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Pougatchev |
On peut considérer que la jacquerie
(1773-1775) menée par Pougatchev eut une longue postérité littéraire :
« La Fille du capitaine » de Pouchkine étant sans doute l’œuvre qui
lui est consacrée la plus connue. Le fondateur de la littérature russe y avait
non seulement trouvé un grand thème romantique, mais le décembriste révolté contre l'iniquité du régime sans
doute aussi, décrivant cette révolte paysanne, un thème politique. Le
personnage de Pougatchev, ancien cosaque du Don ayant participé à la Guerre de
Sept Ans en Prusse, en cavale pendant des années ensuite, notamment parce qu’il
avait rejoint les Vieux-Croyants, que le Tsar et l’église orthodoxe réformée
poursuivaient de leur vindicte, avant de devenir un des plus fameux Imposteurs prétendants au trône dont
l’Histoire russe regorge — se prête à la mythologie. On trouve des allusions à
cette révolte dans Michel Strogoff,
qui suit un scénario équivalent. Lorsque Essenine
s’attaqua à ce thème au début des années 1920, les Bolchéviques y prêtèrent
une attention particulière, ne voyant pas d’un très bon œil ce rappel d’une
insurrection paysanne contre le pouvoir central, à l’heure où la collectivisation
des terres soulevait les campagnes contre eux. Certaines mauvaises langues
prétendent que ce long poème connu par cœur dans les Goulags, ne serait pas
étranger aux circonstances suspectes de son « suicide » jamais
élucidé dans un hôtel bourré de tchékistes, quelques années plus tard. Les
révolutions ont ceci de particulier qu’elles ne s’oublient jamais complètement.
Dans l’extrait qui suit, Pougatchev arrive dans la bourgade où il devait
fraterniser avec les cosaques et s’autoproclamer Tsar. Toute ressemblance avec des circonstances présentes, la rédaction tient à le souligner aux yeux de la Direction Interministérielle du Numérique, ne serait que pure coïncidence…
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Édition originale de La Fille du capitaine |
L’APPARITION DE
POUGATCHEV DANS LA BOURGADE DE IAÏTSKI
(Première partie du poème épique dans une
nouvelle traduction de Thierry Marignac)
Pougatchev
Oh comme je suis fatigué, comme mes jambes me font mal
Dans l’étendue sans merci, la route hennit comme le cheval
N’est-tu donc, n’est-tu
donc misérable Tchagan
Qu’un repaire de sauvages,
de guenilleux mendiants ?
J’aime les steppes de tes
métaux cuivrés
Et ta terre qui embaume une
odeur salée.
Comme un colosse jaune, la
lune splendide
Pavane ses reflets sur les herbes humides.
Enfin, je suis ici, je suis
ici !
Vague après vague les assauts ennemis se sont brisés.
Sur un épieu de tremble ils n’ont pas réussi
À faire flotter ma tête
auparavant plantée.
Iaïk, Iaïk, tu m’as appelé
Avec la plainte étouffée
des déshérités !
Les prunelles des yeux au
fond du cœur écarquillées
Au crépuscule des campagnes
désolées.
Je sais seulement que ces
isbas
Ne sont que des cloches de
bois
Le vent sous son voile
avale leurs voix.
O, brume des steppes, tu
dois m’aider
Mes projets strictement à réaliser.
La sentinelle
Qui es-tu étrange créature ? Pourquoi erres-tu par monts et par vaux?
Pourquoi troubles-tu
la nocturne quiétude du repos?
Pour quelle raison, comme
une lourde pomme sur la branche tendue
Ta tête est-elle à ton cou
suspendue ?
Pougatchev
En votre lieu de marais
salants
Je suis venu de pays étrangers —
Contempler l’or des corps mordorés
L’or de nos slaves parents.
Écoute-moi père !
Raconte-moi avec tendresse
Comment vit ici l’homme
avec sagesse ?
Comme partout sur les
champs assidûment
De la paille de seigle
filtre-t-il le lait nourrissant?
Ici aussi forçant de l’aube
les prisons,
À l’abreuvoir au trot il
mène les moutons
Et dans la mousse des choux,
dans leurs sillons
Les navettes
enterrent-elles des cornichons ?
Et encore le labeur
pacifique des maîtresses de maison
S’entend-il au fil d’une
étale conversation ?
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Timbre soviétique (1973) à la mémoire de la guerre paysanne de Pougatchev |
La sentinelle
Non, Passant ! Iak avec cette vie,
Depuis longtemps s’est
séparé.
Depuis le premier jour où
les rênes se sont déchirées
Depuis, de Pierre le
Troisième, l’agonie.
Sur les choux, sur le
seigle, sur les moutons,
Sans rien gagner, nous
transpirons.
Notre sel, notre marché,
notre poisson
La richesse du pays, son
ardeur
La Grande Catherine en a
fait don
Au contrôle de ses nobles
seigneurs.
Et maintenant dans tous ses
recoins
De toutes ses chaînes la
Russie se plaint
De l’encaustique des
doléances au cœur de Caïn
En guise de compassion, tu
n’arracheras rien.
Tous s’y sont attachés,
tous se sont insurgés
Autant bouffer de la
ferraille, affamés
Et l’aurore s’écoule sur
les prés
D’un ciel à la gorge
tranchée
Pougatchev
Comme elle est triste votre existence délétère !
Mais dis-moi, dis-moi sans
fard
Est-il possible que le
peuple n’ait de sa poigne sévère
Sorti des bottes les lames
des poignards
À planter sous
l’omoplate des aristos autoritaires ?
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Le procès de Pougatchev |
La sentinelle
As-tu jamais vu
Comme la faux dans le champ
s’est abattue
De sa mâchoire d’acier des
herbes la tige dévorant ?
C’est comme ça que se
dresse l’herbe des Sibériens
Rassemblant ses racines en
souterrain.
L’herbe ne peut se cacher nullement
Aux dents étincelantes de la faux.
Parce qu’elle ne peut comme l’oiseau
S’arracher au sol vers un
ciel bleu miroitant.
Ainsi sommes-nous !
Par les pieds enracinés dans les izbas de notre sang
Pourquoi tenir dans l’herbe
fauchée le premier rang ?
Dieu fasse que jusqu’à nous
ils ne parviennent pas
Que comme de la camomille
nos têtes ne soient fauchées
Mais à présent la route, de
larmes de bouleaux délavée tant de fois
S’est en quelque sorte
réveillée.
Et, nous encerclant comme
un brouillard d’humidité
Le prénom de feu Pierre le
trépassé.
Pougatchev
Comment, Pierre ?
Vieillard, qu’as-tu dit ?
Le sanglot des nuages aux
cieux a-t-il retenti ?
La sentinelle
Je dis que bientôt un terrible cri
Qui, tel un crapaud, de l'isba a jailli
Sur nos têtes, rouleront ses échos, plus puissants que le tonnerre
Déjà l’insurrection laisse
flotter sa bannière
Il ne nous faut plus que
celui qui jette la première pierre
Pougatchev
Quelle pensée !
La sentinelle
Qu’as-tu murmuré ?
Pougatchev
J’ai fait le serment de me taire pour un temps
Dans les cieux, de l’aurore
les tenailles
Des pâturages de l’ombre
délaissant le bétail
Arrachent les étoiles comme
on arrache des dents,
Et nulle part encore
n’ai-je pu somnoler.
La sentinelle
J’aurai pu te proposer
Une paillasse bourrée de
foin grossier
Mais il n’y a chez moi
qu’un seul lit,
Et quatre enfants y sont
endormis.
Pougatchev
Sois-en remercié ! Je
suis dans cette ville un invité.
Sous n’importe quel toit on
voudra bien m’abriter.
Vieillard, Adieu !
La sentinelle
Puisse en Sa Sainte Garde te conserver Dieu
Russie, Russie !
Combien sont-ils ainsi
Comme par une écumoire leur
chair tamisant,
De
lieu en lieu dans tes espaces errant ?
À quel appel répondent-ils
ainsi ?
Quelle lumière glisse dans
leurs doigts le bâton ?
Amplifiant le vert
grondement, ils vont partout, ils vont
Livrant leur corps à la
poussière, au vent
Comme si quelqu’un les
envoyait tous aux travaux forcés
Tourner et piétiner
Sur cette terre incessamment.
Mais qu’ai-je vu ?
La cloche de la lune a descendu
Elle se réduit comme une pomme flétrie
L'angélus de ses rayons s'est assourdi.
Au fond du poulailler ont retenti à bloc,
Les accents du chant du coq.
Sergueï Essenine
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Pougatchev dans le carrosse le menant au supplice
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1.
ПОЯВЛЕНИЕ ПУГАЧЕВА В ЯИЦКОМ ГОРОДКЕ
Пугачев
Ох, как устал и как болит нога!..
Ржет дорога в жуткое пространство.
Ты ли, ты ли, разбойный Чаган,
Приют дикарей и оборванцев?
Мне нравится степей твоих медь
И пропахшая солью почва.
Луна, как желтый медведь,
В мокрой траве ворочается.
Наконец-то я здесь, здесь!
Рать врагов цепью волн распалась,
Не удалось им на осиновый шест
Водрузить головы моей парус.
Яик, Яик, ты меня звал
Стоном придавленной черни!
Пучились в сердце жабьи глаза
Грустящей в закат деревни.
Только знаю я, что эти избы —
Деревянные колокола,
Голос их ветер хмарью съел.
О, помоги же, степная мгла,
Грозно свершить мой замысел!
Сторож
Кто ты, странник? Что бродишь долом?
Что тревожишь ты ночи гладь?
Отчего, словно яблоко тяжелое,
Виснет с шеи твоя голова?
Пугачев
В солончаковое ваше место
Я пришел из далеких стран, —
Посмотреть на золото телесное,
На родное золото славян.
Слушай, отче! Расскажи мне нежно,
Как живет здесь мудрый наш мужик?
Так же ль он в полях своих прилежно
Цедит молоко соломенное ржи?
Так же ль здесь, сломав зари застенок,
Гонится овес на водопой рысцой,
И на грядках, от капусты пенных,
Челноки ныряют огурцов?
Так же ль мирен труд домохозяек,
Слышен прялки ровный разговор?
Сторож
Нет, прохожий! С
этой жизнью Яик
Раздружился с самых давних пор.
С первых дней, как оборвались вожжи,
С первых дней, как умер третий Петр,
Над капустой, над овсом, над рожью
Мы задаром проливаем пот.
Нашу рыбу, соль и рынок,
Чем сей край богат и рьян,
Отдала Екатерина
Под надзор своих дворян.
И теперь по всем окраинам
Стонет Русь от цепких лапищ.
Воском жалоб сердце Каина
К состраданью не окапишь.
Всех связали, всех вневолили,
С голоду хоть жри железо.
И течет заря над полем
С горла неба перерезанного.
Пугачев
Невеселое ваше житье!
Но скажи мне, скажи,
Неужель в народе нет суровой хватки
Вытащить из сапогов ножи
И всадить их в барские лопатки?
Сторож
Видел ли ты,
Как коса в лугу скачет,
Ртом железным перекусывая ноги трав?
Оттого что стоит трава на корячках,
Под себя коренья подобрав.
И никуда ей, траве, не скрыться
От горячих зубов косы,
Потому что не может она, как птица,
Оторваться от земли в синь.
Так и мы! Вросли ногами крови в избы,
Что нам первый ряд подкошенной травы?
Только лишь до нас не добрались бы,
Только нам бы,
Только б нашей
Не скосили, как ромашке, головы.
Но теперь как будто пробудились,
И березами заплаканный наш тракт
Окружает, как туман от сырости,
Имя мертвого Петра.
Пугачев
Как Петра? Что ты сказал, старик?
...............
Иль это взвыли в небе облака?
Сторож
Я говорю, что скоро грозный крик,
Который избы словно жаб влакал,
Сильней громов раскатится над нами.
Уже мятеж вздымает паруса.
Нам нужен тот, кто б первый бросил камень.
Пугачев
Какая мысль!
Сторож
О чем вздыхаешь ты?
Пугачев
Я положил себе зарок молчать до срока.
...................
Клещи рассвета в небесах
Из пасти темноты
Выдергивают звезды, словно зубы,
А мне еще нигде вздремнуть не удалось.
Сторож
Я мог бы предложить тебе
Тюфяк свой грубый,
Но у меня в дому всего одна кровать,
И четверо на ней спит ребятишек.
Пугачев
Благодарю! Я в этом граде гость.
Дадут приют мне под любою крышей.
Прощай, старик!
Сторож
Храни тебя господь!
.................
.................
Русь, Русь! И сколько их таких,
Как в решето просеивающих плоть,
Из края в край в твоих просторах шляется?
Чей голос их зовет,
Вложив светильником им посох в пальцы?
Идут они, идут! Зеленый славя гул,
Купая тело в ветре и в пыли,
Как будто кто сослал их всех на каторгу
Вертеть ногами
Сей шар земли.
Но что я вижу?
Колокол луны скатился ниже,
Он, словно яблоко увянувшее, мал.
Благовест лучей его стал глух.
Уж на нашесте громко заиграл
В куриную гармонику петух.
Сергей Есенин