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5.4.20

La pandémie vue de Smolensk



De Smolensk, Cemione Piegov nous envoie ces poèmes "pandémiques", regard singulier d'une mélancolie symboliste, dans son style raffiné.

(Vers traduits du russe par Thierry Marignac)
FUSILLADE

Oui, on a un revolver sur la tempe, mais ça ne fait rien,
Tant que son mécanisme reste serein,
D'être réchauffé par la terreur on a une petite chance
Tandis que se tend le ressort de la concurrence.
De comptoir en comptoir la purge se poursuit
De Lovecraft la misère asexuée —
Des femmes sans hanches celles-là mêmes qui
Engendrent dans les entrailles mentales de Salomé,
Se profilant derrière elles comme des moyens de payer la patente
La tête ballante, trainent les Atlantes.
Je regarde tout ça, ayant survécu grâce à ma cervelle bien faite,
Je pense: «La peste! La peste! plus vite que ça!»
D'une virile vérité le monde rougeoiera
Dès que cliquètera la gâchette.
Sémione Piégov

РАССТРЕЛ
Да, есть и револьвер у головы, но ничего,
Пока спокоен механизм его,
Есть малый шанс от жути отогреться,
Пока расправлена пружина конкурентства.
Ведут зачистку от прилавка до прилавка
Бесполые убожества Лавкрафта -
Без бёдер женщины, что самее самей,
Плодят в ментальных недрах саломей, 
За ними будто средства для оплаты
Понурые слоняются атланты.
Смотрю на это, выжив из ума,
И думаю: «Скорей - чума, чума!».
Мир обагрится правдою мужской, 
Как только лязгнет спусковой.
Семён Пегов



HÉCATOMBE
Hécatombe. Les frontières verrouillées.
Les amazones ne s'épileront plus les sourcils
Dans les steppes vides des boulevards tu vas errer
Comme le poète, autrefois entonnant Boebobbi[1]
Tout autour des visages masqués —
Tout le monde d'ici-bas en Perse s'est transformé
L'hécatombe et la steppe étaient ses prophéties
Une steppe de supermarchés et de poisseux distributeurs de billets
Et le vide luisant ne peut sécher jamais
L'homme sera semblable au mollusque à l'avenir.
Et tout ceci je ne saurais décrire
Comme le poète, qui en russe point n'écrivait.
Et si je le pouvais, alors je pourrais écrire:
Le surhomme est un barbare monstrueux, extraordinaire.
Mon principe est plus simple. Je vais aller dormir.
Et voir en rêve, fraichement cuisiné, le pilaf du vocabulaire.
Sémione Piégov


ПОВАЛЬНЫЙ МОР

Повальный мор. Границы на замках.
И амазонки впредь не бреют брови.
В пустой степи проспектов бродишь как
Поэт, однажды спевший бобэоби.
Вокруг лица обмотанный платок -
Весь здешний мир преобразил в персидский.
Повальный мор и степь его пророк,
Степь супермаркетов и банкоматов склизких -
И пустоту сию не иссушить никак,
Впредь человек сравняется с моллюском.
И мне бы этого всего не сдюжить как
Поэт, что не писал на русском. 
А если мог, то мог бы написать:
Сверхчеловек - чудовище и варвар.
Мой принцип проще. Просто буду спать
И видеть сны про свежий плов словарный. 
 Семён Пегов




[1] Vers futuristes et chiffrés du poète des années 1920 Khlebnikov, qui erra dans les steppes de longues années, et inspira plus d’une génération, à la base notamment des vers les plus anciens d’Édouard Limonov, dont c’était l’idole en ce domaine.