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28.12.18

Totalitarisme moderne

Il semble que la Dinsic ait refilé la patate chaude aux autorités belges, la surveillance "européenne" ! Impossible, cette fois, de copier leurs visites…
Allez voir sur extreme tracking en bas de page et taper sur Skynet Bruxelles. Vous trouverez l'intitulé des autorités du Brabant en néerlandais, le logo continental signifiant la surveillance numérique et 31 visites ici en quelques jours, dont une sur un poème de Lioubov Molodenkova extrêmement subversif qui évoque la proximité de la mort et le cimetière du Père-Lachaise… Ce robot a les antennes brouillées… Quand il lit du cyrillique ses alarmes se déclenchent toutes en même temps…
Notre petit blog d'insecte attire l'attention et l'espionnage des polices numériques…
Ils n'ont rien d'autre à foutre avec nos impôts.


La trêve des confiseurs s'étend au conflit virtuel

            En cette fin d’année agitée, après une série d’opérations de guérilla et contre-guérilla féroces, provocations, embuscades, manœuvres et contre-manœuvres dans la partie septentrionale Nord-Nord-Est —proche du cercle polaire — de l’extrême-continent virtuel, théâtre des opérations du conflit opposant les irrédentistes d’ANTIFIXION, au contingent répressif de la DINSIC (repérés, ils ont refilé le boulot à leurs collègues d'outre-quiévrain dont nous vous épargnerons la liste des visites, on peut la consulter sur Extreme-Tracking, on ne sait pas encore si EUROPOL est sur le coup), enfin — on respire !… — la trêve des confiseurs.
            Les forces de l’art, par la voix de leur avocat Daniel Mallerin, et du peintre Placid s’interposent en nous offrant des images pacificatrices d’un Paris post-moderne, qui personnellement nous donne de l’urticaire — la ville, pas les images, remarquables, comme toujours —, et devraient, outre épargner des victimes innocentes, nous permettre de nous murger tranquilles dans la bonne humeur, et le ravissement de l’esthète, la Kalachnikov sagement rangée dans l’étui à violon :
 
© Placid

50 VUES DE PARIS
Toute affaire cessante, se rendre au 3 de la Place des Grés à Charonne (XXe), loin des parcours obligés, loin de n’importe quelle station de métro conseillée. Une mignardise de place à la Raymond Peynet lovée sous un bouquet de magnolias. Aucune chance de louper le N°3 en descendant la Vitruve, le ruban y descend tout droit, c’est le local du Parti communiste de l’arrondissement, de plain pied sur la placette comme une extension de la terrasse du Bar-restaurant Les Magnolias qui lui fait face, et d’ailleurs les vieux militants y ramènent leur pinte, c’est encore plus tranquille, il y a des chaises, une cuisine, un décor de vieille école, une atmosphère sans âge débarrassée des gaz consuméristes, une lumière tamisée, les magnolias aux fenêtres et des proportion parfaites pour y réaliser une exposition - vocation que s’est découverte récemment la cellule dormante du XXe en donnant carte blanche au dessinateur Jacques Pyon, lequel ambitionnant de faire  planer le genre humain, avait transformé la faucille et le marteau en enseigne de cirque psychédélique, autant dire que le bocal communiste avait déjà fait peau neuve avant que Placid ne s’y installe.
Aussitôt la porte franchie, une espèce de chatouillement assaille les rétines : chatoiement, soulèvement, ordonnancement.
Ce sont les luminosités franches de la gouache ; ce sont les immeubles, les palais, les tours, les flèches et les dômes grattant sur leurs grands chevaux les ciels de Paris ; ce sont 50 ces hautes et étroites tranches de paysage disposés en deux rangs l’un au-dessus de l’autre - rail martial étirant la verticalité démultipliée sur tout l’espace.
50 nuances de ©Placid

Chaque tranche est l’original d’une chronique tenue par Placid de 2014 à 2017 dans le Mensuel CQFD  (un tiers de page) sous le titre « Vu de Paris, une sorte de rapport d’observation sur l’arrogance ordinaire de la capitale (point de vue d’autochtone) taillé sur mesure pour l’équipe de rédaction gaucho-marseillaise, gnark gnark.
Sur une table du local, un classeur regroupant les 50 coupures, permet de  constater que la singularité du mode  d’expression – une peinture en colonne rivée par un texte lapidaire – s’assimile sans mal aux grilles de lecture ordinaires de la presse écrite. D’apparence enlevée et collant autant que possible au train de l’actualité, la chronique procède d’un travail documentaire perché à caractère caustique mais aussi et bien-sûr artistique – Placid, c’est chic - malgré la qualité de reproduction prolétarienne. On lit ça en quelques minutes, enregistrant l’image sur le mode automatique. 
Une vitesse blasphématoire au regard des objets d’art accrochés aux cimaises…
© Placid, Mosquée

Passer de l’imprimé à l’original, l’expérience est riche de paradoxes. Le premier, c’est le très long temps que ça demande : 50 textes à lire et autant de tableaux à décrypter par le détail ! Mais c’est là précisément le motif du déplacement, la condition du plaisir à grappiller au bout de la rue Vitruve, sur la place aux magnolias.
Chatouillement d’aise : Placid a extrait les textes des images, en les déplaçant sur des cartels disposés sous les œuvres (le classicisme de l’ensemble parachève le charme obsolescent du lieu), ce qui a pour effet de donner toute son tranchant à leurs qualités littéraires : l’ironie, l’économie, la précision et juste ce qu’il faut de frime démagogique pour rester sur la ligne de front insoumise.
L’image déshabillée de son commentaire - une colonne de peinture flottant au centre d’une feuille blanche – c’est encore une autre sorte de chatouillement, une perplexité qui oblige à reconstituer mentalement le cadre de la colonne CQFD, l’outil utilisé par l’artiste pour découper un élément du paysage parisien comme s’il était vu au travers d’une meurtrière. Ceci explique cela, qui n’est pas une œuvre d’art, seulement.
Chatouillement à se défaire de ses habitudes – voir sans regarder –, se défaire de la manie de l’harmonie et de notre assujettissement à la composition – l’ordre visuel est imaginaire.
La rouerie de Placid désarçonne et amuse tant elle se montre scrupuleusement conforme à son engagement contractuel - tranche de paysage vaut planche anatomique –, une façon de passer au rayon X le mythe de la grandeur de Paris. La réalité du mensonge sous le pinceau, sous le scalpel : l’hôtel particulier de Bernard Tapie, l’immeuble de TF1, l’incinérateur d’Ivry, l’entrée du Palais de Justice ou de la FIAC, le Ministère de la Défense, etc. L’observation est drôle par sa rigueur implacable. Du sol aux faîtages, la juxtaposition des matériaux, les coutures, les ratures architecturales, l’envahissement du mobilier urbain, la collision du génie artisanal et de la vulgarité, l’étalage des signes d’ostentation, la saturation des signes d’injonction, tout ce bazar objectif, dans tous ses détails désopilants, ruine joliment l’effet de stupeur recherché par les bâtisseurs.
Par la précision et la franchise des couleurs, mais aussi par la sensation du risque répété, de son accomplissement minutieux, la gouache - dans tous ses détails – offre ses prodiges – plus réels, plus vivants et plus vrais que la vérité documentaire. Il faut voir passer la muleta de près ! Ces prouesses fascinent autant que les enluminures qui se détachent d’un manuscrit ésotérique, comme une libre et sévère exigence, une façon de poésie.  Le peintre montre du doigt du pinceau l’astre du Pouvoir, son arrogance, sa volonté d’intimidation, sa grotesque marque de fabrique. Et l’on regarde la chose, et l’on regarde le doigt.
©Placid, Les Cheminées sur Seine

La virtuosité tient sur un fil plein d’épreuves et de traitrises, c’est le stress de l’envoyé spécial, la galéjade du dessinateur. Il vous raconte 50 aventures cocasses. Car l’artiste, lui-même en personne, présente chaque jour son exposition – sans corps intermédiaire – comme une conversation sans fin.
Placid reporter raconte- en live - comment il remplit virilement sa mission sur le mode « bouclage » - CQFD n’est pas la NRF, mais un organe de presse vent debout dans le boucan national. En deux jours choisit sa cible, mène son enquête, collecte les informations, se rend sur place, tourne des heures durant autour – le froid, la pluie, le vent, la foule, la parano des uns, la curiosité des autres, etc. - choisit son angle de vue, sa meurtrière et attaque au pinceau, sans dessin préparatoire, la représentation scrupuleuse de l’emblème choisi –  l’exécution dure environ une journée –  et la nuit venue, la gouache séchant, complète son reportage par la rédaction du texte calibré de façon à  se loger à l’impression dans une partie de l’image, et expédie le scan à Marseille au dernier carat. Un vrai « pro » sachant gagner ses galons.
Le poète montre les traces de pluie sur le macadam, un soupçon de crachin dans un ciel de traîne.
Jusqu’au 5 janvier.
                  DANIEL MALLERIN, 2018.

17.12.18

Reflet fortuit des phases finales, conte de Noël.


         
Pougatchev
On peut considérer que la jacquerie (1773-1775) menée par Pougatchev eut une longue postérité littéraire : « La Fille du capitaine » de Pouchkine étant sans doute l’œuvre qui lui est consacrée la plus connue. Le fondateur de la littérature russe y avait non seulement trouvé un grand thème romantique, mais le décembriste révolté contre l'iniquité du régime sans doute aussi, décrivant cette révolte paysanne, un thème politique. Le personnage de Pougatchev, ancien cosaque du Don ayant participé à la Guerre de Sept Ans en Prusse, en cavale pendant des années ensuite, notamment parce qu’il avait rejoint les Vieux-Croyants, que le Tsar et l’église orthodoxe réformée poursuivaient de leur vindicte, avant de devenir un des plus fameux Imposteurs prétendants au trône dont l’Histoire russe regorge — se prête à la mythologie. On trouve des allusions à cette révolte dans Michel Strogoff, qui suit un scénario équivalent. Lorsque Essenine s’attaqua à ce thème au début des années 1920, les Bolchéviques y prêtèrent une attention particulière, ne voyant pas d’un très bon œil ce rappel d’une insurrection paysanne contre le pouvoir central, à l’heure où la collectivisation des terres soulevait les campagnes contre eux. Certaines mauvaises langues prétendent que ce long poème connu par cœur dans les Goulags, ne serait pas étranger aux circonstances suspectes de son « suicide » jamais élucidé dans un hôtel bourré de tchékistes, quelques années plus tard. Les révolutions ont ceci de particulier qu’elles ne s’oublient jamais complètement. Dans l’extrait qui suit, Pougatchev arrive dans la bourgade où il devait fraterniser avec les cosaques et s’autoproclamer Tsar. Toute ressemblance avec des circonstances présentes, la rédaction tient à le souligner aux yeux de la Direction Interministérielle du Numérique, ne serait que pure coïncidence…
Édition originale de La Fille du capitaine
L’APPARITION DE POUGATCHEV DANS LA BOURGADE DE IAÏTSKI
(Première partie du poème épique dans une nouvelle traduction de Thierry Marignac)
Pougatchev
         Oh comme je suis fatigué, comme mes jambes me font mal
         Dans l’étendue sans merci, la route hennit comme le cheval
         N’est-tu donc, n’est-tu donc misérable Tchagan[1]
         Qu’un repaire de sauvages, de guenilleux mendiants ?
         J’aime les steppes de tes métaux cuivrés
         Et ta terre qui embaume une odeur salée.
         Comme un colosse jaune, la lune splendide
Pavane ses reflets sur les herbes humides.

         Enfin, je suis ici, je suis ici !
         Vague après vague les assauts ennemis se sont brisés.
         Sur un épieu de tremble ils n’ont pas réussi
         À faire flotter ma tête auparavant plantée.

Iaïk, Iaïk, tu m’as appelé
         Avec la plainte étouffée des déshérités !
         Les prunelles des yeux au fond du cœur écarquillées
         Au crépuscule des campagnes désolées.
         Je sais seulement que ces isbas
         Ne sont que des cloches de bois
         Le vent sous son voile avale leurs voix.

         O, brume des steppes, tu dois m’aider
Mes projets strictement à réaliser.

La sentinelle
Qui es-tu étrange créature ? Pourquoi erres-tu par monts et par vaux?
         Pourquoi troubles-tu la nocturne quiétude du repos?
         Pour quelle raison, comme une lourde pomme sur la branche tendue
         Ta tête est-elle à ton cou suspendue ?

Pougatchev

         En votre lieu de marais salants
         Je suis venu de pays étrangers —
         Contempler l’or des corps mordorés
         L’or de nos slaves parents.
         Écoute-moi père ! Raconte-moi avec tendresse
         Comment vit ici l’homme avec sagesse ?
         Comme partout sur les champs assidûment
         De la paille de seigle filtre-t-il le lait nourrissant?
         Ici aussi forçant de l’aube les prisons,
         À l’abreuvoir au trot il mène les moutons
         Et dans la mousse des choux, dans leurs sillons
         Les navettes enterrent-elles des cornichons ?
         Et encore le labeur pacifique des maîtresses de maison
         S’entend-il au fil d’une étale conversation ?
Timbre soviétique (1973) à la mémoire de la guerre paysanne de Pougatchev


La sentinelle
         Non, Passant ! Iak avec cette vie,
         Depuis longtemps s’est séparé.

         Depuis le premier jour où les rênes se sont déchirées
         Depuis, de Pierre le Troisième, l’agonie.
         Sur les choux, sur le seigle, sur les moutons,
         Sans rien gagner, nous transpirons.

         Notre sel, notre marché, notre poisson
         La richesse du pays, son ardeur
         La Grande Catherine en a fait don
         Au contrôle de ses nobles seigneurs.

         Et maintenant dans tous ses recoins
         De toutes ses chaînes la Russie se plaint
         De l’encaustique des doléances au cœur de Caïn
         En guise de compassion, tu n’arracheras rien.
         Tous s’y sont attachés, tous se sont insurgés
         Autant bouffer de la ferraille, affamés
         Et l’aurore s’écoule sur les prés
         D’un ciel à la gorge tranchée

Pougatchev
         Comme elle est triste votre existence délétère !
         Mais dis-moi, dis-moi sans fard
         Est-il possible que le peuple n’ait de sa poigne sévère
         Sorti des bottes les lames des poignards
         À planter sous l’omoplate des aristos autoritaires ?
Le procès de Pougatchev


La sentinelle
         As-tu jamais vu
         Comme la faux dans le champ s’est abattue
         De sa mâchoire d’acier des herbes la tige dévorant ?
         C’est comme ça que se dresse l’herbe des Sibériens
         Rassemblant ses racines en souterrain.
         L’herbe ne peut se cacher nullement
Aux dents étincelantes de la faux.
Parce qu’elle ne peut comme l’oiseau
         S’arracher au sol vers un ciel bleu miroitant.
         Ainsi sommes-nous ! Par les pieds enracinés dans les izbas de notre sang
         Pourquoi tenir dans l’herbe fauchée le premier rang ?
         Dieu fasse que jusqu’à nous ils ne parviennent pas
         Que comme de la camomille nos têtes ne soient fauchées
         Mais à présent la route, de larmes de bouleaux délavée tant de fois
         S’est en quelque sorte réveillée.
         Et, nous encerclant comme un brouillard d’humidité
         Le prénom de feu Pierre le trépassé.

Pougatchev
         Comment, Pierre ? Vieillard, qu’as-tu dit ?
         Le sanglot des nuages aux cieux a-t-il retenti ?

La sentinelle
         Je dis que bientôt un terrible cri
         Qui, tel un crapaud, de l'isba a jailli
         Sur nos têtes, rouleront ses échos, plus puissants que le tonnerre
         Déjà l’insurrection laisse flotter sa bannière
         Il ne nous faut plus que celui qui jette la première pierre

Pougatchev
         Quelle pensée !

La sentinelle
         Qu’as-tu murmuré ?

Pougatchev
J’ai fait le serment de me taire pour un temps
         Dans les cieux, de l’aurore les tenailles
         Des pâturages de l’ombre délaissant le bétail
         Arrachent les étoiles comme on arrache des dents,
         Et nulle part encore n’ai-je pu somnoler.

La sentinelle
         J’aurai pu te proposer
         Une paillasse bourrée de foin grossier
         Mais il n’y a chez moi qu’un seul lit,
         Et quatre enfants y sont endormis.

Pougatchev
         Sois-en remercié ! Je suis dans cette ville un invité.
         Sous n’importe quel toit on voudra bien m’abriter.
Vieillard, Adieu !

La sentinelle
         Puisse en Sa Sainte Garde te conserver Dieu
         Russie, Russie ! Combien sont-ils ainsi
         Comme par une écumoire leur chair tamisant,
         De lieu en lieu dans tes espaces errant ?
         À quel appel répondent-ils ainsi ?
         Quelle lumière glisse dans leurs doigts le bâton ?
         Amplifiant le vert grondement, ils vont partout, ils vont
         Livrant leur corps à la poussière, au vent
         Comme si quelqu’un les envoyait tous aux travaux forcés
Tourner et piétiner
Sur cette terre incessamment.

Mais qu’ai-je vu ?
La cloche de la lune a descendu
Elle se réduit comme une pomme flétrie
L'angélus de ses rayons s'est assourdi.

Au fond du poulailler ont retenti à bloc,
Les accents du chant du coq.
Sergueï Essenine
Pougatchev dans le carrosse le menant au supplice


1. ПОЯВЛЕНИЕ ПУГАЧЕВА В ЯИЦКОМ ГОРОДКЕ


Пугачев

Ох, как устал и как болит нога!..
Ржет дорога в жуткое пространство.
Ты ли, ты ли, разбойный Чаган,
Приют дикарей и оборванцев?
Мне нравится степей твоих медь
И пропахшая солью почва.
Луна, как желтый медведь,
В мокрой траве ворочается.
Наконец-то я здесь, здесь!
Рать врагов цепью волн распалась,
Не удалось им на осиновый шест
Водрузить головы моей парус.

Яик, Яик, ты меня звал
Стоном придавленной черни!
Пучились в сердце жабьи глаза
Грустящей в закат деревни.
Только знаю я, что эти избы —
Деревянные колокола,
Голос их ветер хмарью съел.

О, помоги же, степная мгла,
Грозно свершить мой замысел!
Сторож

Кто ты, странник? Что бродишь долом?
Что тревожишь ты ночи гладь?
Отчего, словно яблоко тяжелое,
Виснет с шеи твоя голова?
Пугачев

В солончаковое ваше место
Я пришел из далеких стран, —
Посмотреть на золото телесное,
На родное золото славян.
Слушай, отче! Расскажи мне нежно,
Как живет здесь мудрый наш мужик?
Так же ль он в полях своих прилежно
Цедит молоко соломенное ржи?
Так же ль здесь, сломав зари застенок,
Гонится овес на водопой рысцой,
И на грядках, от капусты пенных,
Челноки ныряют огурцов?
Так же ль мирен труд домохозяек,
Слышен прялки ровный разговор?
Сторож

Нет, прохожий! С этой жизнью Яик
Раздружился с самых давних пор.

С первых дней, как оборвались вожжи,
С первых дней, как умер третий Петр,
Над капустой, над овсом, над рожью
Мы задаром проливаем пот.

Нашу рыбу, соль и рынок,
Чем сей край богат и рьян,
Отдала Екатерина
Под надзор своих дворян.

И теперь по всем окраинам
Стонет Русь от цепких лапищ.
Воском жалоб сердце Каина
К состраданью не окапишь.

Всех связали, всех вневолили,
С голоду хоть жри железо.
И течет заря над полем
С горла неба перерезанного.

Пугачев


Невеселое ваше житье!
Но скажи мне, скажи,
Неужель в народе нет суровой хватки
Вытащить из сапогов ножи
И всадить их в барские лопатки?
Сторож


Видел ли ты,
Как коса в лугу скачет,
Ртом железным перекусывая ноги трав?
Оттого что стоит трава на корячках,
Под себя коренья подобрав.
И никуда ей, траве, не скрыться
От горячих зубов косы,
Потому что не может она, как птица,
Оторваться от земли в синь.
Так и мы! Вросли ногами крови в избы,
Что нам первый ряд подкошенной травы?
Только лишь до нас не добрались бы,
Только нам бы,
Только б нашей
Не скосили, как ромашке, головы.
Но теперь как будто пробудились,
И березами заплаканный наш тракт
Окружает, как туман от сырости,
Имя мертвого Петра.
Пугачев


Как Петра? Что ты сказал, старик?
...............
Иль это взвыли в небе облака?
Сторож


Я говорю, что скоро грозный крик,
Который избы словно жаб влакал,
Сильней громов раскатится над нами.
Уже мятеж вздымает паруса.
Нам нужен тот, кто б первый бросил камень.
Пугачев


Какая мысль!
Сторож


О чем вздыхаешь ты?
Пугачев


Я положил себе зарок молчать до срока.
...................
Клещи рассвета в небесах
Из пасти темноты
Выдергивают звезды, словно зубы,
А мне еще нигде вздремнуть не удалось.
Сторож


Я мог бы предложить тебе
Тюфяк свой грубый,
Но у меня в дому всего одна кровать,
И четверо на ней спит ребятишек.
Пугачев


Благодарю! Я в этом граде гость.
Дадут приют мне под любою крышей.
Прощай, старик!
Сторож


Храни тебя господь!
.................
.................
Русь, Русь! И сколько их таких,
Как в решето просеивающих плоть,
Из края в край в твоих просторах шляется?
Чей голос их зовет,
Вложив светильником им посох в пальцы?
Идут они, идут! Зеленый славя гул,
Купая тело в ветре и в пыли,
Как будто кто сослал их всех на каторгу
Вертеть ногами
Сей шар земли.

Но что я вижу?
Колокол луны скатился ниже,
Он, словно яблоко увянувшее, мал.
Благовест лучей его стал глух.

Уж на нашесте громко заиграл
В куриную гармонику петух.

Сергей Есенин



[1] C’est à Tchagan que la révolte menée par Pougatchev subit sa première défaite militaire.