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14.11.19

Coup d'État poétique à Kazan, capitale et confluent.

TM devant la statue du poète Derjavine, Kazan, 19 octobre 2019.

À Kazan, où l'université attendait mes communications sur Derjavine avec une impatience non dissimulée — en effet, ce poète russo-tatar majeur a disparu des périscopes en France depuis le XIXe siècle — je découvris une ville d'une beauté  marquante. Et la cuisine tatare!… Profitant de la participation de Derjavine, alors jeune officier de la Garde, à la Révolution de palais qui avait installé la Grande Catherine sur le trône impérial, j'intitulai mon texte "Coup d'État poétique". La métaphore eut l'air d'amuser tout le monde.
Paradoxe: Derjavine avait participé à la répression tsariste de la révolte paysanne menée par Pougatchev. Or le poème épique d'Essenine "Pougatchev", dont j'ai traduit des extraits dans ces pages est une de mes pièces préférées. Parue au début des années 1920, elle avait suscité l'ire des tchékistes, qui y voyaient une glorification des jacqueries auxquelles ils étaient confrontés lors de la collectivisation des terres et les famines qui s'ensuivirent.

                  LA LYRE
(Vers traduits par TM)
         N’est-ce une fraîche brise en ce jour estival et ardent
         Dans une légère somnolence souffle sur ma poitrine agréablement ?
N’est-ce dans les blés, du cristallin ruisseau le chuchotement ?
Où ma chérie à l’ombre des arbres m’embrassant ?

Non ! C’est une lyre que j’entends : au son enchanteur
Sur les roses somnolentes, le doux accord des courants
Comme l’écho au loin me chatouille l’ouïe tendrement
Ou ce qui m’éveille est le bruit soudain proche de l’Inspirateur.

Ainsi toi, muse amie ! Tu déverses en moi ton ravissement
Sous la main rapide des Grâces qui jouent,
Lorsque le goût divin son front couronnant
Et amoureusement sourient tes joues.

Comme il est gai d’écouter, quand avec toi, alors
Elle chante le pays, la si chère patrie
Et me communique, comme le printemps fleurit
Comme le temps court, à Kazan ville d’or.

Ô cavale de mes jours primordiaux !
De mon innocence, la jeunesse habitant !
Lorsque je m’illumine de ton aube à nouveau
Et comme avant y serai-je locataire permanent ?

Lorsqu’à la suite de votre troupeau, je vieillirai,
Vous, les chênes de Kama, vénérables avec le temps !
Sur la Volga entre les hameaux sur les voiliers je m’envolerai
Et étreindrai les tombes sacrées de mes parents ?

Sonne, ô ma lyre, tu n’es pour moi que Kazan !
Clame que Pavel chez elle est bienfaisant !
Chérie nous est la bonne nouvelle de notre côté :
Douce et délicieuse nous est la patrie, sa fumée.
Gavril Derjavine

АРФА
Не в летний ль знойный день прохладный ветерок
В легчайшем сне на грудь мою приятно дует?
Не в злаке ли журчит хрустальный ручеек?
Иль милая в тени древес меня целует?
Нет! арфу слышу я: ее волшебный звук,
На розах дремлющий, согласьем тихоструйным,
Как эхо, мне вдали щекочет нежно слух;
Иль шумом будит вдруг вблизи меня перунным.

Так ты, подруга муз! лиешь мне твой восторг
Под быстрою рукой играющей хариты,
Когда ее чело венчает вкуса бог
И улыбаются любовию ланиты.
Как весело внимать, когда с тобой она
Поет про родину, отечество драгое,
И возвещает мне, как там цветет весна,
Как время катится в Казани золотое!
О колыбель моих первоначальных дней!
Невинности моей и юности обитель!
Когда я освещусь опять твоей зарей
И твой по-прежнему всегдашний буду житель?
Когда наследственны стада я буду зреть,
Вас, дубы камские, от времени почтенны!
По Волге между сел на парусах лететь
И гробы обнимать родителей священны?
Звучи, о арфа! ты всё о Казани мне!
Звучи, как Павел в ней явился благодатен!
Мила нам добра весть о нашей стороне:
Отечества и дым нам сладок и приятен.
ГАВРИЛ ДЕРЖАВИН
1798