Guest stars

4.9.12

choisir le prénom


rive de la Iéna, Russie
traduit par V.Deyveaux


pas de bol c'est pas de bol jusqu'au bout tu espères un garçon et c'est une fille et tu te dis que sa vie sera aussi triste que la tienne

l'homme est libre il peut voyager sur tous les continents être ingénieur architecte chef d'orchestre chasseur pilote ou diplomate

il peut éprouver les passions les plus diverses amoureuses citoyennes criminelles guerrières ou politiques

mais la femme doit perpétuellement lutter contre les lois de la société de la nature et c'est pour ça qu'elle veut donner naissance à un fils qui ferait tout ce que peut faire un homme

mais ici la nature n'est pas de son côté elle accouche d'une fille et que ça plaise ou non il faut s'y résigner

ici rien n'y fait pas même de choisir un prénom original pour une fille comme par exemple Sérafine Lutèce ou Nikita

bien qu'on dise que le prénom détermine le destin et si on t'a appelée Petite-Pomme Dent-de-Lion Petit-Soleil ou Princesse Diana alors il y a de fortes chances pour que ta vie se déroule autrement pas comme celle de Jeanne ou Marie

estuaire de l'Ob, Yamal, Russie

выбрать имя

если не везёт то не везёт до конца хочешь мальчика а получаешь девочку и думаешь о том что ее жизнь будет такой же безрадостной как твоя

мужчина свободен он может путешествовать по всем континентам он может стать инженером архитектором дирижером охотником летчиком дипломатом

он может изведать самые разные страсти любовные гражданские уголовные военные политические

ну а женщина вынуждена вечно бороться с законами общества и природы и потому ей хочется родить сына который изведал бы все что может изведать мужчина

но и тут природа не на ее стороне рождается дочь и хочешь не хочешь а с этим нужно смериться

тут ничем не поможешь разве что выбрать для дочери необычное имя например Серафима Лютеция Никита


ведь имя говорят определяет жизнь и если тебя назвали Яблочком Одуванчиком Солнышком или Принцессой Дианой то есть шанс что и жизнь твоя сложится по-другому не так как у тех кого зовут Жанна или Мари

Vladimir Ermolaev
extrait de "le boulevard sans personne" (Flaubert), dans"Tributs et hommages", koultournaya Revolucia, 2011
traduction et photos: Vincent Deyveaux

14 commentaires:

  1. À l'évidence, vous nous donnez encore une chose rare, Vincent, quelque chose de « sec », une sorte de constat. C'est dur pour tous, mais pour certains, c'est pire ! On voit bien l'« éternel retour du même » dans ce rapport d'anthropologie poétique.
    Vos récentes photographies, la petite fille, l'homme « fort », la femme, l'homme assis… C'est quelque chose ! Il me paraît que vous avez franchi un seuil. Je vous fiche mon billet qu'un jour, on parlera de tout cela.
    Note : je m'interroge ; le recueil d'où est tiré le poème de Vladimir Ermolaev, est traduit par « Tribus et hommages ». Naturellement, on s'attendrait à « Tributs », au sens de « rendre un tribut à ». Ou bien s'agit-il des tribus du monde ?
    Saluez vos compagnons de blogue, le canadien et le français, de rudes gaillards plutôt doués.

    RépondreSupprimer
  2. Heureusement que vous êtes là, si je comptais sur mes petits camarades...Mais en matière d'orthographe je suis loin des performances d'Assouline, le repas chez Drouant n'est pas pour demain, quoique avec un bon éditeur bien de souche, qui sait.
    Cet Ermolaev est étonnant isn't it? Il vient de sortir son second avec des textes antérieurs à ceux-ci on dirait, plus attendu dans ses sujets, internet et Baudrillard etc... Il a fait philo et musique, vit à Riga et traduit de l'anglais Brautigan et d'autres.

    RépondreSupprimer
  3. Ça y est faut qu'il rouspète !… Qui c'est qui était en goguette au Tatarstan avec des créatures de rêve pendant que je m'aliénais mes derniers partisans cet été dans mes éditoriaux furibards ?
    T'as franchi un seuil comme le dit Patrick, ça fait des mois que je le répète !
    Perso, avec mon antiaméricanisme primaire et mon antiintellectualisme forcené (ou l'inverse), j'eusse préféré demeurer dans l'étrangeté première, l'émerveillement sans info, ni rime ni raison, et ne jamais savoir qu'il avait traduit cette surfaite baudruche hippie de Braut-les-moi, ni qu'il avait élaboré sur des sujets rebattus, et des penseurs du siècle dernier version salonard de Paris.

    RépondreSupprimer
  4. Thierry arrive, et, immédiatement, ça sent la poudre ! Lui et moi, nous avons eu une belle conversation sur la boxe, chez Jérôme Leroy. « […] l'étrangeté première, l'émerveillement sans info, ni rime ni raison […]» : eh bien voilà, Thierry, même agacé, même irrité, vous allez à l'essentiel. La vie, ou plutôt l'art de la vie, c'est « l'étrangeté première ». Je suis loin de mes bases, en ce moment, mais je garde un œil ouvert sur les lieux fréquentables.
    Une dernière chose, Thierry : les salons, de Paris ou d'ailleurs, ont eu une grande utilité aux XVIIIe, XIX, et XXe (jusque dans les années trente) siècles. C'est par les salons, à l'époque, qu'on pouvait connaître des gens tels que vous. Il est vrai qu'un certain intellectualisme a figé le mouvement, mais le ouèbe redonne de l'espoir.

    RépondreSupprimer
  5. Cher Patrick, vous n'avez pas tort, mais je parle des salons du Paris des années 1970, à la fois riches et complètement décadents au pire sens du terme, qui nous ont laissé avec le lourd héritage post-structuraliste accablant aujourd'hui encore, qui s'est métabolisé outre-atlantique où les finasseries dialectiques restent incomprises à ce jour — en "politiquement correct", et n'importe quoi du moment que ça vient d'une "victime". Baudrillard était un des plus honorables, certes, mais il traînait ça aussi, à sa façon. Quant à Brautigan, c'est vraiment un signe de l'épuisement total de la poésie française, et même de la langue française de s'intéresser à une telle"notable quantité d'importance nulle".

    RépondreSupprimer
  6. En total accord avec tout ce que vous dites : le structuralisme a été meurtrier, et sa version américaine, une épouvante. Brautigan ? Qui le lit encore ? Le fond du problème, c'est l'université contre la littérature. L'université française a fait peser un couvercle de plomb sur la critique, un peu à la manière de la pseudo-psychanalyse (à l'usage des lectrices de Elle et du Nouvel Observateur) sur la « production culturelle ». Mais enfin, les choses ont changé depuis une dizaine d'années.
    Je suis votre travail de traduction, ainsi que celui de Vincent, depuis longtemps maintenant, et je constate que ces russes, avant d'être détruits par la vodka, sont de vrais seigneurs pouilleux, avec une forte dose de colère, qui ne les aveugle pas. On ne voit pas de pose avantageuse chez eux. Quoi qu'on pense de lui (quant à moi, je le trouve épatant), Edouard Limonov n'a pas d'équivalent dans la littérature française : qui, parmi ceux dont on parle, aura connu les « sensations », les épreuves qu'ils s'est imposé à lui-même ? En fait, c'est peut-être la différence entre une société « totalitaire » et une société « permissive » : la première n'autorise pas la déviation, la seconde impose le conformisme.

    RépondreSupprimer
  7. On veut faire le malin, mais on écrit : « […] les épreuves qu'ils s'étaient imposé à lui-même », alors que la simple décence exigeait : « […] les épreuves qu'il s'était imposées à lui-même » ! Dieu me savonne !

    RépondreSupprimer
  8. Ce post-structuralisme était la pensée nécessaire à la métamorphose du capitalisme vers sa version post-industrielle. Vider de toute vie ce qui était encore palpitant, pour le remplacer par une pensée hégémonique puisque "scientifique" et donc "indéniable". Certes, les choses ont évoluées, et c'est sans doute un signe de l'âge de m'attacher à une situation qui est déjà "hier", mais les traces subliminales de cette pseudo culture paternaliste sont partout, et les générations suivantes, si elles sont moins doctrinaires, adoptent sans y penser les préceptes acquis à la culture de masse des Grandes Têtes Molles d'alors. Le néo-conservatisme, par exemple, n'est qu'un gaucho-structuralisme de droite, qui s'est emparé des méthodes (envahir la culture) et de certains slogans ("démocratie", "droits de l'homme", "liberté", "minorités") pour justifier sa volonté de puissance suicidaire (voir le nombre de "penseurs" passés d'un bord à l'autre, sans ressentir, et on les comprend, la moindre contradiction. Les gauchistes ont fait, ce n'est pas le moindre de leurs paradoxes, du tourne-casaque une profession de foi). À quelques détails près, bien entendu, le néo-con ne rechigne pas non plus aux pires antiennes obscurantistes du passé, comme la religion, qu'on croyait moribonde dans les années 1960.
    Je suis très honoré qu'on suive au moins mon travail de traduction, il semble qu'en dehors de ça, je n'ai pas droit au crachoir, dans cette Phrance qui ne m'aura pas donné grand chose, puisque je ne montre pas patte blanche. Vincent présente une version de plus en plus intéressante de ces choix, que je croyais, dans ma fatuité, uniques et personnels, il traduit de mieux en mieux selon moi, de plus en plus librement. Notre rencontre est un des grands bonheurs qui m'ont été donnés ces dernières années. Mais il existe encore d'autres jeunes esprits qui s'emparent de notre boulot, j'en ai régulièrement des témoignages, nos efforts ne sont pas tout à fait vains.
    Vous savez, on cherche la vitalité, la force (pourquoi est-ce un mot tabou ? faut-il être faible pour être reconnu ?) là où on peut. Les Russes que nous choisissons sont loin d'être représentatifs, ce sont simplement ceux, marginaux et mis à l'écart, qui ont extrait de leur culture, ce que Vaneigem appelait : "Le noyau radio-actif de la radicalité ".
    En ce qui concerne Édouard, avec tous ses défauts et mes objections qui ne regardent que lui et moi, j'ai raconté suffisamment de choses vécues en sa compagnie pour qu'on comprenne que rencontrer un écrivain et un individu d'une telle ampleur sous sa simplicité apparente est un privilège rare. Je ne peux réellement formuler une opinion sur ce gars-là, c'est mon pote depuis bientôt 32 ans. À Paris, New York, Moscou. Je ne peux que raconter des histoires, au lecteur, suivant mon idée de toujours de se faire un point de vue. Contrairement à notre copain Leroy, et même à Limonov lui-même, je pense qu'il est plus fort de ne pas annoncer la couleur. Foin des banderoles et des bannières, le soldat fait son boulot, parce qu'il le croit nécessaire, et comme disait Larry Holmes, champion des lourds après Ali, "A workman's compensation is more work".
    Amitiés, cher Patrick.

    RépondreSupprimer
  9. Tout, je prends tout, Thierry, de ce que vous exprimez ci-dessus. À vous de continuer à mêler tout cela à votre beau travail de fiction.
    Il y a un monde entre ce que produit Vincent, aujourd'hui, et ce qu'il faisait hier, mais on pouvait pressentir la forte originalité. Quant à Caza, il m'a bluffé à plusieurs reprises : il a le sens du récit nord-américain, tendance gonzo, frotté d'effarement européen. Vous formez une fameuse équipe.

    RépondreSupprimer
  10. Vous avez raison de parler de Pat, voilà encore un mec pas ordinaire, trop rare chez nous ces temps-ci, quel flemmard !… En tant que capitaine du navire, puisque je suis le plus vieux (je suis le pluvieux, aurait dit Essenine dans une de ses sonates à l'automne, je citerai mon ami Gritsman, "La terre est détrempée, les neiges ne fondront pas") je ne cesse de râler à ce propos. Ce mec-là est pourri de talent, et il n'en fout pas une !… Son récent texte sur la poudre, c'est la messe, pour nous autres junkies. Emmerdez-le SVP, qu'il prenne conscience, ce ramier !… Si j'étais éditeur, je lui tordrai le bras (gauche) dans le dos pour qu'il s'y mette de la main droite !…
    J'ai toujours mis tout ça dans ma fiction, sans rajouter la moindre plus-value "lave plus blanc" pour une cause, ou à des fins nombriliques, les deux grosses vaches à lait des littérateurs contemporains, romans manifestes ou autofriction précoce. Mais chacun de mes livres a été saboté soit volontairement (Payot, Rivages, Gallimard) soit par incompétence (Rocher, Fleuve Noir, Baleine). Vous comprendrez qu'on se décourage, 25 ans plus tard, et qu'on se lasse des imbéciles réclamant qu'on soit plus "diplomatique".

    RépondreSupprimer
  11. Thierry, t'es une adorable bête sauvage, j'en reviens pas
    tu bloques systématiquement l'accès aux commentaires à chacune de tes publications et, paf, sans qu'on te voit venir, tu débarques et te mets à squatter la zone d'un post poético-russe à Vincent en partant sur une envolé post-Purina-CatChow-pugilo-Vaneigenesque avec ce brillant et fidèle lecteur, monsieur Mandon
    T'es un grand artiste, mon frère
    des moules assez solides pour en faire des comme toi, ils en font plus

    merci à vous, messieurs
    je vous tire mon chapeau

    RépondreSupprimer
  12. Pas très adorable surtout en ce moment, et pas encore assez sauvage.
    Il vaut mieux limiter les accès d'inspiration aux moments où on peut vraiment pas s'empêcher. Rendons à Vincent ce qui est à lui, sa découverte d'Ermolaev (un ex-natsbol m'a-t-il dit, le parti de Limonov n'a jamais eu la moindre chance de prendre le pouvoir mais c'était un pôle contre-culturel unique et un nid de futurs artistes), m'a fourni l'occasion.

    RépondreSupprimer
  13. en fait il s'agit d'un homonyme, mea culpa.

    RépondreSupprimer
  14. Putain !… Et moi qui me suis encore répandu !… Tu pourrais vérifier tes sources, non ?… Tu vas passer en conseil de discipline. Pat va t'obliger à sniffer du sirop d'érable, et moi, je t'obligerai à apprendre par cœur la campagne des gardes blancs contres les bolcheviques.

    RépondreSupprimer