5.1.17

La poésie (et le rire) au-dessus de tout !

À Ekaterinburg, Olga, la sœur aînée de Boris Ryjii, aimait les vers de deux jeunes poètes, qui déclamaient au Centre Eltsine, en ce jour de décembre 2015 : Alexeï Koudriakov, et Alexandre Vavilov.  Ils étaient opposés en tous points : l’ironie féroce de Vavilov et son débit Maïaskovskien, forcené, contrastait avec les vers mallarméens de Koudriakov, et sa scansion mélancolique. Le sarcasme de Vavilov la faisait hurler de rire, et la profondeur de Koudriakov la faisait rêver. Olga a les plus beaux yeux gris du monde — c’est la sœur du poète phare de l’Oural, mort prématurément. Comme toujours abasourdi à l’idée que la poésie, dans un monde de jour en jour plus vulgaire, puisse receler une importance quelconque pour la jeunesse, je pris part à notre ivresse collective, dans ce restaurant géorgien d’Ekaterinburg, avec les poètes, avec Olga, et bien d’autres. Riant avec Vavilov, songeur avec Koudriakov. Il y a déjà quelque temps que je voulais témoigner à Olga ma reconnaissance, et à ces deux poètes, mon estime.

(Vers traduits du russe par TM)
Valse mécanique
Saoul, le mécano de L'Oural a bousillé l'avion,
Dégrisé, il écrit un rapport, il a les jetons
«Tschoauzen, Tschaouzen der tschaouzen der grot».
Son chef, c'est clair, n'y entravait que quick!
«Tschoauzen, Tschaouzen der tschaouzen…» quelque chose comme ça…
«Vas-y, crache-le, tu t'es saoulé comme une bourrique !»
Le mécanicien «Quoi moi?»
«Tschoauzen, Tschaouzen der tschaouzen der Groïte !»

Dans le monde, à propos, Fédor s'appelait le patron .
À l'école du village… Il n'avait… de telles figures de style
Jamais rencontré ! Alors il est parti sur un site de traduction,
Pour que piger l'allemand soit un peu plus facile.
Mais là dessus… Impossible de percuter l'explication…
Fédor a demandé au mécano: «Au troisième paragraphe
'Tsaoutsen' ou 'Tschaoutsen'? Je comprends pas ton orthographe.
C'est à dire que je comprends, mais j'ai pas toutes les pièces de l'information!"

Bon, le mécano, en guise de réponse: «Tschaouts cherchen, der Tschel!»
C'est à dire pas très enclin à évoquer son charabia.
«Suffit de déconner en allemand ! Tu coules une bielle ou quoi ?
 Au-dessus de Jérusalem cent personnes se sont plantées
À cause de toi espèce de dégénéré — parce que le châssis tu l'as flingué!
Tu ferais mieux de te repentir pendant que t'as pas les fers aux pieds!»
Mais le mécano s'en tape: qu'on le passe ou non à la question…
Il boit l'air coupable, écarte les mains en signe de contrition.

Chez Aéroflot, on le passe au contre-interrogatoire,
Car personne l'allemand n'a l'air de savoir.
Tout le monde dit «assassin», «gestapo» «saoulard»…
 Mais le mécano réplique:"Tschaouzen, schaoutsen, der tschertskom!"
Et répète au tribunal, comme dans le rapport de panne au départ :
«Tschaouzen, tschaoutsen der tschaousen der groven».
Tout de suite le juge autrichien percute: «Oui c'est incontournable!
Si vraiment «tschaouzen, tschaoutsen» alors c'est non coupable!

Alexandre Vavilov


Isabelle d'Outreluignes, qui aimait la poésie





Механический вальс
 
Пьяный уральский механик сломал самолёт,
А протрезвев, – испугался и пишет в отчёте:
«Цхаузэн цхайцэн дэр цхаузэн цхэйсэн дэр грот».
Вроде как – пусть разбираются в «Аэрофлоте».
Шеф, ясно дело, не может понять ни/уя:
«"Цхаузэн цхайцэн дэр цхаузэн цхэйсэн" какой-то…
Так и скажи, что нажрался!» Механик: «Я-я!
Цхаузэн цхайцэн дэр цхаузэн цхэйсэн дэр гройтэ!»
  
Кстати, начальника Фёдором звали в миру.
Он… в сельской школе… с такими фигурами речи
Не-е-е стыковался! Зашёл на транслейт-точка-ру,
Чтобы немецкий понять было чуточку легче.
Но в объяснительной всё неразборчиво, на…
Фёдор спросил у механика: «В третьем абзаце
"Цайцэн" иль "цхайцэн"? Понять не могу ни хрена.
То есть понять-то могу, – не могу разобраться».
  
Ну а механик в ответ: «Цхауц хэрцэн дэр цхэл!»
То есть, как будто не склонен болтать о галимом.
«Хватит пи/деть по-германски! Совсем о/уел!
Сто человек нае/нулись над Йе-е-ерусалимом
Из-за тебя, дол/оёба, – похерил шасси!
Лучше покайся, пока не гремишь кандалами!»
Ну а механику по/уй: проси, не проси…
Пьёт виновато и грустно разводит руками.
  
В Аэрофлоте включили обратный форсаж,
Ибо никто не сумел разобраться в немецком.
Все говорят «душегубец», «гестапо», «алкаш»…
Ну а механик им: «Цхаузэн цхайцэн дэр цхэрцком!»
И на суде повторил, как в отчёте тогда:
«Цхаузэн цхайцэн дэр цхаузэн цхэйсэн дэр гровен».
Сразу австрийский судья разобрался: «Ну да!
Раз уж, б/ядь, "цхаузэн цхайцэн", тогда не виновен!»
Александр Вавилов.
Exigez la bière sans faux-col!… 0,5 l!…



Лампы настольной расходящиеся круги
Эллипсис света, скользящего по странице
Время – через пробелы – внутри строки
Тянет подсудно полки–вереницы
Образов, становящихся по одну
Сторону памяти, действительность по другую.
Не перейти это поле, точно Чермное море по дну:
Льды не отпустят – вязнешь в торосах, пургуя,
Дальше от плена, ближе к обетованной земле.
Где она – родина ? Путь исключает роздых.
Тот бескрайний текст, мечта о тепле,
Жесткий снег и морозных воздух.
Алексей Кудряков


De la lampe de table, les cercles mouvants
Ellipses de la lumière sur la page glissant.
Le temps — au sein même des lignes —s'infiltrant dans les blancs —
Traîne dans sa juridiction les rangs du régiment
Des images, devenant d'un certain côté
Souvenir et de l'autre, réalité.
Ne pas franchir ce champ, par les fonds de mon noir océan
Les glaces n'y reculent jamais — on colle à la banquise, dans la tempête qui rage
Éloigné de la captivité, proche de la terre bétonnée.
Où est la mère patrie ? Le chemin exclut les pauses sur la page.
Ce texte sans limite, cette chaleur rêvée,
Cette neige cruelle, et cet air glacé.
Alexeï Koudriakov