Guest stars

23.1.21

Oural et Bouillabaisse


Le débarquement des Français à Sébastopol


L’ARRIVISTE ARRIVÉ
Plutôt que de continuer à s’occuper de la cueillette des olives en Basse-Provence, un certain apparatchik des cercles vertueux de la post-séghersienne poésie officielle (si, si ça existe) phrançaise, aussi russophone que nous sommes shintoïste, a profité de l’accès libre des poèmes de Boris Ryjii sur l’Internet russe, pour s’approprier l’éclair, la jeunesse,  le prestige et vendre un recueil. En bref, ce mec qui a passé sa vie à cirer les pompes (peut-être même est-il membre du PS !…) ce carriériste de la poésie rurale, ce régionaliste puant la charentaise, a connu Ryjii par le film des babas hollandais, pas mauvais d’ailleurs, puisqu’on y voyait Ryjii lui-même, dans sa ville natale. À cette époque, notre apparatchik encore aux premières pages de la méthode Assimil, avait certainement beaucoup apprécié les sous-titres.
L'attaque de Malakoff



Vin d’honneur à la mairie de Fouilly-les-rascasses
Notre pohèteu, comme disait Jacques Vaché, démontre brillamment qu’il aurait dû continuer à gardarem sou Larzac dans la préface : Il appelle Ryjii le poète de la pérestroïka. Un calcul mental très simple permet de s’apercevoir que Ryjii, né en 1974, avait dix ans au début de la pérestroïka (1984-1991) et que ses premiers poèmes connus datent de 1993, soit deux ans après l’effondrement de l’URSS. Nous soulignerons, qu’invité à Ekaterinbourg aux journées Boris Ryjii au Centre Eltsine en 2015 comme traducteur français de ses vers, hébergé par la sœur aînée de celui-ci Boulevard Lénine, dans l’Oural où nous sommes retournés de nombreuses fois depuis, nous n’avons jamais entendu le poète russe qualifié de cette manière, pour les raisons que je viens d’expliquer. Le sobriquet fabriqué par notre ignare ferait ricaner n’importe qui à Ekaterinbourg.
    Notre pagnolesque traducteur improvisé n’a de cesse que de se vautrer immédiatement après dans la seconde bourde magistrale : La Mafia russe !… Il s’agit encore d’une superbe démonstration d’ignorance : Il n’est pas question de Mafia russe   — ce qui suppose un grade hiérarchique au sein de la pègre de haut vol — dans les poèmes de Ryjii, ou très peu. Il est question des voyous de barrière, de la criminalité de rue de féroces misérables jouant du couteau dans un quartier ghetto à la lisière de la ville, constitué de bâtisses staliniennes que le beau-frère de Ryjii nous fit visiter : Vtortchermet, théâtre de nombreux poèmes du Russe qui y avait passé son enfance. Celui-ci était peuplé d’anciens taulards débarqués de Sibérie possédant un argot spécifique bien au-delà de notre pohèteu des cigales et de la Bonne Mère !… Pourquoi ? Parce que les seules usines embauchant sans exiger de casier judiciaire étaient les fonderies situées à proximité. Bien sûr, si notre Occitan a confondu avec la pérestroïka, la fiche Wiki lui a fourni Mafia Russe comme mot-clé, il n’a pas cherché plus loin pour servir le pastis !…
La dernière provocation interdite d'Andreï Molodkine, à Washington



    Mousseux sous un soleil de plomb
Les larbins de la presse grand public se sont empressés de tresser des lauriers au pohèteu financé par les antennes locales du CNL. Outre que le gus a passé sa vie à tisser à force de génuflexions sa gloriole régionale, la valetaille journalistique se distingue par sa veulerie, ses œillères et son conformisme — ce n’est plus un scoop. De même qu’avant de proférer des âneries avec une constance imperturbable, l’auteur du recueil n’a fait aucune recherche n’ayant jamais mis les pieds en Russie, de même les larbins ont pissé leur copie en s’abstenant soigneusement de toute curiosité déplacée les menant à nos pages sulfureuses où l’on a traduit et popularisé les poèmes de Ryjii depuis bientôt sept ans, en fournissant des informations de première main recueillies sur place, où l’on parle la langue des rues, pas celle des santons de Provence. On peine à savoir qui est le plus plouc : le pohèteu des garrigues, ou les laquais de la presse aux ordres. Une nausée soudaine — hélas trop familière dans un système en décomposition — nous envahit.
En guise de grand verre d’eau pure, je propose une dernière fois quelques vers de Ryjii qui ne méritait pas un tel sort… 
    Le second poème a des échos si curieux, à l'époque du décervelage pour tous et de l'enfermement généralisé. Tout ça va se répéter…

    I'm mad, like Jessie James! John Lee Hooker.

(Traduction des vers de Boris Ryjii © Thierry Marignac)
Dis-moi juste après que la neige est tombée…

Dis-moi juste après que la neige est tombée —
Sommes vivants, ou nous a-t-on enterrés ?
Non, tais-toi, je n’ai pas besoin de tant de mots
Ni sur terre, ni au ciel, ni au tombeau.
Une mer couleur rose, point ne me donna le Seigneur,
Ni les forces pour régler les comptes avec l’ennemi —
La faculté de pleurer de l’autre le malheur,
Aimant, à son bonheur je souris.
…Dans la poudreuse, jouent les soldats mouillés —
Seuls, seuls dans le monde entier…
Comme la neige est immaculée, ailés en anges blancs,
Coupables de rien, ils jouent comme des enfants.
Boris Ryjii


Скажи мне сразу после снегопада...
Скажи мне сразу после снегопада –
мы живы или нас похоронили?
Нет, помолчи, мне только слов не надо
ни на земле, ни в небе, ни в могиле.
Мне дал Господь не розовое море,
не силы, чтоб с врагами поквитаться –
возможность плакать от чужого горя,
любя, чужому счастью улыбаться.
...В снежки играют мокрые солдаты –
они одни, одни на целом свете...
Как снег чисты, как ангелы – крылаты,
ни в чём не виноваты, словно дети.
Борис Рыжий

Les Grilles, le Nord, noms des gares ferroviaires,
Je ne sais ce qui m’est le plus proche, le plus cher.
Le Nord —le Nord, l’incandescent granit glacé,
La jeunesse, la bourrasque, le ski, et le cafard gelé.

Petit Nord, petite mort, l’amertume laissez s’enfuir
Grilles et grillages, en réalité c’est qui je suis !
Personne ne va périr, personne sur le chemin ne va pourrir.
Avec moi les miens, ceux que j’aime sont assis 

Dans le dernier wagon. Sans boire, ni manger
Seulement les blancs visages chéris, seulement les mains gelées.
Je vous chuchoterai : « Au nom du Christ, il faut nous pardonner ! »
Un jour ou l’autre, tout ça va se répéter.
Boris Ryjii


Решеты, Северка, железнодорожный вокзал.
Даже не знаю, что мне дороже и ближе.
Северка – север, мороза гранитный накал,
Молодость, льдинки тоски, метели и лыжи.

Северка, смертушка, горюшко, отпусти.
Решеты, решетка, да что я на самом деле!
Никто не погибнет, никто не сгинет в пути.
Со мной вы родные мои и любимые сели

В последний холодный вагон. Ни еды, ни питья,
Лишь руки замерзшие, бледные милые лица.
Я буду шептать вам: " Простите нас ради Христа!"
Поверьте, когда-нибудь все повторится.

Борис Рыжий