3.6.14

Les descendants d'Al Capone, dans la banlieue de Moscou

À Antifixe, finalement, on est deux : votre serviteur TM, et Vincent Deyveaux, l’expat de « Lettres de Moscou ». Notre chère Kira ne fait que de rares apparitions. Combien de disparus… on dirait un bataillon de paras retour d’une guerre coloniale. Vincent n’en fout pas une rame ces temps-ci, mais je le comprends, ses vagabondages dans les coins perdus de l’Empire, dont il rapporte des images stupéfiantes, sont tellement plus vitaux, que la tentative fragmentaire, foutraque, et fumeuse de communiquer (avec qui, N de D, avec qui ?) grâce à Antifixe. Ce matin, il a envoyé à votre serviteur un article sur un incident ordinaire du monde du crime, le meurtre d’un des derniers lieutenants de « Iapontchik » (lui-même liquidé quelques années après son retour en Russie quand il fut libéré des pénitenciers américains), dont les lecteurs russophones pourront lire l’original au lien suivant :
Je soupçonne très fort que Vincent se souvient que « Iapontchik » dont j’ai raconté les exploits américains dans « Renegade Boxing Club »  (Série Noire, Gallimard) était mon parrain préféré, le patron, le seul, de Moscou à Brighton Beach, ou « Little Odessa ».


LE TRUAND REPENTI FLINGUÉ APRÈS AVOIR COMMUNIÉ À L’ÉGLISE
(Traduit par TM)
TIMOKHA GOMELSKI ABATTU AUX ENVIRONS DE MOSCOU
02-06-2014
Samedi dernier, un des plus anciens leaders du monde criminel de Russie a été tué aux environs de Moscou : Alexandre Timochenko (Timokha Gomeslski). D’après la première version des faits, Timokha serait la dernière victime en date d’une guerre entre clans opposés qui se poursuit déjà depuis plusieurs années.

Âgé de soixante ans, le caïd de la pègre est tombé dans une embuscade le 31 mai, vers neuf heures du matin. Après les prières matinales, il est sorti de l’église de la Mère de Dieu du village de Zamienskoe et se dirigeait vers sa voiture.  C’est le moment qu’a choisi un assassin non identifié pour s’approcher et lui tirer dans le dos à sept reprises. Alexandre Timochenko est mort sur place de ses blessures. Le tueur a fui les lieux du crime sur la moto d’un complice. Tous deux portaient un casque de moto et leurs visages n’ont pu être identifiés. Au moment même de l’agression on installait une caméra de surveillance dans le magasin situé en face de l’église.
Comme le suggèrent les enquêteurs, le lieu d’embuscade d’Alexandre Timochenko n’a pas été choisi par hasard. Celui-ci menait une vie d’ermite depuis quelques années derrière une palissade de quatre mètres de haut dans son domicile bien protégé de Maslo, et ne faisait d’apparitions régulières qu’à l’église du village voisin. D’après le père Mikhaïl, Alexandre Timochenko venait le vendredi soir pour se confesser, et le samedi matin pour communier.
Les policiers ont ouvert une enquête pour infraction à l’article 105 (meurtre) et à l’article 222 (détention illégale d’armes à feu) du code pénal de la Fédération Russe. La police examine toutes les variantes possibles concernant ce crime, mais prioritairement la version selon laquelle l’une des figures les plus anciennes de la pègre russe aurait été une cible de la guerre entre clans opposés du milieu, qui se poursuit sans trêve depuis sept ans déjà. Parmi les victimes de cette guerre, on compte Viatcheslav Ivankov (Iapontchik), Aslan Ouçoian (Tonton Hassan) et d’autres figures connues du milieu.
La biographie d’Alexandre Timochenko est inhabituelle pour un « voleur selon la loi ». Il est né en Biélorussie, rejeton du secrétaire régional du parti communiste, mais a été condamné pour viol en réunion dans son adolescence. Son père n’a pu lui épargner une peine de prison, ce crime avait fait grand bruit à l’époque. Il fut condamné ensuite pour houliganisme, agression, et cambriolage. C’est dans les lieux de détention qu’il devait se lier à des figures du milieu et c’est à l’initiative de Viatcheslav Ivankov qu’il fut admis dans les rangs des « voleurs selon la loi », sous le surnom de Timokha Gomelski.
Au début des années 1990, Timokha s’installa en Europe, où, en tant que représentant de Iapontchik il prit contact avec l’élite de la mafia russe émigrée. Cependant, en 1998, il fut arrêté par la police allemande, sous l’accusation de racket, prise d’otage et meurtres — en particulier celui de Efim Laskine (Fima Jid), alors le leader de la diaspora du milieu russe en Allemagne. Timochenko fut condamné à 12 ans de réclusion criminelle mais bénéficia d’une libération anticipée pour bonne conduite en 2006, et retourna en Russie.
D’après les policiers spécialistes de la lutte contre le crime organisé, Timochenko s’est longtemps efforcé de rester à l’écart des règlements de comptes. Mais après la mort de Viatcheslav Ivankov, il devait, contre toute attente, prendre le parti du clan adverse, dont le chef était Tariel Onian.
En dehors de ça, Alexandre Timochenko commit encore une erreur, jugée très sévèrement dans les milieux criminels. Le 29 janvier de l’année en cours, il fut arrêté par la police à la sortie du restaurant « Solo » sur le boulevard Riazan. Les policiers menèrent ensuite une conversation « prophylactique » avec lui dans les locaux du
avant de se rendre à l'enterrement de Yaponshik.
service de la lutte contre le crime organisé, où, en échange de la promesse d’être libéré, il renonça à son titre de truand, déclarant devant les caméras vidéo, qu’il n’était pas un « voleur selon la loi » et ne l’avait jamais été.
Alexandre Jeglov.