Guest stars

31.12.19

Assange, L'Occident moderne ne vaut pas mieux que l'URSS.


Le sort ignoble réservé aux dissidents modernes de l'Occident qui ne tombent pas dans les cases politcorrectes est exposé ci-dessous. Le pouvoir occidental a absorbé toutes les leçons du pouvoir stalinien, subliminalement, parce que comme le disait quelqu'un dans le recueil de poèmes bilingue, Essenine, Tchoudakov, Medvedeva, aux éditions l'Écarlate, Des Chansons pour les sirènes, au milieu d'un texte sur le poète "suicidé" Essenine, intitulé Honte en Dieu d'avoir cru :

Tous les politiciens de tous les pays du monde, sont les élèves du Guide du Prolétariat Mondial. Les leçons du bolchevisme, et pour toujours, figureront au programme des démocraties cybernétiques: compromettre et corrompre avant d'oblitérer. Lorsque la censure lâchait les ciseaux pour le Colt ou la chiourme, elle s'était déjà prémunie contre le pouvoir radioactif — elle en avait fait des suspects pour l'éternité.

Le sort révoltant réservé à Assange au lien ci-dessous:
https://www.les-crises.fr/julian-assange-ce-que-nous-savons-par-viktor-dedaj/
Que la politcorrectitude s'en indigne, ce serait à son honneur, si elle en a un, ce qui reste à prouver. La complainte victimaire en serait plus acceptable — pour une fois, il serait question d'une véritable victime.
TM.

29.12.19

Les Charlatans de la Chute du Mur

         LES CHARLATANS DE LA CHUTE DU MUR
         En cette fin d’année marquée par des secousses sociales en France, les Grandes Têtes Molles en rangs serrés se sont précipitées pour célébrer le trentenaire de la Chute du Mur : d’une part, pas question pour personne de perdre une occasion de pontifier Sa Propre Éminence engraissée par la lutte antitotalitaire, d’autre part, il était urgent de rappeler aux masses ignorantes leur chance de vivre en démocratie cybernétique — elles crèvent la dalle et se font éborgner dans un ÉTAT DE DROIT !…
         En ce qui concerne les Grandes Têtes Molles qui nous auraient fait la grâce d’enfin passer l’arme à gauche, — occurrence rare dans la génération du baby-boom, sauvée par la médecine contemporaine — s’étouffant en chaire dans leur prêchi-prêcha, leur désolante progéniture s’est chargé du boulot ; tant il est vrai que la reféodalisation du monde, selon la formule si juste de Pierre Legendre, se repère notamment par ses dynasties.  De même que dans la chanson ou le cinéma, le vedettariat politico-intellectuel est une charge de père en fils-fille — ou l’inverse si vous êtes inclusif, vos mœurs ne nous regardent pas. Pour la navrante portée de Nos Anciens Jeunes dont la lutte au couteau avec l’hydre stalinienne fait encore frémir St-Germain : la Chute du Mur est un souvenir d’enfance, comme c’est attendrissant… Papa (Qu’est-ce qu’il foutait là ?… Qui l’avait prévenu ?… Quelle Centrale ?… sont des questions de complotistes !…) m’a rapporté un morceau de Mur… Un tel héritage ajoute sans coup férir un poids filial à la sociologie arriviste du puceau plus ou moins hipster qui ne risque pas de sauter un seul repas de sa vie, ni d’apprendre à la dure, pourvu d’une protection rapprochée, qu’un marron dans le nez, c’est tridimensionnel. Ne parlons pas d’un projectile de LBD dans l’œil. Le policier inconscient qui se permettrait un tel forfait sur un représentant officiel, qui plus est par le sang, des Néo-Lumières, encourrait pour le coup, c’est inédit, les foudres de l’IPN. Fais pas le con, disait-on dans la bande inavouable de ma jeunesse dissipée…

L'ennui, tableau de Walter Sickert

         Je suis arrivé avec quelques heures de retard sur l’événement historique à Berlin, par cette nuit glaciale de novembre 1989. J’avais pris un billet bon marché, correspondance à Amsterdam et, n’entendant pas le flamand, n’avais obtenu en anglais que des explications obscures. Je ratai mon train. J’ai fini le trajet en autocar, me semble-t-il, appelant d’urgence l’ami Wolfgang qui m’attendait — tout ça creusant un trou abyssal dans mon budget au déficit endémique. Dans le merdier ambiant — c’est ainsi qu’il qualifiait la fin du glacis soviétique, en effet Wolfgang était férocement punk, peu porté à l’utopie du paradis marchand enfin à portée de main, —il me fila rencard dans un bar appelé Anfall, qui signifie La Crise en allemand, langue que je n’entends pas non plus. Comment, dans l’indescriptible bordel qui commençait à la gare routière, envahie elle aussi par une horde de zombis mal fringués et hurlants en file indienne aux magasins à larguer des liasses de billets  sans valeur pour acheter du capitalisme, ai-je retrouvé le bar — c’est un mystère sur lequel devront se pencher mes biographes. Ma mémoire d’éléphant me fait défaut. Je ne connaissais pas la ville, et je suis aussi doué pour la langue de Gœthe que pour la physique nucléaire.
         Je précise pour mes biographes : il s’agit d’un blocage historique, je ne suis pas mauvais traducteur en deux langues étrangères et leurs argots divers. Quoiqu’on m’ai littéralement forcé à choisir le boche en seconde langue, nib de nib, pour moi, c’est de l’hébreu. Que personne n’y voie d’allusion à de regrettables évènements survenus dans les années 1940, je ne voudrais pas avoir l’air antichinois — c’est tout. Chez mes grands-parents, rares personnes de ma famille avec qui j’entretenais une communication normale et affectueuse, pour parler d’Outre-Rhin, on disait seulement les Fritz. Ils avaient survécu à deux invasions…
Brighton Pierrot, tableau de Walter Sickert.

         Bref, nonobstant, je trouvai le bar. Il n’était pas envahi par les Osties, comme on appelait les habitants de Berlin-Est avec une certaine condescendance. Celle-ci était compréhensible, je venais de m’en apercevoir à la gare routière : une foule de péquenauds hystériques. Quoi qu’il en soit, cette appellation avait cours dans les milieux marginaux alternatifs qui y avaient élu domicile depuis que l’Occident en Guerre Froide avait déclaré l’enclave encerclée par les communistes : zone franche. On s’établissait en ville, par exemple, pour échapper au service militaire dans la Bundeswehr en Allemagne fédérale. Les Osties, ça aussi c’est historique, avaient préféré débarquer en masse dans les enseignes du prestigieux Kudamm, Champs-Élysées de Berlin, où l’on tentait tant bien que mal de les refouler — sans succès la plupart du temps, telle est la puissance de l’Histoire en marche — vu qu’ils n’avaient pas un rond, fagotés comme l’as de pique et déjà saouls comme toute la Pologne un soir de Noël. À Kreutzberg, quartier des squats et des marginaux, on n’en voyait pas beaucoup, ce soir-là. Et l’ambiance était funèbre. Le pressentiment que cet espace hors du temps, cette liberté en circuit fermé — La liberté en circuit fermé se dégrade en rêve, entend-on dans je ne sais plus quel film de Debord — avait fait son temps, que le triomphe de l’Empire du Bien signifiait la fin de l’utopie berlinoise.

         Wolfgang m’accueillit devant le bar, sanglé de cuir noir, avec une accolade et un sourire amical. Il me présenta sa moto qui avait certainement fait Barbarossa. À l’intérieur, je fis la connaissance de sa petite amie Edmutte, une punkette aux cheveux ras, bien bousculée dans un format de poche, des deux lesbiennes blondes qui partageaient leur appartement. Puis du travelo noir américain avoisinant les deux mètres faisant office de barman à l’Anfall. Un mec inénarrable, originaire de Pittsburg, qu’il avait déserté parce que dans cette sinistre ville de prolos majoritairement noire, ni son humour, ni son homosexualité affichée ne lui offraient un avenir radieux. Pour tous, la solution était : Berlin où tout était permis puisqu’on faisait barrage aux soviets. Ce travelo noir était loin d’être une mauviette : plus tard, dans d’autres soirées au fond du bouge, je le vis foutre dehors manu militari un certain nombre d’importuns, et notamment des Osties…
         Le premier soir à l’Anfall, dans la sinistrose de la victoire occidentale, outre les poncifs de contre-culture déversés à pleins seaux que je dus me farcir — comme si les affirmer était une façon de les graver dans le marbre — j’empêchai Wolfgang, déjà bourré, de rentrer dans le lard de deux skinheads qu’il prenait pour des néo-nazis, en lui faisant remarquer que c’était le contraire. Il allait s’en prendre à des skins antifascistes, ce qu’indiquaient sur leurs blousons plusieurs insignes, brassards, je ne sais plus. Le Sekt, redoutable mousseux berlinois, l’avait rendu mauvais. Dégrisé d’avance par une longue route, je savais encore lire, contrairement à Wolfgang qui perdait les pédales. Le travelo noir, dans son style désopilant, me remercia d’avoir mis un frein aux élans vengeurs de mon pote le motard punk, avec une gentillesse déconcertante et des allusions grivoises en me payant un verre.
         Qu’est-ce que je foutais à Berlin ?… La CIA ne m’ayant pas averti — salope — du flux brusque et irréversible de l’Histoire revenu au-devant de la scène mondiale, ma présence sur le lieu même fétiche de la Guerre Froide, n’avait donc rien à voir avec une quelconque curiosité journalistique pour la fin du communisme. Non. J’étais en bisebille avec une mousmée à Paname et, last but not least, mon éditeur m’avait lourdé après mon premier roman Fasciste, parce que je ne m’étais pas justifié dans la presse de gauche que je conchiais déjà, de notoriété publique. Pour résumer, j’étais là par hasard, sous prétexte que Wolfgang, qui me voyait paumé et sans travail, m’avait invité à partager son squat.

         Nous passâmes le Jour de l’An à Potsdam, puisqu’on pouvait circuler librement et que des douaniers ex-communistes ahuris accordaient à force coups de tampon sur des cartons d’hier, des permis de séjour provisoires à leurs nouveaux maîtres de l’Ouest. On but du Sekt au bord d’un lac où, paraît-il, le maréchal Joukov avait pique-niqué au printemps 1945. On alluma un feu de branches ramassées dans la forêt voisine.
         Ensuite, dans cet hiver 89-90 à Berlin, où la nouvelle époque se présentait comme une sévère gueule de bois, les expulsions se précisaient dans les squats à mesure que la Réunification s’approchait. Mes amis m’entraînèrent dans la tournée des bars à thèmes sur le déclin. Je me souviens du bar conte de fée Lorelei, de l’inévitable KGB — il existe un aussi à Manhattan, dans le Lower East Side — et du bar bunker. Dans tous ces lieux régnait une atmosphère de fin du monde, la libération des peuples opprimés du Pacte de Varsovie annonçait leur disparition prochaine, déchaînant la cupidité des promoteurs. Mes recherches de travail étaient aussi infructueuses que mes tentatives d’apprendre l’allemand. Pourquoi s’encombrer d’un Français ne possédant que l’anglais, alors qu’on avait des Osties sous la main, main d’œuvre à bas prix qui parlait la langue maternelle ?…
         Pour survivre, on allait acheter de la gnôle à Berlin-Est en transition, à des prix communistes, pour la revendre à Kreutzberg, parfois au travelo noir d’Anfall. Son expertise en double comptabilité était le fruit de longues études dans les bas-fonds de Pittsburg. J’ai rarement autant bu que lors de ce crépuscule qui dura quelques mois, magnifié par les médias d’Occident comme une aube nouvelle, fin d’un siècle. La déprime de mes amis était de plus en plus palpable : il fallait changer de mode de vie dans le Nouveau Berlin Unifié. La contre-culture avait joué son rôle de lierre dans le monde communiste, fissurant les murailles. Elle ne resurgirait comme idéologie dominante que plus tard, coupée de ses racines, pour justifier les plus sordides entreprises du capitalisme numérisé. Jusqu’à nos jours, l’ex-Allemagne de l’Est reste déshéritée, réactionnaire, comme dit le pouvoir libertarien. Absolutisme du marché et cuistrerie victimaire, axes biogénétiques de la domination moderne, tout cela avait fermenté dans « l’expérience » berlinoise. Au détriment final de ses participants.
         Au printemps, je quittai Berlin. Les Osties étaient détestés par les Berlinois de l’Ouest, toujours bourrés, encombrant les supermarchés avec leur monnaie de singe, les rues avec les débris qu’ils avaient le front d’appeler des voitures, et toutes leurs turbulences de nouveaux venus au paradis capitaliste.
         Deux ans plus tard, en 1992, j’évoquai cette odyssée dans Cargaison, roman paru aux éditions du Rocher. Un point de vue concret de Berlinois temporaire, loin des homélies des Charlatans de la Chute du Mur, vainqueurs de l’Armée Rouge sur la Rive Gauche de la Seine. En cette heureuse époque, leurs consternants rejetons babillaient à peine.

         Thierry Marignac, 2019.

         

26.12.19

Ressort d'une destitution médiatisée

UKRAINE, TRUMP ET LE VÉRITABLE SCANDALE
LE JOURNALISTE AMÉRICAIN YASHA LEVINE DONNE CI-DESSOUS SON OPINION SUR LA DESTITUTION DU PRÉSIDENT AMÉRICAIN :
(Traduit de l’américain par TM)

         J’ai tenté de rester aussi loin que possible de ce spectacle de destitution alimenté par les barbouzes, mais il s’est révélé utile. Il a aidé à mettre en lumière quelque chose qui est pris pour parole d’Évangile par une grosse partie des cercles dominants politiques, militaires et relevant des Affaires Étrangères en Amérique, mais cela n’a jamais été exprimé aussi clairement, aussi publiquement et de façon si cohérente auparavant. Permettez-moi de prendre une posture officielle, très Washington et d’appeler ça « la Doctrine Ukrainienne ».
         Il s’agit de l’idée que l’Ukraine est une base avancée de la guerre menée par l’Amérique contre la Russie — une barrière stratégique militaire qui maintient la horde sauvage des Russes cloués sur place et les empêche de submerger le monde occidental. C’est pour ça qu’on entend si souvent l’antienne sur l’Ukraine comme partenaire « vital » et « stratégique » et pourquoi cela exige des envois d’armes constants. Si l’Amérique ne combat pas la Russie et ne tue pas de Russes en Ukraine, les tanks russes vont déferler sur le Donbass, dépasser Kiev vers la Pologne, puis l’Allemagne et la France… avant de s’embarquer et de naviguer jusqu’en Amérique. Avant que vous ne puissiez vous en rendre compte, Poutine sera au seuil de chez vous, à vous terroriser et vous piquer vos colis Amazon.
         C’est une idée ridicule fondée sur un mode de pensée parano Guerre Froide réchauffé. Nom d’un chien, la Russie n’a même pas pu empêcher l’Ukraine de se tourner vers l’UE en 2014, parlez d’un pouvoir expansionniste. Cet expansionnisme est mou du biceps pour le moins —et c’est dans un pays voisin qui s’est trouvé dans l’orbite de la Russie culturellement, linguistiquement et politiquement depuis des siècles.
         Mais cette « Doctrine Ukrainienne" est plus qu’une routinière inflation de la menace impérialiste. C’est fondamentalement l’admission par notre classe politique dominante que nous sommes en guerre avec la Russie. Non pas une guerre de « valeurs idéologiques » ou une guerre de propagande d’influence douce, ou une guerre de sanctions mais ce que les experts des laboratoires d’idées aiment appeler une guerre « chaude » : une guerre dans laquelle l’Amérique combat la Russie sur le sol ukrainien avec des corps d’Ukrainiens et des armes, un entraînement, un soutien américain.
         « Rappel : si nous n’avons pas d’Ukrainiens qui tuent des Ukrainiens en Ukraine de l’Est avec des armes américaines, les Russes envahiront d’abord l’Europe, puis l’Amérique, puis le monde. (21 décembre 2019) »


         L’argument selon lequel « nous devons combattre les Russes là-bas pour ne pas avoir à les combattre ici » a été répété sous diverses formes pendant toutes les audiences de la procédure de destitution et la couverture média non-stop qui les entoure. Les diplomates et les experts en politique étrangère appelés à témoigner l’ont déclaré comme un état de fait. Les Membres du Congrès en ont parlé comme si c’était une politique en œuvre. Il n’y a eu aucun débat, aucune remise en question par le Parti Démocrate, et les Républicains ne l’ont pas attaquée non plus. Pour autant que je sache  personne n’était en désaccord avec le point de départ selon lequel l’Amérique est en guerre avec la Russie. — et que l’Ukraine en est le champ de bataille, bien que cette guerre n’ait pas été déclarée par le Congrès ni qu’aucun président ne l’ai signée. Mais on ne déclare plus les guerres de nos jours, n’est-ce pas ?
         Si on lit les documents de la destitution, y compris les articles de la destitution elle-même, on constatera que l’idée selon laquelle nous sommes en guerre avec la Russie sous-tend une grosse partie de l’affaire contre Trump. En dehors des accusations de népotisme, de corruption et de tentatives d’influencer une élection, l’autre crime majeur de Trump est d’avoir « compromis la sécurité nationale américaine » en retardant un peu les presque 400 millions de dollars d’aide militaire à l’Ukraine, approuvés par le Congrès. L’argument est qu’il « restera une menace pour la sécurité nationale » s’il demeure président et doit être destitué. Cette ligne est exprimée plus clairement encore dans le rapport du Comité de la Chambre sur la destitution.


         Cette focalisation obsessionnelle sur la Russie, l’Ukraine et la « sécurité nationale » quoi que ce terme puisse signifier — a été utile en ce sens qu’elle a confirmé que d’autres journalistes, historiens et moi, qui ont étudié et fait des reportages sur l’Ukraine savions depuis longtemps.  Le soutien de l’Amérique à l’Ukraine  a peu de choses à voir avec la « démocratie » ou « l’état de droit » ou « la lutte contre la corruption » ou n’importe lequel des slogans usés jusqu’à la corde constamment brandis pour justifier des interventions impérialistes. Aujourd’hui, l’Amérique voit l’Ukraine comme un allié stratégique parce qu’elle s’en sert comme d’un bélier contre la Russie. Il s’agit de déstabilisation. (Bon, déstabilisation et crapuleuse façon de gagner de l’argent, mais cela va sans dire).
         L’Ukraine ne peut vaincre la Russie quel que soit le nombre de conseillers militaires américains entraînant les troupes ukrainiennes ou le nombre de millions gagnés par les bonnes gens de Raytheon Inc. à vendre leurs missiles Javelin. L’idée n’est pas que l’Ukraine gagne la guerre. L’idée est de faire saigner la Russie — économiquement et militairement. Et peu importe combien de gens meurent ou souffrent ou quelle proportion de l’Ukraine et de son économie est dévastée au cours du processus.
         Comme je l’ai déjà écrit auparavant, les dirigeants de la politique étrangère américaine — ses diplomates, espions et politiciens — ont vu l’Ukraine comme le champ de bataille clé dans leur combat contre l’Union Soviétique depuis la fin des années 1940. Pendant des décennies, l’Ukraine et sa diaspora ont été considérées comme des armes essentielles pour déstabiliser l’Union Soviétique. C’est la raison pour laquelle l’Amérique, le Canada, le Royaume-Uni et d’autres pays occidentaux ont ouvert leurs portes aux fascistes et collaborateurs ukrainiens après la Seconde Guerre mondiale. Leur idéologie féroce et leur volonté de mourir pour leur cause nationaliste perdue étaient vues comme des qualités importantes dans la lutte contre le communisme. Quelques-unes des premières opérations armées secrètes de la CIA contre l’Union Soviétique consistaient à parachuter des guérilleros collabos ukrainiens nazis derrière les lignes soviets pour des actions de sabotage et pour déchaîner la révolte des paysans ukrainiens.
         Et ça n’a pas beaucoup changé aujourd’hui.
         Ça fait tourner la tête. Le bataillon extrémiste Azov a récemment accueilli un important contingent occidental. C’est dingue. De quoi ça a l’air de voir un officier américain rire avec un type qui porte un insigne SS Wolsangel ? Nouvelle règle : Évitez les mecs à insignes SS !


         L’Amérique voit toujours l’Ukraine comme une arme contre la Russie. Et elle a toujours besoin des fascistes et ultranationalistes ukrainiens pour combattre et tuer. Où pourrait-on trouver de jeunes hommes prêts à se faire mutiler pour aller en découdre avec les Russes  (ce qui consiste principalement à braquer des mortiers contre d’autres Ukrainiens).
         Les intérêts des fascistes ukrainiens et de l’appareil de la politique étrangère américaine peuvent paraître alignés, mais cet alignement est contraire à la volonté du peuple.
         Il est important de se souvenir que la majorité des Ukrainiens souhaitent la paix. Le président actuel du pays — Voldymir Zelenski — a été élu cette année avec la plus grosse majorité de l’histoire ukrainienne : 73% des votes. Il a fait campagne sur une plate-forme de paix annonçant qu’il mettrait fin à la guerre en Ukraine de l’Est — une guerre qui a fait des milliers de victimes et de mutilés, déplacé plus d’un million de gens. J’ai vu des signes de cette destruction moi-même durant mon reportage sur ce conflit en 2014.
Un gamin de Lougansk me montra ces éclats "anti-personnel" des obus de mortier

         Les gens ont voté pour Zelenski en grand nombre principalement parce qu’ils souhaitaient voir une solution pacifique à la guerre civile qui a déchiré leur pays.  On s’en doute la plus grosse force du pays faisant barrage à la paix sont les mouvements fascistes et ultra-nationalistes.
         Mais on n’entendra rien de tout cela dans la frénésie politicienne qui entoure les audiences de destitution. Il n’y est question que de l’Amérique. En ce qui concerne les dirigeants de notre politique, l’Ukraine n’est qu’un avant-poste plein d’Ukrainiens prêts à mourir pour nous sauver des Russes. Voilà à quoi servent les amis et partenaires stratégiques !

         Yasha Levine

22.12.19

L'Armée des Invalides de l'amour

El Greco

Souleïman Krymov avait une gueule émaciée, du genre que j’ai vu mille fois chez les camés d’Ukraine, à l’époque de « Vint, le Roman noir des drogues en Ukraine. », mon livre reportage sur la came en Ukraine, qui n’intéressait pas la politcorrectitude, à l’époque où l’Ukraine n’était pas sur la carte bobo-OTAN de l’information, en 2006. Non seulement la poésie de Souleïman était d’une puissance inédite, mais il m’était personnellement sympathique — mes antennes d’ancien camé localisait un « frère ». En réalité, je n’en savais rien ce n’était qu’une intuition. À la « saison intellectuelle » de Saki en Crimée, concours de poésie où participaient des Ukrainiens d’Ukraine ( je précise pour la politcorrectitude bobo-OTAN), il avait négligé de s’inscrire. Membre honoraire du jury, j’aurais voté pour lui. Il m’en fit le reproche, à l’époque, d’une façon véhémente, privé de toute récompense. Puis je lui dis qu’il  valait tous les participants réunis, mais qu’il fallait remplir les formulaires. Souleïman se calma. En 2019, il remporta le même concours, où je pus voter pour lui avec ce poème ébouriffant —, cette fois, il s’était inscrit :


INVALIDES DE L’ARMÉE DE L’AMOUR
Dans ce monde sans repos, éternellement :
Querelles, disputes, engueulades, en pleine tête les coups en pluie …
Dans les villas des riches, les appartements,
Les gens entre eux sont en conflit.
Pleurent les greluches, les hommes boivent de la vodka,
Et l’un l’autre se pourrissent le sang amicalement.
Et une unique raison pour tout cela —
N’ayant en vue, frère, individuellement,
Que ses propres malheurs et contentements.
Mais…
Tous dans ce monde, invalides, faisons les frais,
Invalides de l’amour, l’armée.

Dans la pauvre nature que peut-il se créer ?
 Seul le printemps ce qui est sien s’approprie,
Et s’ouvre la bataille pour les petites amies
Entre bêtes fauves abruties.
Qui des cornes, des sabots ou des ailes,
Diffusant, dépose sur l’autel —
Les fauves sont aussi invalides,
De l’armée de l’amour invalides.
Jette un œil, sur la fidèle perdition
À l’étang, soit l’étang — vers sa portée vient l’esturgeon.
Égaré, se noie le poisson —
Invalides de l’amour, l’armée.
(En effet, nous eussions pu y goûter).

En littérature, jette un œil, à présent :
Les personnages des livres sans itinéraire
Certains souffrent, certains font feu stupidement
D’amoureuses intrigues finalement funéraires.

Retour à la case départ, grand-mère
On a emmené aux urgences le grand-père.
Les héros de livres sont des invalides,
De l’armée de l’amour les invalides.

Combien de fois me suis-je enflammé,
Résultat, gueule de bois pour l’éternité !
À présent, pour la bouteille adorée,
Je rassemble mes roubles déchirés.
La dame de cœur sera à nouveau abattue,
Et le valet en roi jamais ne se mue…

P.S. Citoyens, donnez aux invalides,
De l’armée de l’amour, les invalides.
         1994, Kamtchatka, Elizobo.
Souleïman Krymov (ville de Saki, république de Crimée, Russie) Membre de l’organisation littéraire LITO de Saki et du club d’artistes « Février » (ville de Saki), auteur de livres de poèmes. Lauréat de plusieurs concours. Lauréat du concours international littéraire et musical «  Saison intellectuelle » dans la catégorie poésie et sous-catégorie « Amour » (Première place).
El Greco


Сулейман КРЫМОВ (г. Саки, Республика Крым, Россия) — поэт, член ЛИТО «Сакские  родники»  и   арт-клуба  «Февраль» (г. Саки), автор книги стихов. Победитель нескольких литературных конкурсов. Лауреат V Международного литературно-музыкального фестиваля «Интеллигентный сезон» в номинации «Поэзия», подноминация «Любовь» (1 место).

КУРС «ВСЕМИРНО-АМУРНО-АЛКОГОЛЬНОЙ И НЕ ТОЛЬКО, А ДАЖЕ БОЛЕЕ ВСЕОБЩЕЙ АЛЬТЕРНАТИВНОЙ ИСТОРИИ»
Пролог
ИНВАЛИДЫ АРМИИ ЛЮБВИ
Вечно неспокойно в этом мире:
Ссоры, склоки, свары, мордобой…
На богатой вилле и в квартире
Конфликтуют  люди  меж  собой.
Бабы плачут, водку пьют мужчины,
И друг другу дружно портят кровь.
А всему тому одна причина —
Это несчастливая любовь.
Только с виду, брат, у индивида 
Радости и горести свои.
Но... 
Все мы в этом мире инвалиды,
Инвалиды армии любви.

А в природе бедной что творится?
Только лишь весна берёт своё,
За подружек начинает биться 
Меж собою глупое зверьё.
Кто рога, кто крылья, кто копыта
Сообща кладут на алтари —
Звери, они тоже инвалиды,
Инвалиды армии любви.
Погляди, на верную погибель
Прёт осётр на нерест — пруд пруди.
Не по делу пропадают рыбы —
Инвалиды армии любви.
(Мы ведь ею закусить могли).

Загляни теперь в литературу:
Персонажи непутёвых книг 
То страдают, то стреляют сдуру
От амурных пагубных интриг.
Бабка у разбитого корыта,
Деда в неотложку увезли.
Книжные герои — инвалиды,
Инвалиды армии любви.

Сколько раз и я влюблялся пылко,
В результате — вечно на мели!
Нынче на заветную бутылку 
Собираю рваные рубли.
Дама бубен снова будет бита,
А валет не выйдет в короли...

P. S.
Граждане, подайте инвалиду,
Инвалиду армии любви.
                              1994 год.  Камчатка, Елизово