« Conspirationnisme » ou lucidité ?…
L’américanisme d’importation récente — dans
la novlangue tutélaire d’Internet qui nous sert à présent de cerveau —
« théorie du complot » (platement tiré comme le reste de ces termes à
la mode servile franco-française d’une expression télévisuelle étatzunienne :
conspiracy theory) vise à renforcer
l’esprit de « transparence » et de « divulgation » de Mondeparfait qui a remplacé Mondelibre dans la représentation du consommateur universel, après
la fin de la Guerre Froide. Donc, quiconque soupçonne complot est un
paranoïaque à placer sous neuroleptiques (est-ce que ça s’appelle encore comme
ça ? On doit avoir découvert des drogues psychotropes plus décervelantes
encore, je date certainement, dans ce domaine), dans notre univers
« transparent » le complot est impossible. Le bombardement
d’informations-minute suffirait à le prouver — s’il ne conduisait à une opacité
par surcharge qui éveille les soupçons, tout de même… On doit tirer certaines ficelles quelque part, non ?… Le choix
omniprésent dans la production, disait Debord.
Bref, je ne croyais pas si bien dire, dans un texte à
paraître au sein d’un livre recueil de poésies russes, et qui lui sert
d’introduction, intitulé, Des Chansons
pour les sirènes (Éditions Écarlate, à paraître cette année). Voici l’extrait :
Plus tard les Américains devaient en faire
une science — il est plus malin de séduire que de soumettre — et ils
concoctèrent la contreculture, qui s’avéra finalement l’arme la plus puissante
de la Guerre Froide, désintégrant des Armées Rouges entières. Le réalisme
socialiste n’était pas de taille !…
Je n’avais du reste aucun
mérite. Ayant fréquenté Limonov bien avant Carrière d’Encaustique, le fils à sa
mère, je savais quel rôle le rock’n’roll,
la Beat Generation, et l’art abstrait, grands vents d’Occident, avaient joué dans la décomposition du système soviet. Ensuite, pour rédiger Vint, le roman noir des drogues en Ukraine,
j’eus la chance de fréquenter Volodiya Moysseev, du club Narcotiques Anonymes
de Kiev. Or, il était rentré dans la Réduction des Méfaits, comme on dit au Canada,
parce qu’ancien trafiquant de levi’s, de disques des Beatles, et de devises (sous les soviets, bien entendu), il
lui fallait se racheter des péchés d’autrefois — nul bandit n’est Robin des
Bois — comme on rentre dans les ordres après une vie de tumulte. Il avait de
près participé à la décomposition du système soviétique, pourri par les
termites et la désillusion, le mépris de la propagande et les drogues, de plus
en plus populaires, grâce à leur attrait contreculturel !…
Or, aujourd’hui
même, paraît l’information suivante, au lien ci-dessous :
http://bigbrowser.blog. lemonde.fr/2012/04/04/pinceau- arme-lexpressionnisme- abstrait-comme-propagande-de- la-cia/#xtor=RSS-3208
Quand il ne tue pas — en général par marionnette interposée — l'impérialisme est impayable : La CIA tablait sur Jackson Pollock et l'art trotskiste !…
Quand il ne tue pas — en général par marionnette interposée — l'impérialisme est impayable : La CIA tablait sur Jackson Pollock et l'art trotskiste !…
Mais,
bien entendu, ce genre de conspiration — les expériences de la CIA avec le LSD
figurent au catalogue — ne serait certainement plus possible à notre époque.
Soyons sérieux. La novlangue en usage de nos jours ne nous laisse pas d’autre
choix de toute façon. Pressentir les calculs du pouvoir et ses noirs desseins
machiavéliques est dorénavant signe de schizophrénie paranoïde, très
dommageable à ce que Debord (encore !) appelait : Le mouvement autonome du non-vivant.
Ce n’est pas du tout le genre de
Mondeparfait, déontologique, durable,
équitable, démocratique. C’est mal le connaître.
TM, avril 2012
TM, avril 2012