30.8.11

Neurologie


Bouclé dans une clinique neurologique
Pieds et poings liés et tabassé
Voilà qu’un maître de la critique
Veut m’encenser ou m’éreinter

À droite le style, à gauche les formes
Par ici métaphore, par là contraste
Mon Dieu, qu’on est tous aux normes
Aujourd’hui personne n’est faste
Sergueï Tchoudakov
(Traduit par TM)

Когда я заперт в нервной клинике
Когда я связан и избит
Меня какой-то мастер в критике
То восхваляет то язвит

Направо стиль налево образы
Сюда сравнение там контраст
О Боже как мы все обобраны
Никто сегодня не подаст
С. Чудаков

26.8.11

Héritage de la louve (pour Pat Caza)

 Il existe — au cœur du cœur de toute femme — un poignard vibrant d’acier trempé si noir qu’on le jurerait taillé dans l’onyx. Cette lame du métal le plus froid fichée au tréfonds de l’ombre se confond parfaitement aux ténèbres —  épieu planté au fond d’un piège. Dans un déclic de couteau survie et vengeance se fondront —  à l’instant le plus bref — vers son éclair fugace, funèbre, décisif.
         Ci-gît l’héritage de la louve enfoncé dans la nuit furtive.

TDM 2011

25.8.11

Sauvé en enfer



Terrible est le peuple quand il se soulève, torrent furieux emportant tout sur son passage. Il n'écoute pas les appels au secours des anonymes, ne vient pas en aide à celui qui est dans le besoin. De n'importe quel homme le peuple se libèrera, désinvoltement l'écartera. La forme la plus courante de la tyrannie est la tyrannie d'un seul homme, bien qu'en fin de compte il ne soit qu'un homme seul. Le groupe peut s'en séparer au moment où il le décide; et même un homme de peu, du commun, peut y arriver. Mais la tyrannie de la masse est autrement redoutable, car qui se soulèvera contre le flot destructeur, se lèvera face à l'irrésistible force aveugle?
J'aime la liberté des masses, leur ondulation sans chef à leur tête. Libérés de leurs entraves, les gens chantent et se réjouissent, célébrent la fin de leur malheur, de leur chagrin. Mais comme je les crains ! J'aime les masses de la même manière que j'aime mon père, et j'en ai peur tout autant. Dans la société bédouine sans autorité suprême, qui empêche le père de punir son fils? Oh, les enfants adorent leur père, mais ils le craignent aussi (...)
Quand elles sont satisfaites, les masses sont bienveillantes et portent leurs enfants à bout de bras. C'est ainsi qu'elles soulevèrent Hannibal, Barclay, Savonarole, Danton, Robespierre, Musssolini et Nixon; mais comme elles sont cruelles quand elles sont irritées! Elles ont empoisonné Hannibal, brûlé Savonarole, envoyé Danton à l'échafaud. La propre fiancée de Robespierre causa sa perte, le peuple traina le cadavre de Mussolini à travers les rues et crachait à la figure de Nixon quittant la Maison Blanche quelques années après avoir applaudi à son élection!

Qu'est-ce-donc qui rend la foule impitoyable ou au
contraire lui confère des sentiments? Qui charme cette intelligence collective qui ne se trouve dans aucun en particulier? Qui soulève de ses bras des millions de gens? Qui entend ces millions de mots venus de millions de lèvres? Dans ce rugissement, ce fracas infini, qui sera écouté et compris? Et qui accusera qui?
Les masses, ce sont ceux qui ont empoisonné Hannibal, brûlé Savonarole, éliminé Robespierre, c'est la personne qui vous aime mais qui oublie de vous garder une place au cinéma, une chaise au café, celui qui vous aime mais ne le montrera d'aucune manière, jamais...
Voilà ce que les masses ont fait et font encore à de telles individualités. Alors qu'ai-je à espérer, moi le pauvre débouin, dans l'insensée ville moderne?
Les gens m'envient et s'inclinent devant moi: "Construis-nous une maison, mets-nous la ligne du téléphone, trace une route jusqu'à la plage, construis un parc, attrape-nous du poisson, protège-nous par un envoutement, soit le parrain de noces de ma fille, tue ce chien et achète-nous un chat! ". Mais le pauvre débouin confus, sa houlette sous le bras, n'a même pas de certificat de naissance, il passe quand le feu est rouge et n'a pas peur du policier qui l'arrête.
Je peux sentir sous ma peau comme les masses, inaccessibles à la compassion envers même leur propre sauveur, s'agglutinent autour de moi, me dévorent des yeux. Et quand elles m'applaudissent, c'est comme si elles me piquetaient, me becquetaient. Je suis un bédouin illétré, je ne connais rien à la peinture en bâtiment ni aux canalisations. Je bois l'eau de pluie qui est dans la paume de ma main (...) Je ne sais pas nager, ni sur le dos ni sur le ventre. Je ne sais pas à quoi ressemble l'argent. Et pourtant, tous ceux que je rencontre me parlent de ces choses mystérieuses. Ce que j'ai, je l'ai oté des dents des rats, des crocs des chiens, j'ai distribué les richesses aux habitants des villes, en bienfaiteur venu du désert, en briseur de chaînes et d'entraves. Pour restituer ce qui a été volé, il faut du temps et les forces de plusieurs personnes.

Néanmoins, les gens des cités exigent toujours quelque choses encore de moi. J'étais le seul qui ne possédait rien en propre, qui ne dirigeait rien, et c'est pourquoi je n'avais besoin ni de canalisations d'eau, ni de salons de coiffure...etc. Et puisque seul je ne revendiquais rien, ma situation devenait inhabituelle, contre-nature même. C'est pourquoi on me poursuit depuis avec toutes sortes de plaintes, de réclamations, mais là...il me faut concéder que j'en suis en partie responsable.
En un mot : je ne suis pas venu vers la ville avec joie...Alors maintenant, laissez-moi partir, que je puisse emmener paître mon troupeau, car je l'ai laissé dans la vallée à la garde de ma mère. Mais ma mère est morte, et ma grande soeur également. On me dit que j'avais d'autres frères et soeurs, mais les avions américains les ont tués...Alors

laissez-moi en paix. Pourquoi me désignez-vous à vos enfants tant et si bien qu'ils me courent derrière en s'exclamant : "Regarde, c'est lui! "? Pourquoi ne me laissez-vous pas tranquille, ne me permettez-vous pas de me promener simplement dans la rue? Je suis un homme tout comme vous. J'aime le ragoût, mais pourquoi ne puis-je venir dans vos marchés? Et au fait, pourquoi ne me donnez-vous pas de passeport? Mais à quoi me servirait-il au fait ? Car il m' est interdit de voyager en touriste ou pour aller me faire soigner. Je ne peux me déplacer qu'en qualité de représentant officiel, et voilà pourquoi un jour, je décidai de me sauver en enfer...
Le chemin en enfer, ce n'est pas ce que vous croyez, il n'est pas comme dans vos prophéties mensongères. Je vais vous dire à quoi cela ressemble, car je l'ai emprunté deux fois. Il m'a été donné de m'immerger et de descendre en enfer et je peux vous dire que ces deux nuits furent parmi les plus belles de ma vie, ces deux nuits où j'étais seul. J'étais mille fois mieux que parmi vous, car vous m'avez chassé, privé de ma tranquillité, et j'ai dû me sauver en enfer (...)


Mouammar Khadafi
Escape from hell and others stories.
1998 Stanke, Montréal, New-York

(посвященный Г.Сидорову)

17.8.11

La résolution

maison de F.Kafka, Praha


Avec l’énergie requise, s’extraire d’un piteux état ne doit pas être en soi difficile. Je m’extirpe du fauteuil, contourne la table, actionne tête et cou, place une flamme dans mes yeux et bande mes muscles de toutes parts. Je réprime toute émotion, salue vigoureusement A, tolère amicalement B dans ma chambre s'il se présente et retiens tout ce qu’il se dit chez C malgré la fatigue et la douleur qui poussent leurs traits en moi.
Mais même quand il en va ainsi, tout, le facile comme le pénible, sera réduit à néant par ce défaut qui ne veut me quitter et je devrai m'en retourner dans la danse.
C’est pourquoi la meilleure solution reste encore de tout accepter, de se comporter comme une masse inerte, et, se sentirait-on poussé en avant, de ne pas se laisser imposer d’actions inutiles, mais jeter un regard de sauvage sur l’autre, n’avoir aucun remords, bref, étouffer de ses propres mains tout ombre de vie et ne rien afficher d’autre que la morgue la plus totale.
Un geste révélateur d’une telle disposition est le passage du petit doigt sur les sourcils.



Entschluesse



Aus einem elenden Zustand sich zu erheben,muss selbst mit gewollter Energie leicht sein.Ich reisse mich vom Sessel los,umlaufe den Tisch,mache Kopf und Hals beweglich,bringe Feuer in die Augen,spanne die Muskeln um sie herum. Arbeite jedem Gefuehl entgegen,begruesse A. Stuermisch,wenn er jetzt kommen wird,dulde B. freundlich in meinem Zimmer,ziehe bei C. Alles,was gesagt wird,trotz Schmerz und Muehe mit langen Zuegen in mich hinein.
Aber selbst wenn es so geht,wird mit jedem Fehler,der nicht ausbleiben kann,das Ganze,das Leichte und das Schwere,stocken,und ich werde mich im Kreise zurueck drehen muessen.
Deshalb bleibt doch der beste Rat,alles hinzunehmen,als schwere Masse sich verhalten und fuehle man sich selbst fortgeblasen,keinen unnoetigen Schritt sich ablocken lassen,den anderen mit Tierblick anschaun,keine Reue fuehlen,kurz,das,was vom Leben als Gespenst noch uebrig ist,mit eigener Hand niederdruecken,d.h.,die letze grabmaessige Ruhe noch vermehren und nichts ausser ihr mehr bestehen lasse.
Eine charakteristische Bewegung eines solchen Zustandes ist das Hinfahren des kleinen Finger ueber die Augenbrauen.

Franz Kafka.

15.8.11

Par-dessus bord


Quand on crie
« Un homme par-dessus bord ! »
Le navire marin, énorme comme une maison de rapport
S’arrête brusquement
Et l’homme
L’on repêche avec des cordes de gréement
Mais lorsque l’âme de l’homme
Passe par-dessus bord
Quand il suffoque, noyé
d'angoisse
de désespoir
Alors même sa maison privée
Oublie de s'arrêter
Voguant plus loin sur le trottoir !
Sergueï Tchoudakov
(Traduction TM)

Когда кричат;
«Человек за бортом !»
Океанский корабль, огромный как дом
Вдруг остановится
И человек
верёвками ловится
А когда душа человека
За бортом
Когда он захлебывается
От ужаса
И отчаяния
То даже его собственный дом
Не останавливается
И плывёт дальше !
С. Чудаков.

12.8.11

Vite

Oscar Wilde et l'absinthe

Gratitude
Pour tout, pour tout, je te remercie :
Les tourments secrets de la passion,
L’amertume des larmes, du baiser le poison,
La vengeance des ennemis, des proches la calomnie,
L’ardeur de l’âme, gaspillée dans le désert,
Pour tout ce qui m’a abusé dans cette vie…
Fais juste en sorte, qu’à partir d’aujourd’hui éphémère,
Ce soit pour peu de temps que je te remercie.
Mikhaïl Lermontov
(Traduction TDM)



Благодарность
За все, за все тебя благодарю я
За тайные мучения страстей
За горечь слез, отраву поцелуя
За месть врагов и клевету друзей
За жар души, растраченный в пустыне
За все, чем я обманут в жизни был…
Устрой лишь так, чтобы тебя отныне
Недолго я еще благодарил.
М. Лермонтов

11.8.11

Limonov et Carrière d'Encaustique




Couverture du recueil "Le vieux pirate"

Il pleut des coups durs
On va encore dire que je suis jaloux, aigri, infréquentable et tutti-quanti, mais à certains moments, le pied ne peut s’empêcher de se crisper dans la godasse pour le coup de latte au train, et je vous assure, il ne s’agit pas de célinisme mal placé. En effet, il se trouve qu’Emmanuel Carrière d’Encaustique vient de pondre une bio d’un de mes plus vieux potes, en l’occurrence Édouard Limonov, sachant qu’il le connaît à peine, l’ayant vu deux fois pendant les quatorze ans qu’Édouard a passé à Paname, et que ses écrits sur le vieux punk bargeot de toutes les Russies n’empêcheraient pas une rombière de Saône-et-Loire de s’endormir sur le chef-d’œuvre, en écoutant Richard Claydermann. Le sieur Encaustique a un style policé — surtout je m’engage pas trop — et son audace la plus ébouriffante, consiste à dire qu’il ne le juge pas !…
La dernière fois que j’ai vu Édouard, il y a deux ans à Moscou au mois de juillet, après toutes nos aventures, dont une — en 2001— a failli me faire échouer au goulag ou peu s’en faut, en tout cas une séance que je ne recommanderai à personne avec le FSB, je l’ai salué d’un « Comment ça va vieux pirate ?… » qui lui a donné le titre de son dernier recueil de poésie, Le vieux Pirate.
Bon, pour être tout à fait honnête, il vaut mieux que ce soit Encaustique qui l’ait écrit, sachant qu’avec ses prix littéraires et sa daronne académicienne, le livre a plus de chances d’attirer l’attention que si c’était votre serviteur qui l’avait rédigé — je suis voué aux gémonies pour mes péchés d’insolence face à la tartufferie Phrançaise, et maintenant mondialisée. Néanmoins — et c’est une litote par rapport à la lénifiance d’Encaustique, le fils à maman — je ne sais pas le dire en français : My prose packs a punch !… Il se trouve que je connais Limonade depuis 30 ans — ayant fait sa connaissance en 1981 pour être précis — que je n’ai plus besoin de raconter que je me suis marié en 1985 avec Medvedeva pour qu’elle reste en Phrance avec lui, et que — bien que ne partageant pas ses convictions russo-russes héroïco-tralala — il fait cependant lui aussi, partie de mes amis Antifessebouc !…
Dans l’univers de chapelles et de coteries phranco-phrançaises, même si j’écris sur Édouard depuis toujours, ayant remarqué avant tout le monde qu’il s’agissait d’un destin hors-normes, il va de soi que l’oseille et la notoriété vont à Encaustique, qui n’en a pas besoin, vu qu’il est né dedans. Carrière cirée d’avance m’avait du reste contacté il y a quelques années pour avoir des détails sur Édouard — il en savait si peu — avant de se raviser, vu qu’il avait appris sans doute que ses romans à faire pleurer d’ennui ne m’inspiraient qu’indifférence.
Bref, ça n’est pas si grave. On s’y fait. On ne prête qu’aux riches. C’est à dire que les riches se prêtent à eux-mêmes. Une conjoncture tendancielle qui a posé des problèmes sociétaux, ces derniers temps, notamment en Angleterre.
TDM, Août 2011.

Six roses romantiques





Le sang du poète

Quel bonheur ! — Un poison secret coule dans mes veines,
Une cruelle maladie de mort m’a menacé
Dieu fasse qu’ainsi il advienne !…
Ni l’amour, ni le tourment ne connait le trépassé,
Locataire de six planches, retiré
Ignorant de tout, oublié, délaissé,
Ni l’appel de la gloire, ni ta voix
Ne viendront troubler mon repos plein de foi.
Mikhaïl Lermontov.
(Traduction TM)

Я счастлив ! тайный яд течет в моей крови,
Жестокая болезнь мне смертью угрожает!...
Дай Бог чтоб так случилось!... Ни любви
Ни мук умерший уж не знает;
Шести досок жилец уединенный,
Не зная ничего оставленный, забвенный,
Ни славы зов, ни голос твой
Не возмутит надежный мой покой!...
М. Лермонтов

RIP l'entregent


In memoriam mondanités
Il semble que la dernière provo de votre serviteur aie coûté à notre estimable publication son chroniqueur mondain, Pierre-François Moreau. Je ne reviendrai pas sur le très insignifiant personnage qui avait inspiré ma diatribe, disons simplement que celle-ci relevait de l’autodéfense, on menaçait de me dénoncer publiquement dans ces chasses aux sorcières virtuelles des néo-religions de la Toile. J’ai donc pris les devants, Be first, be best. Je n’avais pourtant évoqué que des faits avérés : l’égout fessebouc sert aux multinationales à vendre les cochonneries sans valeur mais très chères et procureuses d’identité dont les émeutiers de Londres se sont emparés récemment parce qu’on leur fout sous le nez sans arrêt et qu’ils n’ont pas les moyens de se les payer. D’autre part, il est également avéré que l’égout fessebouc est une mine d’infos pour les RG de tous les pays. Mais c’est violer un interdit réel, bien plus grave que les transgressions rétrospectives des tabous de l’ère Pompidou dont se goberge le demi-monde d’acteurs culturels de troisième ordre sous la pression duquel Pierre-François Moreau a cédé. Cracher sur cette église là est impardonnable. Nous regretterons Pierre-François, un bon camarade, et qui donnait à nos pages un caractère aérien dont nos sombres bobines sont bien incapables. Mais enfin, sans scandale, ces mêmes pages seraient moins savoureuses : il ne nous déplait pas d’avoir enfreint les règles de conformisme et d’autocensure, d'avoir chié sur fessebouc, l'institution la plus lamentable de l'époque.
 Pat Caza, un véritable ami, a résumé brillamment la tempête dans le verre d’eau : « On dirait un mauvais épisode de General Hospital ! ».
Ces pages continuent avec les purs et durs : l’inénarrable et remarquable Caza, Vincent Deyveaux, roc de solidité et d'acuité visuelle,  et TM, l’agité du bocal.