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1.10.18

Socialisme et sexologie

         LE SOCIALISME SCIENTIFIQUE DANS LA SEXOLOGIE
         Serguei Tarassov, croisé cet été dans une station balnéaire, est un homme d’affaires de Pétersbourg en retraite depuis peu qui fait ses premières armes d’auteur. Pour ses débuts, il a choisi d’aborder un des fronts les plus méconnus de la Guerre Froide. Pour les russophones, au lien suivant:
http://new-writers.ru/index.php?option=com_content&view=article&id=999:2018-01-10-14-12-56&catid=44:-2018&Itemid=194


Serguei Tarassov et TM
         (Traduit par TM)
         Cette histoire suscite le sourire jusqu’à maintenant chez les auteurs d’éditions jaunies ronéotées, sorties à la fin des années 1980 dans un institut technique de Leningrad. Comme chez l’homme vieillissant, qui s’attend à ce que son potentiel guerrier s’éteigne, flamboient brusquement des souvenirs de liaisons de courte durée mais intenses, suscitant le sourire des années plus tard.
         Et même avec le temps, il est difficile de raconter ces évènements : trouver des explications simples, dignes de confiance, jeter un coup d’œil de l’intérieur sur tous  ses aspects, analyser de fond en comble les relations de cause à effet conduisant à des conséquences inattendues.
         Elle commença après la déclaration au monde entier d’une dame sur l’émission « Leningrad-Boston » au centre télé à Tchapygin, précisant qu’en Union Soviétique, le sexe n’existait pas.
         Certains s’esclaffèrent sur l’ignorance de cette dame de la terminologie dans le domaine des relations sensuelles, mais nous serons justes — à l’époque, les relations intimes ne s’appelaient pas sexe.
         D’autres, plus âgés, se plongèrent dans la réflexion, se souvenant d’autres échos de cette phrase. Chacun selon ses moyens, chacun selon ses exigences. Quelle phrase prometteuse et pertinente ! Mais ensuite fut adoptée la loi sur le parasitisme, car certains refusaient de travailler. Et après, beaucoup de personnes « capables » refusèrent de travailler pour les feignants et s’abaissèrent à leur niveau. Puis vint l’égalisation des salaires et des retraites. Personne ne vivait mieux que ses parents. Travailler mieux n’avait aucun sens. Comme on disait à l’époque : ils font semblant de nous payer, on fait semblant de travailler. Et à nouveau. Quelle phrase aux échos assourdissants ! Le sexe n’existe pas en URSS, mais, par quelque miracle, des enfants naissent, et on constate même un accroissement de la population.
         Cette dernière chose devint vexante pour le pouvoir. L’Union Soviétique de la Pérestroïka attendait des changements dans tous les domaines, y compris dans la sexualité. Comment accueillait-on alors l’un des ravissements sensuels intimes ? Bon, beaucoup de gens aiment respirer les parfums avant de les acheter, pour déterminer celui dont ils ont besoin. Parfois, le parfum se répand et leur monte aux narines. C’est à peu près ce qu’on appelait alors le sexe, parce que c’est mauvais, honteux et à la fois très intime.
         Le thème officiel du sexe n’était pas interdit, mais en quelque sorte tabou, chargé de culpabilité. Un comportement en partie amoral, lire, des liaisons clandestines, qu’on examinait dans les collectifs de travailleurs, dans les comités du parti. On n’était pas très loin de la Chine, où l’on exigeait des habitants se livrant à des relations sexuelles l’approbation de leur lieu de travail. Voilà d’où venait ce sentiment de honte lié au sexe, cette sensation de salissure et cet effort pour limiter l’accès des masses au savoir dans le domaine des relations sensuelles.
         Dans le but de la transformation des relations négatives de la société avec le sexe à la télévision pour quelque chose de plus libre du conservatisme et de la répugnance, un groupe d’initiative de candidats au doctorat lança un appel à l’édition d’un recueil de travaux scientifiques, affirmant que le sexe existait chez nous, avait existé, et existerai.
         Le message général de ces changements sociétaux avait une direction : il était important pour les gens de prendre conscience que leur penchants comptaient, que leur sexualité avait une importance significative, que leurs désirs n’avaient rien de honteux. Au même titre qu’une  culture éclairée sur le sexe, les vidéos et revues occidentales déferlant sur le pays sur les éternelles relations entre hommes et femmes comptaient dans ce recueil comme une part de bon sens créatif pour les techniciens-candidats au doctorat.

         Certains articles étaient sérieux et solidement fondés. Ainsi, dans l’un d’entre eux on affirmait que sous la pression du marché libre entrant dans le pays, la sphère intime devenait une forme d’activité économique. Dont le but serait l’utilité maximale en minimisant les risques et les devoirs inutiles. Les hommes et les femmes, sujets du marché des relations, se rencontrent sur le « champ sexuel ». Pour les hommes la stratégie optimale : ne pas entrer dans des liaisons sérieuses et ne pas se charger d’obligations superflues. Pour les femmes : un choix réfléchi de rencontres de sa moitié, le calcul des risques et des conséquences possibles, comme un investissement à la bourse. Dans ce face à face les femmes possèdent l’avantage : en effet, ce sont elles qui choisissent et ce sont elles qui précisément donnent corps à cette chair de l’amour dont les hommes ont besoin avant tout. Mais il est capital de compter, qu’avec le temps, comme dans la chanson, «  pour dix femmes statistiquement… (dans les nouvelles conditions économiques désorganisées de la majorité de la population)… il n’y aura pas neuf, mais seulement cinq ou six mecs ». Et comme conséquence la plus déprimante pour le pays — la baisse de la natalité. Ce qui conduit l’une des parties à une action motrice à caractère matériel — la renaissance sous une forme ou une autre de l’institution de la dot.
         L’auteur conseillait aussi aux femmes et aux hommes de ne pas sombrer dans le désespoir et de se débarrasser des fantasmes suicidaires, si un adversaire se révèle plus fort que soi dans un face à face concret. En effet, la plupart du temps, il s’agit d’un mauvais choix, d’un manque d’informations sur la partie adverse, d’un manque de préparation à une sortie sur le « terrain sexuel ». Dans la démarche évoquée ici,  en cas de défaite, les paroles désagréables à l’encontre de l’adversaire, ne sont également pas de mise. Il faut se servir d’exemples pris dans d’autres domaines, où les relations entre adversaires sont strictement réglementées. Par exemple, dans le sport : on sert la main de l’adversaire, on travaille sur ses erreurs et l’on se prépare à la prochaine rencontre. La préparation, d’après la réflexion de l’auteur, doit suivre le cours d’une modélisation de l’amour — au cours de laquelle, simultanément avec l’instruction sexuelle,  les adversaires potentiels doivent se familiariser avec toutes les subtilités (l’art de la tendresse et des caresses) de la transformation des relations physiologiques en chef-d’œuvre de la communication sensuelle.
         D’autres — amusantes, notamment le « Coïtus interruptus », dans les conditions du Grand Nord, on y décrit la sensation d’une union en plein air dans un climat cruel et des relations ne s’achevant pas par la satisfaction mutuelle des partenaires pendant l’aurore boréale par des températures loin au-dessous de zéro. Les hommes qui ont pris une douche avec un gel ultra-mentholé savent que celui-ci excite agréablement pendant quelques secondes, avant la phase de refroidissement douloureux, où l’on a alors la sensation d’avoir mis le « doigt » dans un verre rempli de glaçons.
         Mais on souhaiterait s’arrêter sur un des articles du recueil — « Technique et moyens d’atteindre la résonance orgasmique ». Il était proposé par un candidat au doctorat, enquêtant sur l’apparition de résonances néfastes dans les systèmes complexes. Il est possible que vous ayez déjà connaissance de cette histoire : une compagnie de grenadiers marchant au pas cadencé sur le Pont Égyptien de Pétersbourg, provoqua son effondrement à un instant précis. Cela se produisit en raison de la coïncidence de l’onde vibratoire du pont et celle des pieds du détachement en marche.
         On exprimait dans cet article l’idée d’examiner l’orgasme comme une onde de résonance, agissant dans le domaine du plaisir et du système nerveux central de l’homme. Cette approche permettait à l’auteur de préciser le rôle de chacun des organes impliqués dans ce processus, établir leur façon d’être reliés les uns aux autres et décrire ce processus comme un système vibratoire à doubles contours. Simultanément l’auteur se rendait compte que la sexualité humaine était difficile à modéliser, car elle dépend de l’interaction de multiples facteurs cognitifs, de mécanismes neurophysiologiques, se produisant dans le système nerveux central et dans l’organisme entier.
         La science atteint rarement la perfection et rappelle en quelque sorte le musicien de jazz jouant de nombreuses variations sur un même thème, pour choisir celle qui lui semble la plus réussie. Pour une description mathématique des processus se déroulant dans un biomécanisme complexe appelé l’humain, ce fut le moyen qui sembla le meilleur à l’auteur. Plus loin, sachant que l’orgasme féminin peut-être clitoridien ou vaginal, il se fixa la tâche de les déclencher simultanément. Cette étape de la modélisation lui permit de trouver le point directeur inconnu, et précisément l’onde et la longueur des forces extérieures entrant dans son modèle, menant à la coïncidence des vibrations obligatoires en en sortant. Lorsque l’amplitude des ondes de résonances de l’orgasme clitoridien est multipliée quelque part avec celle de l’orgasme vaginal selon les stimulations extérieures exercées par l’homme.
         On démontrait au couple zélé dans cet article qu’il existe un rythme précis des relations sexuelles qui facilite de manière optimale la coïncidence des ondes de ces vagues de résonances.
         Le centre de plaisir de la femme reçoit une impulsion explosive, comparable à l’effet obtenu lors d’une augmentation brutale et inattendue du volume sonore dans les écouteurs d’un appareil radio. À la différence des vagues sonores brutales à arracher la tête, l’action simultanée des vagues orgasmiques un effet non pas néfaste mais salutaire.
         L’étudiant affirmait aussi que le succès enregistré dans la rencontre des résonances salutaires de l’orgasme ouvrait la voie à une nouvelle idéologie sexuelle : l’union prédestinée de la science et de la femme dans l’idée imposante d’atteindre un résultat quelconque ; élevait les contacts physiologiques monotones et mécaniques à un niveau scientifique fondamental nouveau et révolutionnaire dans le développement des éternelles relations de l’homme et de la femme.
         La meilleure partie de l’humanité expérimentait ainsi non seulement une révélation sensuelle et régulière puissante avec apothéose sous forme d’un éclair de résonance orgasmique globale mais encore, à la suite de celle-ci : un bond émotionnel retentissant, le ravissement et un afflux de forces inexpliqué. Celui que par exemple, une victoire inattendue à la Coupe de la FIFA produit sur le fan de foot.
         Ce qui pouvait conduire à augmenter la capacité de travail non seulement de la population féminine mais aussi masculine. Car chez les hommes apparaissait le désir de s’améliorer. Lorsque chacun, s’il n’est pas boutonneux, peut devenir la source d’un bonheur féminin global. Il faut bien entendu qu’il y réfléchisse et, prenant conscience, fasse un effort sur-lui-même. Et si des millions d’hommes se lancent dans une transformation scientifique et fondamentale de leur vie intime, alors, il fait peu de doute que cela mènera à la croissance naturelle de la productivité, ainsi qu’à l’accroissement de la natalité. Et c’était, affirmait l’auteur en conclusion, la solution finale en vue du développement socio-économique du pays et de tout le peuple.


         © Serguei Tarassov , 2018.