classe !…
On verra ici le même exercice, Limonov comme icône hip-hop, par un journaliste russe de rap.
Le réel tel qu'il n'est jamais perçu par ceux qui savent tout, et ne connaissent rien, les grandes consciences et les enfonceurs de portes ouvertes qui n'ont pas sauté un seul repas de leur vie.
Au lien ci-dessus, on peut trouver la version russe de l'article traduit ci-dessous. À Antifixe, il nous a bien fait rigoler, rappelant un vieil article du magazine hip-hop noir Vibe, dans lequel Bonz Malone, marlou noir roi de la matraque, devenu journaliste après quelques séjours à la prison de Riker's Island racontait son admiration pour Sinatra dans un papier intitulé: The Duke. Le rital d'Hoboken impressionnait le petit gangster black du Bronx : Ava Garner, Sam Giancana, Fat Tony Salerno (cet ex-garde du corps de Sinatra répondit au juge qui l'engueulait de s'être endormi à son procès:" La dernière fois que j'ai ouvert l'œil, Monsieur le juge, vous m'avez condamné à un siècle…") les smokings, les femmes, la pègre et les Oscars. Damn !… s'était dit Bonz Malone, la classe !…
On verra ici le même exercice, Limonov comme icône hip-hop, par un journaliste russe de rap.
Le réel tel qu'il n'est jamais perçu par ceux qui savent tout, et ne connaissent rien, les grandes consciences et les enfonceurs de portes ouvertes qui n'ont pas sauté un seul repas de leur vie.
ÉTRANGE LIMONITE[1]
Par Igor Antonovski (article paru dans
le magazine Métropolis)
(Traduit
du russe par TM)
Je me
souviens être tombé un jour sur un article au sujet d’une chanson de Kanye West
intitulée « I’m a God », dont l’auteur qualifiait West de « plus
grand égomaniaque de l’humanité » (sic) avec un ravissement d’écolier,
raison pour laquelle on pouvait lui pardonner ses rimes sans queue ni tête, et
un phrasé loin d’être parfait. Naïf. C’est Édouard Véniaminovitch Savenko,
alias Limonov, le plus grand égomaniaque de l’humanité, et depuis plus de
trente ans. Par rapport à notre Limonov, leur West est un grand timide d’une
modestie maladive.
L’IMPERTINENCE, LA MEILLEURE QUALITÉ DE
LIMONOV
On a
pas mal écrit sur Limonov. Mais nous allons aborder quand même ce qu’il a fait
pour le hip-hop à son âge adulte. Il y a tellement à dire que nous considérons
Limonov comme le nègre russe le plus important depuis Pouchkine.
J’adore
Limonov. Pour parler franchement, difficile d’y résister. Il suffit de lire
« Le Livre des morts » où
le vieux parle des disparus sans la moindre révérence — c’est déjà bien, déjà
insolent. L’impertinence est l’une des qualités
de Limonov, il excelle dans le genre. Il s’en prend par exemple à
Dovlatov[2],
l’accusant de manquer d’âme. Et qu’est-ce que c’est Dovlatov ? Un vantard
autoproclamé qui se positionne au-dessus des autres, mais tout cela à travers l’introspection
et l’autoflagellation. Le héros de Dovlatov comprend très bien qu’il est un
perdant merdique, mais, serrant les dents,
il considère que cette attitude est la seule qui soit possible et
fidèle.
Limonov
et ses héros s’opposent pathologiquement à cette assertion. Dovlatov est un
lâche qui se planque derrière ses malheurs et son ivrognerie, un lâche de
dernière catégorie croyant que cette position le met au-dessus des autres. On
peut dire ce qu’on veut sur Limonov mais ce n’est ni un lâche, ni un perdant.
Il fonce sans souci des conséquences, persuadé qu’il n’est pas pensable de
s’abriter sous les champignons géants du jardin d’enfants avec son verre de
vodka. Il se trimballe avec des couteaux et des flingues, piétine ceux qui se
trouvent sur son chemin et s’en sort victorieux, jamais bidon. C’est une issue
vers un monde sans faux semblants — un monde d’authentique gangsta-rapper.
Limonov s’efforce de confirmer son œuvre, une biographie sans cesse
recommencée, dans sa vie ; il croit que seule une vie de combat peut lui
permettre de conquérir ce droit-là. Le droit de composer des odes « au
pain, à la viande et au cul » le droit de clamer : « I’m a
hassa, no I’m an asshole ».
SA CARRIÈRE A COMMENCÉ AU MARCHÉ CENTRAL DE KHARKOV OÙ IL RÉCITAIT DES VERS, TANDIS QUE SON POTE, LE GARÇON BOUCHER, FAISAIT LES POCHES DES SPECTATEURS
SA CARRIÈRE A COMMENCÉ AU MARCHÉ CENTRAL DE KHARKOV OÙ IL RÉCITAIT DES VERS, TANDIS QUE SON POTE, LE GARÇON BOUCHER, FAISAIT LES POCHES DES SPECTATEURS
Difficile
d’imaginer un meilleur début à une carrière hip-hop. Il fréquentait la
délinquance, passait dans les trous d’aération pour cambrioler, observait la
façon dont les voyous de Kharkov tuaient lors des attaques à main armée, il
faisait les sacs à main, et se tranchait les veines. Et tout ça dans le pire
ghetto de Kharkov. Ce genre d’enfance aurait produit une bonne dizaine de Kanye
West. Mais Limonov était aussi inspiré, et rédigea Autoportrait d’un bandit dans son adolescence[3],
pure poésie des rues, scandée au rythme des râles de génitoires
pubertaires. Limonov écrivait des vers
avec lesquels il partit à Moscou. Ces vers sont déjà du rap, ces strophes
brisées, ce rythme déchiré, sont impossibles à lire en solo, il faut les
réciter à voix haute, en transes. Sur Limonov en tant que poète on peut encore
dire qu’il était insupportable, et oui, qu’il arrive par endroits qu’il écrive
plus mal que n’importe quel adolescent. Mais quelle importance, du moment qu’il
est convaincu d’écrire mieux que Brodski ? Et comment ne serais-tu pas
meilleur que Brodski, ne serait-ce que parce tu te trimballes avec une
mitraillette dans une Serbie déchirée par la guerre ? Comment ne
s’agirait-il pas de poésie authentique ? Il y a ceux qui tirent à la
Kalach, et ceux qui réveillent leurs matous, pour les montrer aux amis. Les
premiers sont des poètes. Qu’on se souvienne du destin de Pouchkine.
DU SWAG ET DU TRAP COMME ON EN FAIT PLUS,
DISCIPLINÉ ET DÉMENTIEL
L’essentiel,
la rencontre des nègres, se produit plus tard dans la vie de Limonov. Il vit
avec eux dans un hôtel puant. Il l’acceptent comme un des leurs et ensuite il
arrive une aventure restée célèbre.
Existe-t-il dans la culture hip-hop quelque de plus authentique que
cette bite dans la bouche telle qu’elle est décrite dans « Le Poète russe préfère les grands
nègres »[4] ?
Cette souffrance d’avoir été largué par sa femme, ce danger omniprésent, cette
fierté, avec laquelle ce mec taille une pipe ? Un type supérieur
s’abaissant à sucer la bite d’un simple nègre. Ces pages, ces strophes
brillantes de la littérature russe doivent être scandées sur les beat les plus
lourds, c’est du SWAG et du TRAP, discipliné et démentiel.
Il va
sans dire que dans cette scène Limonov ne
s’est pas contenté de mêler la vie et son texte, mais il a créé la chair de son
œuvre littéraire. Bien qu’il ait déjà pas mal œuvré pour le développement des
lettres russes et planétaires. Limonov vit son baptême du feu, et devient
l’égal de Pouchkine dans la littérature russe. Ils sont deux à se dresser ainsi
— les nègres inaccessibles.
Il
termine son premier roman par ces mots « Je vous ai tous baisé, salopes,
tous baisé dans la bouche. Allez tous vous faire foutre ». Limonov
souligne qu’il se contente de le murmurer, que ce n’est pas musical, que c’est
l’imparfaite conclusion d’un Track majestueux.
Limonov
s’est toujours sapé comme un Dieu, c’est de notoriété publique. Il a été
tailleur, et l’élégance du vieux bougre est reconnue même par ses ennemis. Quelques indicateurs supplémentaires sur l’origine nègre de Limonov, s’il fallaitt encore
vous en convaincre. Je ne m’étendrai pas sur ses nombreuses conquêtes
féminines. Gangsta.
LIMONOV AFFÛTA SON STYLE JUSQU’À L’ÉPURE
Ensuite
Limonov partit s’installer à Paris, coqueluche de la gauche caviar, se balada
en ville en capote de l’Armée Rouge, baisant avec Natalia Medvedeva. Et il
écrivit encore une dizaine de textes géniaux, où l’on retrouve tout ce qu’on
peut se représenter de la culture hip-hop. Trouvez donc un beatmaker digne de ce nom, et tant que Limonov est de ce monde,
qu’il les récite de sa voix haut perchée. De quoi ébranler le monde. Les récits
de la guerre serbe, les mystères de Paris, les doctrines totalitaires. Les
meutes de loups de banlieue aux crânes rasés, qui se précipitèrent vers Limonov
et son parti — est-ce que Jay-Z ou RUN-DMC ont jamais eu des fans de ce calibre
même à la meilleure époque ? Limonov affûta son style, sa prose était
dépouillée jusqu’à l’épure, il n’en restait que le muscle, les muscles du nerf
optique, de la langue, des poings — les muscles qui portaient la vérité unique,
subjective, un regard hyperégocentrique sur le monde. La vie devenait une œuvre artistique,
et plus important encore : à la différence de la plupart de ceux qui avait
joué leur vie sur l’autel du hip-hop, Limonov a survécu. Tupac Shakur, Notorious
B-I-G, ainsi qu’Alexandre Pouchkine, ils se sont tous fait descendre. Limonov
était tellement balaise, qu’il s’est débrouillé pour survivre à travers tout
son destin total hip-hop.
Cependant,
bien entendu, comme n’importe quel gangster noir, on envoya Limonov en taule
pour port d’arme prohibé. Au trou, il parvint à vivre en harmonie, malgré les
pages célèbres, citées plus haut. Il vécut et se sentit à l’aise parmi les
taulards, cultiva son bronzage, eut l’expérience religieuse de l’extase.
Les
récentes visions métaphysiques de Limonov ces dernières années ne font
qu’ajouter à son charme. Il ne s’est pas fait élire à la présidence, même le
président noir des Etats-Unis n’est pas un rapper. Il n’est pas encore temps
pour le hip-hop de prendre le pouvoir. S’arracher de ses charnières, c’est ce
qu’il y avait de plus digne pour cet homme-là, dans la vie duquel on trouve
tout.
(…)
N’OUBLIEZ PAS QUI EST LE PARRAIN
Le
nègre Limonov continue à crier dans les micros sur les places publiques,
rassembler les meutes de jeunes et d’affamés et termine ses discours en disant
que c’était sa dernière oraison en date. Et c’est très juste, en effet, la culture
hip-hop vient des sermons protestants, à pleins tubes, enragée, criarde,
musicale — comme toute l’œuvre de Limonov. Comment pourrait-il finir de scander
ses textes autrement ?
Il est
plein de force, d’énergie, et tire
encore des jeunesses. C’est un nègre, un créateur et un gourou, et à une époque
où les étoiles du hip-hop sont les personnalités les plus importantes du temps
présent, il a mérité le titre d’étoile première classe, devant toutes les
autres. Du reste, c’est lui-même qui se l’est approprié.
Et tout ça
pour dire que la prochaine fois que vous écrirez quelque chose sur Kanye West
et ce genre de gusses, n’oubliez pas qui est le patron, qui est le parrain.
Igor Antonovski, 25 septembre 2013.
[1] Hydroxyde de fer terreux, utilisé comme minerai
(LAROUSSE).
[2] Auteur satirique russe mort aux Etats-Unis
en 1990, dont l’ouvrage le plus connu est Zona, tiré de son service militaire dans les camps du Goulag.
[3] Albin
Michel, 1985.
[4]
Ramsay-Pauvert, 1980.