18.10.13

Vladimir Kozlov est un punk fou à lier

Letov sur scène


VLADIMIR KOZLOV N’EN RATE PAS UNE !…
J’aurais dû m’en douter, ça crevait les yeux, contrairement aux demi-sels qui l’entouraient sur scène dans ce bar en sous-sol branché de Greenwich Village, Kozlov allait encore faire des siennes. Bon, j’étais arrivé en retard, mais en gros, une sauterelle amerlock d’origine russe avait écrit un bouquin sur feu la chanteuse Yana Diaguileva, égérie de ce qu’il est convenu d’appeler le « punk sibérien », et elle y avait découvert sa Patti Smith ( Vl’à aut’chose !…). Elle dégoisait à donf sur la poésie déchirée de son héroïne et se permettait des digressions sur la liberté d’expression, du déclamatoire anti-Poutine de rigueur, et complicités crapuleuses avec l’auditoire non-fumeur et propre sur soi, sur la liberté américaine, l’ignorance des Russes sur leur propre culture, et comme c’est chouette de vivre au pays de la liberté où l’information circule et même l’underground finit par gagner de l’oseille. Elle était appuyée par un ringard de troisième zone, ex permanent de je-ne-sais-quoi un an à Pétersbourg aux frais de la princesse, qui citait Kurt Cobain pour donner en exemple l’influence du rock et sa grandeur au pays de la libre entreprise, au regard de ces pauvres Russes si opprimés que leurs rebelles crèvent de faim. On s’emmerdait ferme, mais Kozlov a lu un extrait de son dernier (à l’époque, printemps 2013) « 1986 », un polar sur un tueur en série à l’époque de la Pérestroïka, ça allait un peu mieux. Comme toujours assez réservé, il ne prenait pas part à l’autosatisfaction yankee, se contentant de quelques réflexions sur la richesse de la scène punk sibérienne, notamment le chanteur-culte Letov et son groupe « Défense civile ».

Yana Diaguileva barbelée

Il se trouve que j’avais croisé Letov en compagnie de… Limonov, à l’époque où le chanteur flirtait avec les natsbols, le parti contre-culturel fondé par mon copain. Il se trouve que leurs propos d’Amerlocks branchés et snobinards commençaient à furieusement me courir sur l’haricot, y compris leur gloriole d’anciens combattants qui avaient fait la campagne de Russie. Mais j’arrivais de chez « Big » Steve Felton, de la cave où il entraîne les gamins de son ghetto à la boxe, un univers à des années lumières (bien que distant d’une demi-heure en transports en commun) des confortables gloses d’un bar de Blancs au centre-ville, que j’étais vanné et que je n’allais tout de même pas empêcher Kozlov de vendre sa soupe, Dieu sait que j’en aurais moi-même profité à sa place. Je me suis donc contenté d’une pinte ou deux de Bass, et d’aller fumer dans la rue quand les Ricains étaient sur le point de me faire péter les plombs avec leurs âneries.
De quoi se les mordre !…

 Du coup, j’ai pas fait gaffe. J’aurais pourtant du savoir que Kozlov n’en resterait pas là. Bingo !… L’auteur le plus punk de toutes les Russies, monte un projet de documentaire sur le punk sibérien, avec un système de souscription par Internet à la mode de nos jours. Voici son texte de présentation :
Pot-pourri, Yanka, Letov, Instructions pour la survie…

« Un documentaire sur l’underground punk-rock en Sibérie à la fin des années 1980.
La scène punk-rock sibérienne du milieu et de la fin des années 1980 a eu une énorme influence, pourtant rarement reconnue, sur la culture et la société russes.
Letov, l'homme aux cheveux longs qui prête son micro.

Des groupes comme « Défense Civile »[1], « Instructions pour la survie »[2], et Yana Diaguileva composaient des chansons aux paroles plus profondes, plus sophistiquées et plus sujettes à controverse que la plupart des formations de rock Soviet surgissant l’une après l’autre à la suite du relâchement de la pression idéologique. D’autre part, alors que la plupart des groupes de Moscou ou Leningrad s’inspiraient du rock occidental grand public, ceux qui constituaient la « vague sibérienne » trouvaient leur inspiration  dans un grand éventail de sources, y compris le punk-rock, peu connu et mal compris derrière le Rideau de Fer. Et, à une époque où des groupes de rock plus inoffensifs commençaient déjà à passer à la télé, à faire des disques et des tournées approuvées par le pouvoir, la figure de proue du groupe « Défense civile », Igor Letov (1964-2008), était encore persécuté par le KGB et envoyé sous la contrainte dans des cliniques psychiatriques.
 Le documentaire se focalise sur phénomène punk-rock sibérien, son impact et l’héritage qu’il a laissé à la scène musicale en Russie. Il inclut des observateurs et des participants à la scène de l’époque, notamment Nick’s rock’n’roll, Konstantin Ryabinov, Oleg Soudakov, Miroslav Nemirov, Roman Neumoyev et d’autres, de même que des images d’archives et des photos de cette période.
Le film est actuellement en cours de production.
On peut trouver des extraits à : http://www.youtube.com/vkozlov


Une souscription publique est ouverte au site (en russe) :



[1] Гражданская оборона.
[2] Инструкция по выживанию.