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16.4.20

On n'échappe pas au destin

"En lieu et place des bombes atomiques, ils agiront de manière plus raffinée en répandant sur des peuples entiers des calamités et épidémies"

         Notre première étape de l’apocalypse programmée (le virus cybernétique dont j’oublie le nom, on ne me l’a pas assez répété, comme celui du président phrançais — comment s’appelle-t-il déjà ?) est un moment à la fois existentiel et pragmatique. Existentiel de la façon la plus élémentaire : face à nous-mêmes du matin au soir, les trompe-l’œil virtuels peinent soudain à nous détourner de la douloureuse à la fin du banquet, même avec leur jeu de miroir du simulacre éternel, de la marchandise comme salut divin. Feu mon ami Limonov le répétait, la mort est un des risques du métier d’homme. Pragmatique parce que les verdicts « complotistes » sur une hyperclasse devenue folle dans la démesure d’une cupidité hystérique sont avérés catégoriquement : les queues présentes devant les magasins distanciés socialement, révèlent visiblement ce que le système était déjà devenu essentiellement, la variante « soviétique »,  la planification marchande comme idéologie mortifère. En d’autres termes : le passage subliminal du stalinisme au cœur même du capitalisme post-moderne, que j’évoquais, à ma modeste mesure dans mon roman d’amour  « L’Icône », paru en septembre aux éditions des Arènes, j’épargnerai au lecteur le nombre de pages et le prix…
         En des temps si complexes, il est rafraîchissant de retourner à la simplicité désarmante de mon cher Essenine, dont Limonov ne m’a jamais parlé mais dont il s’inspirait, j’en suis sûr.


         (Vers traduits du russe par Thierry Marignac)
         Cesse de cogner, cœur idiot !
         Nous sommes tous trompés par le bonheur,
         Le mendiant n’en demande que son lot…
         Cesse de cogner, stupide cœur.

         De la lune les jaunes sortilèges
         Déversés sur les châtaigniers du p’tit bois en cortège.
         Lale s’inclinant sur les pantalons orientaux,
         Sous son tchador, je m’enfouis, me protège.
         Cesse de battre la chamade, cœur idiot.

         Tous par moments, comme dans l’enfance,
         Souvent rions et pleurons à la ronde :
         Nous sont échus au sein du monde
         Et la joie et la malchance.
         Cesse de cogner, cœur sans intelligence.

         De nombreux pays j’ai vu
         Et partout j’ai cherché le bonheur
         Seul le destin voulu
         Je ne chercherai plus.
         Cesse de cogner, imbécile cœur.
        
         La vie ne m’a pas tout à fait trompé.
         On s’abreuve d’une force nouvelle.
         Cœur tu auras pu au moins t’ensommeiller
         Aux genoux d’une chère demoiselle.
         La vie ne m’a pas tout à fait trompé.

         Peut-être que nous remarquera
         La destinée en avalanche déferlant,
         Et à l’amour répondra
         Par un rossignol chantant.
         Cesse de cogner, cœur inintelligent.
         Sergueï Essenine, 1925.

Глупое сердце, не бейся!
Все мы обмануты счастьем,
Нищий лишь просит участья...
Глупое сердце, не бейся.

Месяца желтые чары
Льют по каштанам в пролесь.
Лале склонясь на шальвары,
Я под чадрою укроюсь.
Глупое сердце, не бейся.

Все мы порою, как дети.
Часто смеемся и плачем:
Выпали нам на свете
Радости и неудачи.
Глупое сердце, не бейся.

Многие видел я страны.
Счастья искал повсюду,
Только удел желанный
Больше искать не буду.
Глупое сердце, не бейся.

Жизнь не совсем обманула.
Новой напьемся силой.
Сердце, ты хоть бы заснуло
Здесь, на коленях у милой.
Жизнь не совсем обманула.

Может, и нас отметит
Рок, что течет лавиной,
И на любовь ответит
Песнею соловьиной.
Глупое сердце, не бейся. 

Сергей Есенин, 1925.