7.2.17

Olé !


   En juin 2008, les policiers espagnols lancent une rafle parmi la diaspora criminelle russe, rafle qui va attirer, une fois de plus, l'attention du public sur la ville de Saint-Pétersbourg. Une vingtaine de personnes sont appréhendés, parmi lesquels Malychev en personne, ainsi, qu'un certain Guennadi Petrov. Ce dernier est un inconnu pour le grand public, mais pas de ceux qui suivent l'histoire du milieu depuis les années 1980, car Petrov a souvent été qualifié, lui et non pas Malychev, « d'homme du Kremlin » (…) 
1993
    En mars 1993, il est arrêté avec les autres Malychevskie, mais l’accusation de banditisme ne tient pas et il est libéré avant même Malychev. Celui-ci s’exile en Espagne où Petrov le rejoint deux ans après. Ses deux années en ville seront mises à profit. On raconte que c’est en oeuvrant comme Brigadier dans le quartier de la gare qu’il s’est lié d’amitié avec le sous-directeur des Chemins de fer, et, par son intermédiaire, avec le ministre des mêmes Chemins de fer de toute la Russie, Nikolaï Aksenenko. Il aide ensuite la compagnie Baltic-Industrie à prendre son élan. Cette entreprise est un bijou à très haut rendement, l’équivalent d’un terminal pétrolier en volume d’affaires.
   Peu de temps après, peut-être parce qu’il faisait trop chaud en Russie, à côté de la résidence de Malychev à Malaga, se dresse celle de Petrov. Sa fille Alexandra naitra en Espagne en 2009. Petrov est un bon père. Son premier fils, Andreï, est propulsé à la tête de holding de plusieurs compagnies dont la plus fameuse est justement la Baltic-Industrie, leader dans le domaine de la construction. 
   En 2003, il songe à rentrer au pays. Pour préparer son « atterrissage » à l’endroit le plus cher de Saint-Pétersbourg, l’île des Roches, la Baltic-Industrie de son fils préféré réalise une grande opération de promotion immobilière dans le secteur des habitats de prestige. Petrov, agé à présent de soixante-ans, est actif à Pétersbourg et Moscou, il fréquente des officiers du FSB, des ministres, et ne se déplace dans sa Mercedes noire qu’escorté de deux Cadillac Escalade. S’établir sur l’île des Roches, c’est signifier que l’on a rompu avec son passé. Ses voisins ne sont plus à présent des Autorités du type Koumarine, mais des amis personnels de Vladimir Poutine. En conséquence, de nos jours, quand on parle de Guennadi Petrov, c’est avec des trémolos dans la voix, et le rencontrer quand il vient en Russie est considéré comme un honneur… 
   Les activités de Petrov sont innombrables, et pour que son fils Andreï ne soit pas débordé, il s’est adjoint les services de Léonid Christoforov, également sous les verrous espagnols. Christoforov a été jugé trois fois pour vol, escroquerie, et meurtre, mais, en 2005, le tribunal d’arrondissement a levé toutes ces mesquines accusations. 
Malaga

    Et donc, le 13 juin 2008, à 5 heures du matin, les brigades spéciales d’intervention de la police espagnole, 400 policiers en tout, forcent les portes des résidences d’Alexander Malychev et de Guennadi Petrov, mais aussi du fameux Voleur-dans-la-Loi Chakro-le-Jeune ainsi que d’autres figures résidant dans ce décidément très en vogue quartier de Malaga. En tout et pour tout, à Malaga et dans d’autres villes espagnoles, sont interpellées une quinzaine de personnes. Plusieurs épouses sont aussi arrêtées, ne sont-elles pas souvent à la tête de firmes très prospères ?
    La justice espagnole accuse tout ce monde de fraude fiscale, de blanchiment d’argent, de falsification de documents, de faux-contrats, etc. Les enquêteurs ont un faible pour les ordinateurs saisis… Il est apparu que les Autorités pétersbourgeoises de Malaga, ou d'ailleurs, avaient fondé plusieurs sociétés d’actionnaires qui étaient renflouées régulièrement à partir de comptes off-shore enregistrés à Chypre, au Panama et aux îles Vierges. L’argent était ensuite réinvesti dans l’achat d’immobilier, de terrains, de yachts de luxe et d’autres biens de prestige en terre espagnole. Le tout sans s’acquitter de l’impôt, évidemment. D’autres sommes d’argent en provenance de banques russes, suisses, anglaises, américaines et autres, arrivaient dans ces sociétés d’actionnaires. Aujourd’hui encore, une question non résolue demeure : d’où venait tout cet argent, et dans quelles poches était-il, avant ?
   A la tête de l’opération anti-mafia, Baltazar Garzon, un des six super-juges espagnols, mondialement connu pour avoir inculpé Gustavo Pinochet pour crimes contre l’humanité, et pour, entre autres, s’en être pris à Silvio Berlusconi et Georges Bush. Rien que ça. 
   Dans une interview, Garzon affirme qu’il va remonter la piste de l’argent de la mafia russe et que personne ne pourra l'arrêter, si puissant soit-il. En Russie, beaucoup de « monde » espère qu’il sera mis un frein à la ténacité du juge. Et ce beau monde ne s’inquiète pas seulement que l’on découvre un circuit de pots-de-vin et de financement occulte d’activités sur le territoire russe, non, leur réelle inquiétude concerne la liste des 400 comptes en banque trouvée dans les fichiers informatiques saisis par les policiers espagnols. Car enfin, qui a dit que tous ces comptes en banque étaient ceux de Petrov ou d’autres criminels à la triste figure ? Personne… Au cours de son interrogatoire par le juge Garzon, une Autorité pétersbourgeoise a posé la vraie bonne question : « Vous êtes sûr que vous voulez savoir toute la vérité ? » 

extrait de "Banditsky!" d'Andreï Constantinov

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