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20.3.23

Absolut Boris de Patrick de Lassagne

         UN POLAR À L’ANCIENNE… ULTRA-MODERNE.

 

         Absolut Boris est un polar à l’ancienne : pas le moindre message socio-culturel, vœu de rédemption de l’humanité pécheresse, aucun flic de gauche ni machiavélique député du FN préparant le retour du IIIe Reich. Les effeuilleuses ne sont ni Femen  ni syndicalistes, les malfrats prennent aux riches, certes, mais c’est pour garnir leur larfeuille.

         Une course-poursuite de douze heures entre deux gangs rivaux, où les affreux sont effrayants, enfouraillés à l’arme de guerre, où les gisquettes sont paumées dans des clubs interlopes, où les périphs sont glauques à souhait dans leurs abîmes nauséabonds bourrés de roms, de clodos, de crackés à la foire d’empoigne pour un point d’eau sous le toboggan. Ça chicore et ça grince dans un argot post-moderne, farci de rap et d’américanismes, mixé au montreuillois manouche qui déchire. Nom d’un chien, on n’avait pas vu ça depuis Touchez pas au grisbi !



         Dès que surgit le gang de la voyoucratie banlieusarde improvisé pour l’occase, sur le tuyau d’un maquereau antillais chevronné — où Gitans, Arabes, cas sociaux et Guadeloupéens se mélangent dans un esprit très multiculturel — pour sucrer cinq strip-teaseuses aux entrailles pleines de coke sous le nez d’un parrain russe de la vieille école à la descente de l’avion de Caracas — on sait qu’il va y avoir du rif. Dans un hurlement de pneus, les banlieusards s’arrachent en arrosant à la Uzi, mais ils ont Absolut Boris et ses gorilles sur les talons. Tous les taulards du Caucase aux trousses des vétérans de Clairvaux et des embuscades droit devant sur la bretelle d’autoroute… Dans la mitraille, plus personne n’y retrouve ses petites et leur précieuse cargaison. Par ce mois d’août caniculaire, les Kalachs n’ont pas le temps de refroidir.

         C’est à un cave récemment divorcé en dépression à qui on choure sa bagnole sous son nez qu’échoit le beau rôle — sauver la belle Tanya, armé d’un cure-dents. Vous parlez d’un personnage positif. Et de ses chances de réussir. Patrick de Lassagne est infréquentable, c’est pas du polar d’agrégé de philo !…

         Mais la conjonction d’une langue déroutante, d’une intrigue haletante, et d’une overdose d’humour noir, en fait un bouquin hors-normes, mêlant innovation et classicisme. Le Rouge est mis, les plumitifs, vous avez un rival pit-bull qui va vous faire passer pour des douairières. Il va falloir que je l’interroge sur sa conscience sociale et ses idées sur les grands problèmes de l’heure la prochaine fois qu’il balance un paveton dans la mare du thriller bobo bien léché, et des pleureuses académiques du roman noir à prétentions concernées. Descendez-le à la prochaine.

         Thierry Marignac, mars 2023.